Petit jeunot fraichement débarqué sur la scène du metal prog, dominé par Dream Theater depuis des lustres, voici que le Danemark livre Third Eye, une formation très récente, et qui en cette année 2010 sort son premier essai : « Recipe for Disaster », en Mai sur Escape Music. Pas facile dans un milieu comme celui-ci de se démarquer et de trouver une place au soleil aux côtés des pointures du genre, de trouver une marque de fabrique et de poser son empreinte. Pourtant, quelques révélations comme Aspera y parviennent. Et Third Eye, alors ?
Ce qui vient à l'esprit à l'écoute de cette galette, c'est une grosse claque. Une telle maturité de la part d'un groupe aussi récent, c'est tout simplement surprenant. En effet, le metal prog des danois possède vraiment quelque chose de spécial, une touche de fraicheur et d'originalité propre, se démarquant de leurs confrères par un son qui leur est propre, une personnalité déjà bien affirmée. Les compositions, très diversifiées et alliant avec brio technique, puissance, virtuosité et feeling sont des pierres précieuses ciselées avec une précision remarquable. Bien sûr, comme tout bon groupe de metal prog, nos scandinaves savent assurer en un même morceau moult variations et changement de rythmes, piège pour certains, preuve de maîtrise pour d'autres. Third Eye connait son sujet et livre des pistes qui nous régaleront de bout en bout, à la manière de « Recipe for Disaster », le morceau éponyme, assurant parties plus véloces et musclées, le tout sur fond de solos de guitares techniques, avec parties plus mélodiques et petites incursions expérimentales au clavier, saupoudré d'une versatilité vocale assez impressionnante. Les autres titres ne sont pas en reste, et l'ennui est évité par une multitude d'effets et de structures complexes mais gardant malgré tout un squelette, une ligne conductrice, de sorte que l'auditeur ne se retrouve ni perdu, ni dérouté, ni déboussolé par ce qu'il écoute. Nos danois prouvent l'étendu de leur talent en se livrant, toujours avec succès, au morceau rentre-dedans et entraînant à l'instar de « Dark Angel », à la ballade emprise de mélancolie et de douceur, mais avec un refrain titanesque (« Six Feet Under »), aux passages presque jazz de « Darkness Into Dawn » ou encore au morceau plus technique, là où la preuve de l'absolue connaissance du sujet se fait, sur « Eye of Envy », où s'enchainent solos de guitare, passages plus calmes, plans instrumentaux solides, apparition de douces notes de piano, le tout en presque 9 minutes de pures sensations. Attendez-vous également aux passages que vous retiendrez bien longtemps, les tubesques « Solitary Confinement » et « Psychological Breakthrough » sont emplis de lignes vocales mémorisables, solide et magistrale. Vous étiez en manque de bombes progs ? Third Eye règle la situation. Mention spéciale au chef d'œuvre du skeud, à sa pierre angulaire, sa pépite d'or : « The Psychiatrist », la synthèse parfaite du morceau prog le plus réussi, par tant d'ambiances se succédant, de diversité en un même titre, d'intensité, de technique, un régal, tout simplement. Seulement voilà, nous sommes en face de metal prog et il n'est pas sûr que l'accroche se fasse immédiatement. Cet album est tellement riche et marie tant de sonorités diverses et variées qu'il sera difficile de s'imprégner de l'atmosphère proposée dans cet opus la première fois. De nombreuses écoutes seront nécessaires à l'auditeur afin d'assimiler un ensemble aussi garni. Le risque est donc que les plus impatients laissent de côté cet album, ce qui serait dommage.
Doté d'une production limpide où chaque élément trouve une place de choix et reste audible à l'auditeur. Une arme de plus pour nos danois, dans la conquête du trône du metal prog.
Et ce chanteur, Per Johanson, est une véritable révélation. Ce qui frappe le plus chez cet homme, c'est son registre vocal incroyablement varié, passant d'un registre à un autre en une fraction de seconde, osant des envolées toujours plus réussies les unes que les autres, des aigus excellent, pas de doute, il connait sa voix et sait en faire ce qu'il veut. Son timbre, très atypique, peut parfois nous rappeler Russell Allen (Symphony X), mais sans en être une copie, bien loin de là. Comme la musique de la formation, l'identité vocale est une qualité mise en avant et donnant toute son intensité à la musique. Attention cependant, ce vocaliste est si particulier que là encore, cela peut pénaliser la formation en terme d'accroche.
Mature, époustouflant, voici un nouvel espoir du metal progressif qui se révèle au grand jour. Third Eye prouve avec ce « Recipe for Disaster » que le genre à encore de beaux jours devant lui, et qu'une relève est prête à être assurée. Avec un premier opus d'une telle qualité, nul doute que le second sera, lui, très attendu. Le power metal révèlera Pathfinder, le metal symphonique Diabulus In Musica, et la révélation du prog, ce sera Third Eye. Grandiose !
Note finale : 9/10
