La traversée du parc de la Villette est toujours incertaine. Plusieurs salles de concert se trouvent dans ce vaste secteur et il ne faut pas s'égarer en confondant les allées sombres.
L'ouverture des portes est à 18 heures, nous avons donc même le temps de manger un morceau. Allez, soyons fous, le choix à cette quasi-heure du goûter se porte vers un kebab non loin de la sortie du métro.
Quelques métalleux sont d'ailleurs attablés et essaient de se faire comprendre du restaurateur qui semble encore moins maîtriser l'anglais qu'eux.
L'anglais ? Des fans venus de loin ? Non pas tout à fait... En regardant de plus près, nous reconnaissons Masha, Sergei, Ruslan et Vlad. Autrement dit, presque toute la formation d'Arkona qui se font également leur petit quatre-heure avant de jouer sur la scène du Trabendo quelques temps plus tard. Après un rapide échange en se remémorant de nous être croisés à l'occasion d'une interview à Mâcon, nous avalons rapidement notre pitance pendant que le groupe rejoint la salle un peu avant nous.
Même en arrivant à l'heure, nous constatons que la queue va déjà assez loin. Il faut dire que le parcours sinueux qui va vers le Trabendo est plutôt étroit et cela donne vite l'impression d'une très longue file d'attente, d'autant plus que le concert parisien, comme toutes les autres dates de la tournée française, est sold-out depuis longtemps.
Nous profitons de notre accès presse pour entrer de justesse quelques minutes avant que le premier groupe ne commence à jouer. Autant dire, que les derniers spectateurs vont rater la moitié de leur prestation. Mais soyons honnêtes, les salles parisiennes sont connues pour être très ponctuelles et lorsqu'on va voir un concert de ce type, sans aucune place restant à la vente, il vaut mieux être prévoyant et venir au grand minimum une petite demi-heure à l'avance.
Skálmöld:
La salle semble déjà bien remplie, alors qu'il reste pas mal de monde à l'extérieur quand les Islandais de Skálmöld débutent leur set vers 18h30.
Commencer un concert est toujours une chose ardue, mais avouons que devant un public déjà nombreux et très réceptif au viking metal, c'est beaucoup plus simple. D'ailleurs, l'ambiance vient très rapidement pour ne pas dire immédiatement et la musique capte l'attention.
Il faut dire que les envolées lyriques et épiques entremêlées de soli maîtrisés, de virils choeurs païens et de non moins virils growls occasionnels est un mélange qui a de quoi plaire.
Le show est maîtrisé, sans prétention, mais efficace.
Tous les membres du groupes semblent apprécier et s'amuser.
Le batteur, Jón Geir Jóhannsson, nous démontre que la grosse caisse et les fûts n'ont pas besoin d'être cachés au loin, et qu'ils peuvent être visibles et en position avancée dans le coin droit de la scène. Il semble aussi à l'aise que lors d'un boeuf entre amis. L'harmonie dans le groupe est palpable, tout s'enchaîne naturellement. Le fait que tous les membres de la formation disposent, et se servent, d'un micro renforce encore cette cohérence de groupe. De clan devrai-je dire. Si chacun tient évidemment sa place, l'utilisation des différents timbres de voix renforce encore cette impression générale de musique de qualité.
Björgvin Sigurðsson, frontman et guitariste, nous annonce à mi-concert que le nouvel album est sur le point de sortir. En attendant de pouvoir l'écouter, on va déjà se contenter d'un bon concert !
Les Islandais ont cette chance de pouvoir porter réellement des noms aux consonances légendaires comme Baldur Ragnarsson. L'intéressé, guitariste de son état, ne peut donc que rendre hommage à la fougue de ses ancêtres vikings (et à leur barbe).
En résumé, un très bon show offert par ce groupe dont on reparlera certainement.
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Arkona:
Après une petite pause d'un petit quart d'heure, bien utile pour aller se réhydrater et faire un petit tour au merchandising, nous allons pouvoir constater si la digestion des membres d'Arkona s'est bien passée, ou si une petite lourdeur est restée.
Le groupe monte sur scène vers 19h30 et la lumière devient vite tamisée. Comme à leur habitude, les musiciens se tournent dos au public, avec Masha et Sergei au milieu, levant les poings vers le ciel embrumé de la salle pendant que la musique d'introduction de Yav' s'élève.
Quand les premières notes du morceau éponyme déferlent, tout explose et tous se déchaînent.
Masha démontre une fois de plus son incroyable énergie sur scène. Elle ne cesse de sauter dans tous les sens, de lever la tête et de la balancer brutalement en arrière, sans crier garde.
L'ambiance n'est pas lumineuse mais très sombre. Ni la chanteuse ni les autres musiciens ne sont réellement éclairés et jouent dans une pénombre brumeuse digne des forêts sibériennes.
Pour les photographes, c'est un intéressant défi, pour les spectateurs, cela contribue à l'ambiance intimiste que le groupe cherche toujours à créer et dans lequel il excelle.
