Quelques mois après la sortie de Distant Satellite, le dernier album en date des Anglais d’Anathema, le groupe fait une étape à Paris dans le cadre de sa tournée européenne. Le public français est par ailleurs gâté puisque les frères Cavanagh sont récemment passés au Raismesfest, avant de prévoir quelques dates en province en plus du concert de ce soir au Bataclan. Au cours d’un excellent concert pour promouvoir Distant Satellite, le groupe nous a mis sur orbite. Retour sur une soirée riche en émotion.
Mother’s Cake
Qu’il est difficile pour un groupe quasiment inconnu d’ouvrir pour Anathema, dont les fans sont par ailleurs très exigeants. Cela est d’autant plus délicat lorsque votre bassiste vous lâche quelques heures avant de monter sur scène. Ce scénario qui en aurait découragé plus d’un est justement arrivé ce jeudi soir à Mother’s Cake, groupe d’ouverture d'Anathema sur cette tournée. Qu’à cela ne tienne, le trio devenu duo par la force des choses a décidé d’offrir au public présent un set acoustique totalement improvisé. C’est donc une formation réduite qui se présente sur les planches et qui, en dépit de la situation, préfère en rire et blaguer avec le public. Le groupe autrichien présente alors une facette de sa musique jusque là inédite. Si nous devons admettre n’avoir jamais entendu parler de Mother’s Cake avant ce soir, force est de constater que le duo se débrouille à merveille pour développer une musique groovy. Certes, ce style musical rappelant par moment Michael Jackson ne semble pas tellement adapté à une première partie d’Anathema, mais le groupe essaye tant bien que mal de faire oublier la situation avec une musique positive.
Mother's Cake
Jouant essentiellement sur les rythmiques au détriment des lignes mélodiques, les quelques morceaux réinterprétés ce soir sont somme toute assez répétitifs, mais le public semble faire preuve de tolérance. En effet, le capital sympathie du groupe sur qui tous les éléments se déchainent (le guitariste aura même droit à des soucis de câble en plein milieu d’un morceau, entrainant une longue improvisation de son compère au cajon) pousse le public à applaudir le groupe plus à des fins de soutien que de réelle implication.
Si la musique du combo n’a pas semblé faire mouche sur une partie de l’auditoire, il est clair qu’il faut avoir du cran pour monter sur scène dans ces conditions et c’est ce que le public retiendra de Mother’s Cake.
Anathema
Deux ans auparavant, Anathema était déjà venu fouler les planches du Bataclan pour présenter Weather System. Si les Anglais ont connu une période de disette dans les années 2000 (avec notamment un abandon de la part de leur label), les sorties d’albums et les tournées s’enchaînent avec une qualité sans précédent depuis la sortie de We’re Here Because we’re Here. Ce concert ne fait pas exception à la règle et les Anglais menés par les frères Cavanagh, Danny (guitare, clavier, chant) et Vincent (Chant, guitare), sans oublier le discret Jamie (basse) débutent le concert au son de « The Lost Song Pt 1 ». Ce titre qui ouvre Distant Satellite est malheureusement entaché d’un son plus qu’approximatif, la voix de Vincent étant quasiment inaudible, recouverte par la batterie de Daniel Cardoso et les percussions de John Douglas. Heureusement, lors de la seconde partie de ce même morceau (« The Lost Song pt 2 ») ce problème sera grandement amélioré, même si à aucun moment du concert les anglais ne bénéficieront du son qu’ils auraient mérité.
Vincent Cavanagh
Cela mis à part, la setlist est excellente, bien que faisant la part belle aux albums post 2010 (à l’exception de « Closer », « A Natural Disaster » et « Fragile Dreams », aucun titre ne sera issu des albums précédant We’re Here Because we’re Here). Mais quel bonheur de redécouvrir en live les désormais classiques « Untouchables pt1 & 2 », « Thin Air » ou « The Begining and the End ». D’autant plus que le groupe se fait très communicatif, à l’image de Danny Cavanagh qui fait signe à plusieurs moments au public de taper dans les mains, ou encore Vincent qui s’exprime dans un français impeccable pour remercier l’audience.
Danny Cavanagh
Musicalement, chaque musicien est impeccable. Danny Cavanagh passe ainsi du piano à la guitare sans soucis, tandis que son frère délivre à son habitude une prestation vocale habitée, où chaque note résonne avec justesse et émotion. Lee Douglas (chant) fait également preuve de toute sa maîtrise vocale, bien qu’étant moins mise en avant, sauf sur certains morceaux (« The Lost Song Pt 2 », « Untouchables Pt 2 », « Ariel »). Côté rythmique, Daniel Cardoso et John Douglas échangent volontiers leurs places en fonction des compositions, mais qu’il s’agisse de l’un ou l’autre derrière les futs ou derrière les claviers, les deux s’en sortent à merveille. On pourra cependant reprocher au groupe de se baser beaucoup trop sur des samples, en particulier concernant les ambiances (claviers et boites à rythmes électro sortent de l’ordinateur de Daniel Cardoso). Il est également intéressant de noter qu’en dépit d’une évolution lorgnant vers l’électro de la part du groupe (« The Storm Before the Calm », « Distant Satellites »), ils ne perdent pas leur spontanéité et leur côté puissant. On reste en présence d’un groupe de rock, et le côté gothique metal de leur début est encore largement palpable à l’écoute du magnifique morceau éponyme « Anathema ». Sur cette composition, véritable déclaration d’amour de la part de Danny et Vincent à leur groupe et bébé, le leader éblouit le public avec sa prestation vocale, tandis que le guitariste se lance dans un solo de toute beauté, prouvant si besoin est son aisance dans l’écriture de pièces mélancoliques.
Lee Douglas
Le set file à vitesse grand V, d’autant plus que chacun est investi et impliqué dans le concert de ce soir. La communication avec le public est encore une fois renforcée lorsque sur « Universal », Danny demande à tout le public du Bataclan d’allumer téléphones portables et briquets, comme réalisé sur le DVD du même nom. A la fin de ce titre, le groupe s’éclipse quelques minutes avant de réinvestir les planches et de donner des frissons à l’assemblée avec les titres « A Natural Disaster » (sur lequel la voix de Lee Douglas est littéralement transcendée) ou encore « Distant Satellites ». Mais c’est l’énergique "Fragile Dreams" qui conclue le concert de ce soir en beauté, une bonne partie du Bataclan sautant sur place sous les injonctions de Danny, tandis que Vincent headbangue comme à un concert de thrash.
Avec le concert de ce soir, Anathema a su se mettre le public dans la poche, avec un choix de setlist judicieux (même si certains classiques sont absents), une communication exemplaire et une générosité visible aux larges sourires qu’arborent les membres du groupe à la fin de ces deux heures de musique. Anathema propose aujourd’hui une musique intemporelle, à l’écart des modes et des courants, une musique tout simplement belle.
Setlist Anathema :
The Lost Song Pt 1
The Lost Song Pt 2
Untouchables Pt 1
Untouchables Pt 2
Thin Air
Ariel
The Lost Song Pt 3
Anathema
The Storm Before the Calm
The Beginning and the End
Universal
Closer
Rappel :
Firelight
Distant Satellites
A Natural Disaster
Take Shelter
Fragile Dreams
Photographies : 2014 Céline Godard
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