Un silence de mort
Cadaveria a surpris son monde deux ans plus tôt grâce à un très bon album. Teinté de thrash ou de black, le tout sans délaisser des ambiances horrifiques soignées en dépit d'un visuel ridicule, la musique composée par la formation plaçait ainsi la barre très haut. Cette nouvelle offrande, Silence, possède donc la lourde tâche de succéder à un disque affirmant haut et fort à la face du monde le grand potentiel d'un quintette soudé et créatif. Une besogne particulièrement ardue pour de nombreux combos.
L'entrée en matière « Velo (The Other Side of Hate) » semble délaisser cette ambiance théâtrale affirmée dans la précédente œuvre pour se concentrer sur une facette plus directe et incisive. Un choix qui possède ses bons côtés, autant qu'il laisse des regrets. S'il est dommage de voir ce travail poussé sur les ambiances réduit à un aspect plus sommaire et basique, l'efficacité probante d'un titre black / thrash écrit avec talent permet de partir sur de bonnes bases. Cette volonté de vouloir s'atteler à offrir un album plus concis et brutal se confirme grâce à la suite des événements, notamment au travers de morceaux du calibre de « Free Spirit » ou encore « Out Loud ». Bien que Cadaveria s'en tire avec les honneurs dans cet exercice, privilégier cette direction tend à rendre l'ensemble moins singulier. Pourtant, la suite n'est pas dépourvue de ces moments de frissons qui rendaient la livraison précédente si accrocheuse, et le combo semble dorénavant rechercher un équilibre entre ses deux amours.
Cette tendance se traduit aussi par le chant, où dame Cadaveria tend davantage à l'utilisation de sa voix extrême, toujours aussi expressive et maîtrisée, véhiculant une rage communicative. Fort heureusement, la frontwoman n'hésite pas à jouer une fois de plus sur plusieurs tableaux, et dévoile encore le charme d'un timbre chaleureux et séduisant lorsqu'il s'agit de plonger l'auditeur dans des atmosphères sombres. « Almost Ghostly », aussi bien que « The Soul That Doesn't Sleep », bénéficient de ces interventions dans le registre clair, octroyant ainsi un réel plus aux morceaux. Cependant, le groupe ne se repose pas uniquement sur sa charismatique chanteuse, et profite de cette opportunité pour faire étalage du talent individuel de chacun. Les solos de guitare, notamment, sont très réussis, comme en témoigne « Loneliness », qui en fait même sa conclusion. Une fin honorable, donc, pour une pièce de qualité supplémentaire au compteur de Silence.
La propension à vouloir officier vers un propos plus agressif est contrebalancée via des pistes comme « Existence », synthétisant parfaitement l'ambivalence de Cadaveria. L'opus n'est, cependant, pas exempt de quelques défauts, à commencer par deux titres moins marquants, la faute à une inspiration en berne et une réelle platitude. « Carnival of Doom » et « Exercise 1 » ennuient, et défilent sans retenir l'attention, bien que la performance vocale y soit convaincante. L'offrande met également du temps à se dévoiler, demandant de nombreuses écoutes avant d'être intégrée et comprise. Les cinq musiciens se lancent souvent dans des variations de structures et d'ambiances, mais Silence garde tout de même une cohérence et une identité bien affirmée. Ces bonnes idées se retrouvent sur « Almost Ghostly », pièce basculant de la colère au malsain en un clin d’œil, que cela se traduise via la polyvalence de la frontwoman ou les modifications du tempo, entre riffs incisifs et directs, se muant en une lourdeur conduisant à instaurer un climat intriguant et sombre.
Cadaveria s'investissant énormément dans son rôle.
C'est ainsi que l'on pourrait caractériser Silence. Un éternel basculement entre un déchaînement de rage auquel succède une accalmie qui n'en est pas moins menaçante. Brassant black, thrash, gothique dans une mixture correctement digérée et étudiée, la formation italienne trouve sa voie sans se répéter et manquer d'inspiration. Loin de proposer une copie conforme de ses œuvres passées, Cadaveria évolue tout en gardant en main son fil d'Ariane, et prouve avec cette nouvelle offrande sa créativité et son talent d'écriture. Un acteur crédible de la scène, qui mérite finalement d'être considéré.
