Dire que Nachtblut n'aura pas marqué grand monde avec ses précédents méfaits est un doux euphémisme. Dans le cas contraire, ce ne sera certainement pas par la qualité des œuvres composées jusqu'ici. En gros, les Allemands ne partent pas gagnants, et il faudrait vraiment un miraculeux coup de poker pour que l'opinion générale soit enfin favorable à leur musique. Napalm Records y croit, et c'est ainsi que sort Chimonas, que quelques grands humoristes ont déjà rebaptisé Chimonaze sans même avoir écouté une seule note extraite du disque. Les coquins. Maintenant, tout le défi est de savoir si le combo est en mesure de proposer de bonnes compositions ou restera à jamais confiné dans l'anonymat le plus total, la faute à ses titres médiocres. Alors, promesse tenue?
Et bien, aussi surprenant que cela puisse paraître, il semblerait que oui. En effet, l'auditeur est accueilli avec « Gotteskrieger », et la débâcle ne sera pas pour tout de suite. Au fond, la recette du groupe change peu, restant toujours dans un black metal aux fortes nappes symphoniques, mais cette fois-ci, le quatuor maîtrise mieux sa formule et n'hésite pas à se lâcher davantage, à coup de riffs tranchants et d'orchestrations soutenant à merveille les lignes vocales, bien plus efficaces qu'à l'accoutumée. Et si Nachtblut trouve une première pépite, c'est sur un filon qu'ils sont tombés car « Wien 1683 » qui emboîte le pas à ce bon opener répond au même cahier des charges. En plus de proposer une introduction bien pensée et plongeant immédiatement dans l'ambiance, l'écriture de la piste est intelligente. Section rythmique enthousiaste, accompagnement musical frisant l'excellence avec ses allures cinématographiques, chant tout à fait correct, voilà que les musiciens délivrent le meilleur d'eux-mêmes. Les mauvaises langues peuvent ainsi se taire, la formation allemande aura abattu ici une carte que personne n'avait vu venir. Chimonas est-il le disque de la réconciliation?
Patatras, que nenni. Ces deux belles pièces passées, les déceptions ne cessent de s'accumuler. Comme si Nachtblut avait tout donné d'un coup, et n'était ensuite plus en mesure d'intéresser quiconque. N'ayant pas retenu la leçon, le groupe retombe dans tous ses travers, en proposant des sonorités symphoniques en toc, des mid-tempos ennuyeuses en veux-tu, en voilà (« Wie Gott Sein », « Und Immer Wenn Die Nacht Anbricht », « Dort Wo Die Krähen »), et une voix rarement convaincante, restant encore et toujours aussi linéaire. Le manque cruel de variations de la part d'Askeroth porte définitivement préjudice au groupe. Cet aspect est clairement décevant, tant il est plat, la faute à ces lignes de chant interchangeables et mollassonnes et à cette voix restant dans un même ton, faussement agressive mais ne disposant pas de la puissance nécessaire servant à proposer une musique massive et imposante. Dans l'univers impitoyable du black metal, il est pourtant bienvenu de s'offrir les services d'un chanteur ayant du coffre et du caractère, vivant littéralement sa musique. Mais difficile de qualifier notre frontman de particulièrement investi, tant son registre monotone apparaît comme assommant.
Tombant de Charybde en Scylla, Nachtblut cherche à sauver les meubles mais en vain. Une piste comme « Schwarz » laissait présager de belles choses avec sa fougue et ses orchestrations, mais la formation assène un véritable coup en traître. Ralentissant le tempo de manière incompréhensible alors que tout était si bien amorcé, le morceau retombe comme un soufflé et ne parvient plus à captiver. Quand les bonnes idées sont de retour, les Allemands s'amusent à les saborder, histoire de se complaire encore dans leur propre banalité. Le comble du mauvais goût est atteint sur « Dort Wo Die Krähen », tant la voix de notre brailleur est à côté de la plaque, décalée par rapport à une instrumentale faiblarde, où les guitares sont presque inexistantes, laissant au piano un espace bien trop important. Quand les dames à cordes reviennent au premier plan, leurs riffs sont sans inspiration, en pilotage automatique comme sur « Märchen », totalement inintéressante. Même le solo, supposé donner du mordant au morceau, est mauvais. Jamais la formation ne trouve une façon de relancer la machine. Tout y est lisse, sans saveur, s'écoutant dans l'indifférence la plus complète.
Pour la promo, on est prêt à se les geler!
Le début de course était prometteur, mais l'accumulation des erreurs est encore bien trop importante, une fois de plus. Nachtblut peine à retenir ses leçons et n'apprend rien. Pourtant, les deux premières pistes démontrent qu'il est possible pour la formation d'opter pour une voie intéressante, où les diverses composantes de leur musique sont harmonieuses. Hélas, Chimonas est un chemin de croix, un réel calvaire où l'ennui sera l'unique compagnon de voyage, collant comme jamais. Les Allemands pourront-ils progresser un jour? Si dans un élan d'optimisme, il est possible de répondre à cette question par un franc « oui » en se souvenant des titres du début, le constat est pourtant sans appel : la réponse est non.