Le show commence fort avec trois tubes ("Yav"', "Goi, Rode, Goi!" et "Serbia"), et l'ambiance va crescendo. Il faut noter que la salle est pleine et que le pit en contrebas du Trabendo se tasse.
Le côté chamanique et folk du groupe apparait au milieu du concert, avec "Zakliatie" ou "Slav'sja, Rus'!" , mais aussi le côté sauvage avec des titres magnifiques de puissance et de beauté comme "Na Strazhe Novikh Let".
Le concert s'achève avec deux morceaux désormais obligatoires, les très festifs "Stenka na Stenku" et "Yarilo".
Un seul regret en ce qui nous concerne: la relative brièveté du concert. En effet, ils n'ont eu droit qu'à 45 minutes et il est très tôt (à peine 20h15) quand les dernières notes résonnent sur le sourire de Masha et la joie du groupe.
Mais après tout, la tête d'affiche arrive bientôt...
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Eluveitie:
Les nouvelles stars du folk metal suisse entrent sur scène vers 20h30. Non, il n'y a rien de péjoratif dans cette appellation, et le groupe n'est certainement pas "nouveau", mais il est évident que la carrière d'Eluveitie est en train de s'accélérer. Les choix musicaux récents y sont peut-être pour quelque chose. En effet, il y a de nombreux tubes plus légers, plus accessibles, plus grand public.
Mais tout cela reste cohérent avec l'esprit du groupe, qui certes évolue au fil des années, avec notamment la place de plus en plus importante d'Anna Murphy, qui passe de simple vielliste ou occasionnelle flûtiste, à pratiquement un statut de seconde chanteuse du groupe, mais Eluveitie conserve son âme et continue à jouer certains vieux titres frisant avec le death metal mélodique davantage qu'avec le rock/folk FM !
Si pendant toute la première moitié du show, essentiellement consacré au dernier album Origins, c'est bien Chrigel Glanzmann qui joue son rôle historique de chanteur, Anna prend la relève avec brio sur plusieurs titres, certes dans un style plus doux sur des morceaux comme "A Rose for Epona" par exemple. Elle n'hésite d'ailleurs pas à proposer au public de choisir entre deux versions parmi les cinq qu'elle connait de "The Call of The Mountains", originalement écrite en version anglaise. L'alternative proposée ce soir est bien sûr la version française "L'appel des montagnes" que les spectateurs plébiscitent évidemment.
Enfin, d'autres chansons comme celle contant l'histoire d'une petite fille gauloise qui s'est sacrifiée, "Viona", mêle efficacement les growls de Chrigel avec la voix plus lyrique d'Anna.
Vous l'aurez compris, le duo fonctionne efficacement et capte l'attention du public, mais ce serait injuste d'ignorer les performances du reste du groupe. Seule Nicole Ansperger, la très récente nouvelle violoniste semble encore devoir prendre ses repères. Non pas que le côté musical pose le moindre problème, mais on sent qu'elle regarde très souvent Chrigel pour enchaîner correctement et semble très concentrée sur son jeu en laissant paraître un côté un peu figé par rapport aux autres membres du groupe. Mais après tout, cela est bien normal car il faudra encore un petit temps de rodage pour être vraiment à l'aise, et elle se rattrape bien dans les moments où elle ne joue pas et peut donc allégrement secouer la tête dans tous les sens !
Le groupe est très mobile, malgré le relatif manque d'espace de la scène du Trabendo. Heureusement qu'il y a des estrades surélevées sur les côtés, qui permettent à tous les musiciens, à tour de rôle, de se faire voir du public et prendre quelques poses sous les spotlights.
Après une prestation de près d'une heure et demi le groupe quitte la scène sous le rappel du public. Evidemment, ils reviennent, et pas seulement pour une chanson ou deux, mais bien pour un nouvel ensemble de morceaux, encadrés par le prologue et l'épilogue d'Helvetios, avec bien sûr les deux morceaux tirés du folklore breton "Luxtos" et "Inis Mona" que le public français connait forcément sous d'autres noms et par d'autres artistes. Le show aura donc duré un peu moins de deux heures et la soirée s'achève vers 22h20.
Setlist:
King
Nil
From Darkness
Carry the Torch
Thousandfold
AnDro
Sucellos
L'Appel des montagnes (The Call Of The Mountains, VF)
Omnios
The Nameless
Inception
Kingdom Come Undone
The Silver Sister
Vianna
A Rose for Epona
Havoc
Rappel:
Prologue
Helvetios
Luxtos
Inis Mona
Epilogue
Nous aurions bien vu encore un petit groupe de pagan metal pour terminer la soirée, mais la nuit parisienne offre d'autres possibilités, que nous allons saisir en nous remémorant cette belle affiche d'une tournée qu'il ne fallait pas rater !
Thomas Orlanth & Thyrd
Photos : © 2014 Thomas Orlanth - galleries complètes sur le site internet: www.thomasorlanth.com / Facebook
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