La table est rase, ou presque
Le premier album de Soen avait eu un écho médiatique important, pour plusieurs raisons : un groupe constitué à la fois de célébrités et d’illustres inconnus, une musique racée, mais ressemblant à s’y méprendre à Tool, similitude qu’on retrouvait même dans la pochette de Cognitive, avec un graphisme anatomique que n’aurait pas renié Alex Grey. Mais surtout, l’album était excellent, rendant cette agitation autour du groupe à la fois méritée et justifiée. Aujourd’hui, les voici de retour avec Tellurian. Ont-ils réussi à passer le cap difficile du deuxième album, après une première tentative réussie avec brio ? La réponse n’est pas évidente à formuler.
Déjà, comme si c’était un présage du verdict à rendre, Steve DiGiorgio n’est plus de la partie. Il avait énormément contribué au cachet de Cognitive, avec un jeu de basse à la fois technique et rafraîchissant et aussi, une place de choix dans le mixage. Vivant en Californie alors que Soen est basé en Suède, ils ont préféré opter pour un bassiste plus proche d’eux pour la vie du groupe, en la personne de Stefan Stenberg. Ce dernier est loin d’être un manchot, et le montre dans quelques moments de bravoure au cours de Tellurian, mais il était quasiment impossible d’arriver à éclipser la performance de DiGiorgio, d’autant plus que la basse est moins mise en avant sur ce nouvel opus.
Comme pour faire taire les ragots, l’influence de Tool y est nettement moins présente que sur Cognitive, que ça soit dans les riffs ou même le chant de Joel Ekelöf. En théorie, on ne peut que saluer cette initiative, permettant ainsi au groupe de se forger une personnalité musicale bien à lui et sans être toujours dans l’ombre des maîtres. Sauf que dans la pratique, ça ne marche pas aussi bien que prévu. Justement au niveau du chant, on constate que Joel est bien moins convaincant et accrocheur que sur Cognitive. Autant il arrive à nous faire vibrer sur « Tabula Rasa », autant c’est nettement moins convaincant sur la lancinante « The Words ». En fait, ses parties trop convenues gâchent de très bons moments instrumentaux, notamment sur la tentaculaire « Pluton » ou « Ennui », qui porte bien son nom pour décrire le chant. C’est triste à dire, mais Joel Ekelöf était meilleur en singeant Maynard J. Keenan.
Musicalement, Tellurian est moins agressif, plus planant que son prédécesseur. Encore une fois, c’est un parti pris intéressant, qui permet en plus à Soen de ne pas se répéter. On retrouve d’ailleurs cet aspect aérien dans la production de la guitare, avec une palette de sons plus floue et moins tranchante, qui charmera certains autant qu’elle en décevra d’autres. A la batterie, sans surprises, c’est un carnage. En effet Martin Lopez s’est surpassé pour nous délivrer, tout au long de l’album, un jeu varié, classe, technique et pétri de feeling. Mais cette performance époustouflante fait presque tâche à côté des autres musiciens, beaucoup plus sobres.
Ainsi, Tellurian laisse une impression mitigée. Il est bourré de bonnes idées, mais qui sont souvent juxtaposées à d’autres idées qui marquent nettement moins les esprits. Avec quatre chansons qui dépassent les six minutes, on est souvent emporté dans une sorte d’ascenseur émotionnel où on est tour à tour séduit puis déçu par des passages presque banals. Après la petite bombe qu’était Cognitive, la bulle a éclaté. Soen aura au moins eu le mérite de proposer quelque chose de différent. En espérant tout de même un passage au Hellfest en 2015 !
Note : 6,5 / 10
Chronique par Tfaaon