La formation suisse de Metal moderne propose avec son album un cocktail de diverses influences pour un résultat honnête mais donne peut-être un peu trop l'impression de chercher la bonne recette qui lui permettra d'imposer véritablement son style.
Il y a des groupes, ou des styles, avec lesquels on sait à quoi s'attendre plus ou moins lorsque l'on jette une oreille dessus. Nous devinons parfois d'avance ce que l'on risque d'entendre en écoutant le nouvel album d'un combo déjà bien implanté ou débutant, ne serait-ce qu'en se focalisant sur la pochette et les titres des morceaux.
Et puis il y en a d'autres qui aiment cultiver le mystère, aussi bien au niveau du contenant que du contenu, des cas où l'on ne peut dire si c'est du Symphonic Death Powercore ou du Heavy à tendance zoophile, que nous écoutons tout en regardant l'artwork et le track-listing qui ne nous en dit pas plus. Et finalement on se trouve bien bête lorsque l'on cherche à classer ce combo que l'on nous a refilé.
C'est le cas avec Kruger, formation suisse déjà bien établie qui sort déjà son cinquième album. Après un EP intitulé 333 paru en 2013 proposant deux morceaux figurant sur ce disque, histoire de faire patienter les fans car les lascars ont dû faire face à quelques bouleversements internes les ralentissant dans leurs activités, Adam And Steve est donc disponible sur Listenable Records depuis le 13 octobre 2014.
Et déjà nous pouvons nominer cette pochette représentant une grosse pomme rouge accompagnée d'un « A & S » sobre comme étant l'artwork le plus énigmatique de cette année qui commence son achèvement.
Les musiciens expliquant dans les quelques interviews qu'ils ont données entourant la sortie de ce nouvel opus que la pomme est une allusion à l'épisode biblique du fruit défendu. Le titre Adam And Steve est lui un jeu de mots sur Adam et Eve inspiré par un reportage sur les manifestations anti-gay aux USA visionné par le groupe au moment de la genèse de cet album où « deux gars portaient une pancarte « God created Adam and Eve, not Adam and Steve »*. On comprend mieux effectivement où veut en venir Kruger.
Et musicalement comment situer nos suisses à l'humour grinçant ? C'est encore un problème. En effet Kruger n'est ni vraiment Metal, ni Hardcore à fond les ballons, encore moins Noise à tous les étages ou Punk sans limite, il est un peu tout ça à la fois.
De nombreux groupes viennent à l'esprit en écoutant Adam And Steve, que ce soit le Entombed de Wolwerine Blues sur l'introductif, direct et efficace « Bottoms Up » ou Neurosis (sans le côté psychédélique et névrosé) sur des morceaux comme « Adam And Steve », « Charger » et « Mountain Man ». Il y a un peu de Voivod aussi sur « Discotheque » (avec sa batterie tribale et son groove froid) et un petit côté Killing Joke sur le assez dansant « Herbivores », de même on a un exemple plutôt convaincant de Post-Rock avec l'instrumental planant et noisy « Farewell » qui clôture le disque. Nous pouvons aussi affirmer que l'influence, revendiquée, de Botch se fait clairement entendre sur un titre comme « Charger » par exemple tandis que « The Wild Brunch » se rapproche de Hacride.
Le tout est joué avec rage, conviction et souci d'honnêteté mais voilà, on reste un peu perplexe parfois face à cette débauche d'énergie même si les huit morceaux constituant ce nouvel album de Kruger tiennent largement la route. Les refrains sont soignés, notamment sur « Adam And Steve », « Bottoms Up » et « The Wild Brunch » et il y a aussi quelques choeurs bienvenus comme sur « Bottoms Up » et « Discotheque ». Les musiciens sont appliqués (cette basse lourde et ces rythmiques oppressantes le prouvent sans oublier la voix du chanteur Renaud Meichtry qui évoque parfois agréablement Scott Kelly, le frontman de Neurosis) mais on sent qu'il manque à la formation helvète le petit plus qui pourrait les faire passer au rang supérieur. Peut-être à cause de cette production un peu trop brute ou tout simplement qu'en voulant diversifier son propos, parfois au sein d'un même titre, Kruger finit par perdre un peu l'attention de son auditeur ?
On ne sait pas et on cherche encore un peu tout en se réécoutant ce Adam And Steve qui a déjà le culot de proposer quelque chose de frais et plutôt novateur, du Metal moderne en somme qui ne demande qu'à viser l'excellence.
*Interview du 29/09/2014 publiée sur VS-Webzine.Com
Liste des morceaux :
1. « Bottoms Up »
2. « Discotheque »
3. « Adam and Steve »
4. « Charger »
5. « Mountain Man »
6. « The Wild Brunch »
7. « Herbivores »
8. « Farewell »
