Après un rarissime concert parisien qui s'est achevé un peu brusquement suite à un malaise vagal de la part d'Aramath, l'homme à l'origine de Woodtemple, il a tout de même tenu à répondre à quelques unes de mes questions, parce qu'il s'était engagé à le faire avant le concert. De nombreux musiciens n'auraient pas fait cet effort pour beaucoup moins que cela. J'ai donc pu discuter avec cet intéressant personnage méconnu en France, mais dont la notorité dans la scène pagan metal en Autriche et en Allemagne n'est plus à faire.
Thomas: Je vais débuter avec une questions sur les concerts. Pourquoi as tu cherché seulement cette année, à monter pour la première fois un groupe complet et ne plus seulement faire tes enregistrements studio ? Pourquoi cela t'as pris tout d'un coup, après tant d'années, de vouloir faire des concerts ?
Aramath: J'ai joué mon premier concert en 2003, ce qui était mon tout premier et jusqu'à présent unique concert. C'était en Allemagne et il avait été plutôt bien reçu, mais j'avais décidé de plutôt me consacrer à l'enregistrement d'albums. En fait, je ne voulais plus faire de concerts. Avec les années, après dix ans, en 2013, j'ai commencé à me demander si je devais pas quand même présenter Woodtemple en live.
Sur un CD, on peut toujours tout faire bien, mais j'ai dis qu'on devait le faire en live, pour que les gens puissent voir qu'on parvient aussi à jouer ces trucs devant un public. C'était la raison pour laquelle j'ai décidé de faire des concerts.
Thomas: Est-ce qu'il s'agit d'une sorte de défi personnel ?
Aramath: Je me suis fixé cette obligation moi-même. Il y a eu tellement de personnes qui l'ont demandé, en Allemagne, en Autriche. Et entre mes deux derniers albums, il s'est écoulé six ans. Quand j'ai annoncé le nouvel album, il y a eu beaucoup de personnes qui ont demandé si Woodtemple allait faire des concerts. Donc je me suis dit, OK, on a eu tellement de demandes, on va jouer !
Thomas: Est-ce que tu as déjà un plan, un projet de mini-tournée ou bien ça sera quelques dates épisodiques ?
Aramath: Non, rien n'est prévu.
Thomas: Vous voulez tâter le terrain ?
Aramath: Oui, on a essayé la France. C'était d'ailleurs lié à beaucoup de stress. On dû retravailler les chansons, pour qu'on puisse les jouer en live. Ca a plutôt bien fonctionné, mais ça a malheureusement raté ici à Paris.
Thomas: Raté, c'est un peu exagéré. J'ai vu le concert, c'était quand même pas mal.
Aramath: Oui, mais j'ai déjà remarqué à la première chanson que quelque chose n'allait pas. Je n'entendais plus bien les guitares. Mais je me suis dit qu'il était hors de question d'abandonner. On était là et on allait jouer jusqu'à la dernière note et ça, on l'a fait au mieux.
Les tournées ne sont donc pas encore prévues, mais j'ai un nouveau batteur. Je l'ai rencontré en Mars et c'est un membre fixe du groupe. A priori, je ne voulais que des musiciens de session, mais il fait parti du groupe maintenant. Les prochains albums, on va les faire de manière plus puissante, avec des chansons plus rapides. Il y a quand même plus de sensations avec une vraie batterie. C'est évident, et c'est le travail qu'on va faire.
Thomas: L'aspect technique est important, mais l'autre aspect essentiel de ta musique est le paganisme. Pour toi, en 2014, qu'est-ce que c'est des païen ? Qu'est-ce que ça signifie pour toi ?
Aramath: Pour moi, à titre personnel, ce n'est pas une religion. Ce que je qualifie de païen, c'est simplement la fierté qu'avait les gens d'autrefois. Les gens s'entraidaient beaucoup. Si on regarde ce qui se passe en 2014, chacun va sur son propre chemin, chacun fait tout pour soi-même, et personne ne donne quelque chose. Je veux montrer aux gens, aussi à travers le titre de mon album "Forgotten Pride", que la fierté d'antan peut revenir. C'est à ça que je crois et c'est pour ça que je qualifie ma musique de pagan metal. J'ai besoin des mots corrects (pause).
Dans les temps païens, les gens étaient unis et c'est exactement ce que l'on devrait pouvoir retrouver. C'est pour cela que je fais cette musique, et mes textes en parle. Mes premiers albums étaient plutôt anti-chrétiens. On prend de l'âge et on mûrit avec le temps. Pour cette raison, j'aimerais juste montrer le chemin aux gens ; ce que nous faisons dans un groupe, travailler ensemble. Peut-être que les gens vont finir par se réveiller et retournent un peu vers la fierté du passé. Les traditions d'autrefois également. Le pagan metal est un grand domaine avec lequel je ne veux pas m'identifier. Pour moi, il n'y a que Graveland qui ont fait des choses dès le début et où je peux dire que c'est un exemple pour moi. Sinon, j'ai mes propres intérêts. Je n'ai rien contre des groupes qui font du pagan, c'est un phénomène de mode. Mais il y a une différence, nous le faisons avec notre cœur.
Thomas: Oui, je vois. C'est un peu la différence qu'il peut y avoir entre, par exemple, Korpiklaani et Menhir ?
Aramath: Menhir par exemple, l'incarne depuis toujours. Ils vivent par rapport aux temps passés, organisent des choses. Korpiklaani ont plus un rapport avec l'humeur. Cela plait à beaucoup de monde, ce que je peux comprendre et chacun est libre de faire ce qu'il veut, mais cela ne me parle pas.
