Les retrouvailles, c'est un moment appréhendé par moult chroniqueurs. Parfois, celles-ci sont synonymes d'éclats de joie, de grands sourires et d'un sentiment de sérénité. Dans le cas contraire, la rage et le désespoir seront nos compagnons d'infortune. Forcément, cet instant si peu évident est contraint d'arriver un jour ou l'autre. Revoici donc les Américains de While Heaven Wept, qui n'ont pas chômé, c'est le moins que l'on puisse dire, tant le guitariste et compositeur Tom Phillips semble avoir bossé sur cet album concept, Suspended at Aphelion. Composé d'un seul long morceau découpé en onze parties, cette nouvelle offrande est toujours signée sur le major Nuclear Blast, ce qui devrait assurer une promotion tout à fait conséquente pour les sept musiciens. D'autant plus que Fear of Infinity ne manquait clairement pas de qualités à revendre!
Ce cinquième opus reprend là où les choses ont été laissées quelques années auparavant, en évoluant toujours dans cette veine épique / progressive, bien éloignée des amours doom / death des débuts du combo. Rien de bien choquant jusqu'à présent, d'autant plus que l'ensemble de l’œuvre tournera dans ce registre. Le groupe possède maintenant une trajectoire définie, ancré dans un genre qui lui sied à merveille, maîtrisant son sujet sur le bout des doigts. Encore faut-il avoir de l'inspiration au-delà d'une technique irréprochable, et c'est là que le bât blesse. Cette nouvelle œuvre des Américains possède ses bons moments, et l'écriture des compositions est, elle, travaillée. Malheureusement, en dépit de tous les efforts déployés sur cette offrande, les déceptions ne vont cesser de s'accumuler au gré de pistes alternant entre de véritables instants de bravoure (l'excellente instrumentale « Indifference Turned Paralysis » en premier lieu) et nombre de moments sans gloire, où la mayonnaise peine à prendre. Le couperet tombe ainsi telle une pénitence : ce nouvel album, aussi soigné soit-il tant sur la forme que le fond, est un échec cuisant.
La faute à de trop nombreuses longueurs, empêchant l'immersion au sein de l'univers pourtant attrayant au premier abord de Suspended at Aphelion. Et cet ennui commence dès le début de la traversée, histoire de briser le suspense immédiatement. Les quatre premiers morceaux souffrent d'un cruel manque d'intérêt, la faute à une sauce qui jamais n'est relevée, restant toujours fade, immuable. Mention particulière, par ailleurs, à l'indigente ballade « Heartburst », où les lamentations de Rain Irving exaspèrent au lieu d'émouvoir, où la pièce se contente d'une triste platitude, se perdant dans de longues minutes sans aucun relief. Pourtant, le chanteur sait convaincre quand cela est nécessaire, preuve en est sur l'énergique « Souls in Permafrost », permettant enfin de redonner un coup de fouet salutaire à un While Heaven Wept en perdition. Ce frontman, polyvalent, reste l'un des points de satisfaction émergeant de ce disque, et se révèle toujours comme un très bon choix à ce poste. S'il peut avoir tendance à en faire trop, et donc à agacer, sa prestation globale constitue tout de même un atout de poids pour le combo.
Le studio, c'est trop fun!
Le défaut principal de cette offrande reste tout de même son aspect totalement bancal. Si la première moitié se révèle ennuyeuse, la seconde, elle, offre un regain d'intérêt considérable à Suspended at Aphelion. Les morceaux s'y veulent plus courts, directs, et l'effet escompté est au rendez-vous. Entre un excellent « Souls in Permafrost » doté d'une section rythmique percutante, où un « Lifelines Lost » tout en intensité grâce à des lignes de chant savamment écrites, un nouveau souffle est offert aux Américains qui montrent l'étendue de leur talent. Une rédemption totale, qui réconcilie les musiciens avec la muse de l'inspiration. Le groupe serait-il plus doué dans un registre plus court et concis? L'écoute de l’œuvre ne semble laisser aucun doute quant à la réponse à cette interrogation.
Frustrant, tel est l'adjectif le plus approprié pour décrire Suspended at Aphelion. Au fond, difficile d'en vouloir à While Heaven Wept tant la galette montre un travail colossal sur les ambiances épiques, les parties vocales, le concept... et pourtant, le constat est loin de tirer vers le positif. Trop de minutes perdues inutilement, de compositions en demi-teinte, d'occasions manquées d'arriver à enchanter l'auditoire. Sans éclat ni magie, ce disque est impeccable sur le papier mais son écoute en demeure décevante. Néanmoins, et cela est indiscutable, le talent est bel et bien présent pour relever la tête et faire oublier ce faux pas. Ne reste plus qu'à attendre les prochaines retrouvailles.