Les Britanniques d'Esben and the Witch sont décidément un trio créatif, multipliant la sortie d'EPs et d'albums depuis leurs débuts en 2008. Difficile, également, de classer la formation anglaise dans une case particulière. Post-punk? Post-rock? Peut-être même encore plus? Peu importe, il n'est nullement question de s'embarrasser d'une étiquette. Toujours est-il que les productifs musiciens ont un planning chargé cette année, se retrouvant notamment sur les routes, d'abord en tant que tête d'affiche, puis en ouverture des Islandais de Sólstafir, en compagnie du groupe espagnol Obsidian Kingdom. Tout cela, bien sûr, dans un but bien précis : promouvoir une nouvelle réalisation, dénommée A New Nature.
Si les trois compagnons enchaînent les sorties à une cadence soutenue, il est difficile de reprocher aux jeunes anglais de faire du surplace. Leur créneau est simple : se renouveler. La volonté d'évolution n'est pas uniquement palpable, elle est tout à fait réelle, et cela se ressent très fortement au niveau des compositions, à présent bien plus longues qu'à l'accoutumée et proposant des structures s'éloignant des schémas traditionnels, afin d'ouvrir la voie à de nouvelles expérimentations. « Press Heavenwards! », le titre d'introduction, donne le ton. Plus de dix minutes au compteur qui servent à développer une atmosphère envoûtante, où la formation prend son temps et continue une montée en puissance progressive avant de retomber dans l'apaisement. La section rythmique, quant à elle, est plus présente que jamais afin de soutenir le chant de Rachel, mais aussi et surtout dans le but de contribuer pleinement à la construction de cette ambiance sombre et introspective. Celle-ci, par ailleurs, est une caractéristique inhérente d'A New Nature, disque qui révèle ses charmes au fur et à mesure.
L'un des changements qui se remarque au premier coup d'oreille, c'est l'abandon complet des sonorités électroniques, qui occupaient auparavant une place de choix dans la musique proposée par les trois musiciens. A présent, l'accent est placé sur la capacité du groupe à délivrer des pièces cohérentes en utilisant les riffs de guitare comme fil conducteur, ou plus simplement le chant polyvalent d'une Rachel Davies au meilleur de sa forme. Capable de jouer dans des registres très différents, la chanteuse s'adapte sans difficultés aux diverses pistes, parvenant ainsi à déployer un éventail de compétences non-négligeable. Privilégiant davantage un registre plutôt rêveur, plongeant ainsi l'auditeur dans un cadre intimiste (« Dig Your Fingers in », « Those Dreadful Hammers »), la frontwoman n'hésite jamais à varier le ton si nécessaire, laissant apparaître des facettes très intéressantes de sa personnalité. Apportant ainsi un réel dynamisme sur « Blood Teachings », la talentueuse Anglaise se montre, une fois de plus, comme l'une des clefs de voûte d'Esben and the Witch.
Si l'offrande est résolument travaillée, elle n'est pas exempte de légers points noirs. Prévisible compte tenu de la durée des titres, quelques longueurs s'immiscent ça et là. Et pourtant, ce ne sera jamais le cas sur « The Jungle », superbement écrite et interprétée bien que très dense. Cette piste, véritable pierre angulaire de l'opus, synthétise tous les efforts d'Esben and the Witch quant à leur volonté de sortir du lot. Les ambiances sont poignantes, prennent aux tripes et les lignes vocales de Rachel sont à l'avenant, versant tantôt dans la douceur, puis dans l'angoisse. L'apparition de la trompette est un autre élément notable, qui n'est, heureusement, pas placé au sein du morceau par hasard, appuyant les émotions dégagées par le titre. Le groupe propose un final en apothéose, offrant ainsi la parfaite conclusion. Les moments plus faibles se laissent entrevoir sur « Wooden Star », qui peine à captiver sur sa durée complète en dépit des efforts du groupe. Cet écart est bien vite rattrapé, tant la qualité ne manque pas au sein d'A New Nature. De l'opener musclé « Press Heavenwards! » à un « Blood Teachings » n'hésitant pas à s'emballer, les réjouissances sont multiples et qu'importe le domaine qu'aborde la formation, la maîtrise technique du trio permet de ne jamais tomber hors de propos.
"On fait un concours de barbe avec Kadavar. Mais ça ne marche pas très bien pour Rachel".
Laissant ainsi entrevoir un nouveau visage, Esben and the Witch surprend et laisse une impression positive à l'auditeur. Demandant de nombreuses écoutes afin d'apprécier toutes les subtilités mises à disposition par les Anglais, A New Nature se révèle finalement comme la réalisation la plus aboutie du combo. Nul doute que les morceaux devraient prendre une toute autre dimension sur scène, bien que la formation va sûrement devoir batailler afin de convaincre les amateurs de metal de s'intéresser à leur cas. Il serait pourtant bien regrettable de passer à côté d'une telle réussite.