Thomas: Mon exemple était donc correct. Est-ce que tu fais quelque chose en rapport avec la reconstitution historique ?
Aramath: Non, pas vraiment. J'ai un groupe de "Perchten" (NDA: je n'ai pas compris le mot utilisé, se référant à une coutume locale). C'est un folklore traditionnel autrichien. Cela vient des païens d'ailleurs. Je voulais raviver les traditions anciennes avec ces gens. Comme tout s'écroule en Autriche, je voulais montrer aux gens comment c'était autrefois. C'est une coutume. Comment pourrai-je expliquer cela ? On se déguise par exemple, pour chasser les mauvais esprits. J'ai quitté ce groupe cependant, car j'ai décidé de tout de même faire jouer Woodtemple en live. Et je ne peux pas faire plusieurs choses en même temps. Quand je fais quelque chose, je le fais avec tout mon coeur. Woodtemple a la priorité.
Thomas: Est-ce que tu as un rêve que tu aimerais réaliser. Musicalement, avec Woodtemple ? Est-ce que tu aimerais faire quelque chose, que tu feras peut-être jamais, mais qui est ton rêve ?
Aramath: Avec Woodtemple ?
Thomas: Oui.
Aramath: Woodtemple remplit ma vie. Je l'ai commencé quand j'avais seize ans. C'est un équilibre pour moi. Je le fais pour moi. Cela me fait plaisir de voir que cela plait également à d'autres gens, mais je suis déjà allé beaucoup plus loin que je ne le voulais initialement. Disons le ainsi. Je pensais que Woodtemple allait rester localement, en Autriche. Il y a bien sûr un certain nombre de jaloux. Bien sûr, il y en a partout. Il y a bien sûr bon nombre de bons groupes en Autriche. Mais j'ai atteint plus de chose avec Woodtemple, que je ne le voulais ! Mais j'aimerais poursuivre. Je dois continuer, car j'ai le besoin de faire de la musique.
Thomas: Un CD est sorti il y a très peu. Je ne l'ai même pas encore écouté, il est sorti le 30 septembre dernier il me semble. Cela fait même pas deux semaines.
Aramath: Exactement.
Thomas: Je suis impatient de l'écouter. Est-ce que Rob (de Graveland, le bassiste de Woodtemple) a une influence ?
Aramath: Il n'y a pas vraiment d'influences musicales, je fais tout moi même. Mais j'apprends beaucoup. Quand j'ai fait mes premiers albums, il me disait ce qu'on pouvait améliorer. Même sans améliorer, il m'aide beaucoup sur le son, mais il n'a pas d'influence musicale. Je fais mon truc. Ma musique est plutôt lente. Etait plutôt lente, car j'accélère et avec le nouveau batteur, je vais accélérer encore plus. Mais il m'a toujours aidé pour le son, pour le mastering et le mixage. Et ça, c'est déjà beaucoup. Et je sais l'apprécier à sa juste valeur. Bien sûr, cela donne un son un peu à lui, car le mastering vient de lui. Mais musicalement, je dirais non. On joue de manière semblable, on a aussi des avis musicaux semblables, mais cela me fait plaisir, car nous n'avons pas de concurrence dans ce domaine. A part, Menhir, Graveland, Woodtemple, je ne saurais pas quel groupe fait ce genre d'underground. J'ai bien sûr un très grand respect envers Rob, quoiqu'il fasse, car il le fait toujours avec le coeur, et ça, je l'apprécie. Il est depuis de nombreuses années mon meilleur ami et j'avais des contacts avec lui dès mes quinze ans, donc depuis très longtemps. Entre temps, j'ai trente deux ans, donc cela fait plus de la moitié de ma vie. Et je lui suis toujours reconnaissant quand il m'aide quelque part. Il m'a dit qu'il aimerait bien jouer la basse durant les concerts. Et il fait un boulot formidable. C'était aussi très difficile de le faire, car on n'avait que rarement la possibilité de répéter ensemble. Vraiment répéter dans un groupe ensemble, on ne l'a fait que deux ou trois fois. Et ça a plutôt bien fonctionné, sauf qu'aujourd'hui, j'ai eu mon problème.
Thomas: On ne peut rien faire contre ce genre d'imprévus.
Est-ce que tu aurais quelque chose à dire à tes fans français et à ceux qui te connaissent ici ?
Aramath: J'aimerais vraiment les remercier pour leur soutien. Car j'ai vraiment de nombreux fans français que j'ai depuis des années, depuis mon premier album. J'étais très impressionné d'avoir vu ces gens qui étaient présents, avec leur coeur. Il y a de nombreux autres pays qui pourraient en prendre exemple. J'ai vraiment beaucoup de respect envers ces gens, et encore une fois les remercier pour leur soutien. Ce qu'ils m'ont donné ce soir conforte mon travail. Je n'aurais pas pensé que les fans français accrochent autant à mes trucs. Respect !
Je les remercie, et au nom de Rob également, car il y avait aussi de nombreux fans de Graveland dans la salle. Mais tout cela semble incroyable, puisque je viens d'Autriche et que la France est tout de même éloignée, et qu'il y a tout de même autant de monde qui est venu. C'est super !
Thomas: Une dernière question de ma part. Je la pose à tous ceux que j'interview. Pour toi, qu'est-ce que c'est Woodtemple, en 2014, résumé en un seul mot ?
Aramath: Woodtemple en 2014 ? C'est très difficile. "Woodtemple sont plus forts que jamais".
Thomas: C'est une bonne conclusion. Merci beaucoup !
Thomas Orlanth
Photos : © 2014 Thomas Orlanth - site internet: www.thomasorlanth.com
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