Arjen Lucassen, leader du groupe Star One

La tant attendu nouvel album Star One, Victims of the Modern Age, sort début novembre chez InsideOut. Pour l'occasion, le génie néerlandais Arjen Lucassen nous accorde une nouvelle interview, un peu moins d'un an après l'entretien que nous avions eu pour la sortie du premiers opus de son projet Guilt Machine. Voici, pour vous, une conversation très cinématographique...

Ju de Melon : Bonjour Arjen et ravi de t'interviewer une nouvelle fois, presque un an après notre conversation autour de Guilt Machine... Comment vas-tu depuis le temps ?

Arjen Lucassen : Franchement, je me sens très bien, toute cette période de pression qu'a constitué l'enregistrement et le mixage est désormais terminée. Je suis fier de ce nouvel album donc je suis une personne heureuse.

Ju de Melon : Nous sommes environ un mois avant la sortie de Victims of the Modern Age, second album de ton projet space metal Star One. Comment vis-tu cette attente ?

Arjen Lucassen : En fait j'attends déjà depuis deux mois, date où j'ai envoyé l'album au label. Ils avaient besoin de l'avoir trois mois avant pour que tout soit bien ficelé. Bref, je peux te dire un truc, c'est horrible d'attendre aussi longtemps (rires), parce que je ne veux qu'une chose : le partager avec les gens, qu'ils puissent l'écouter, et du coup cette position me fait un peu flipper... car avec l'attente je suis de plus en plus critique envers l'album et ça me rend nerveux, j'ai presque l'impression qu'il devient mauvais (rires) ! Heureusement que je fais beaucoup de promo pour passer le temps, quelques interviews par exemple, et ça c'est plutôt sympa. Ainsi tout passe plus vite !

Arjen Star One

Ju de Melon : Peu de gens s'y attendaient, les rumeurs ont enflé tout au long de l'année précédente, mais pour quelle raison as-tu véritablement eu l'envie de faire revivre Star One ?

Arjen Lucassen : En fait, c'est une réaction à mon précédent album, la première sortie de Guilt Machine. Je fonctionne toujours comme ça : dès que je finis un album, je regarde où j'en suis dans mes sentiments et mes ressentis, et c'est là que nait le besoin de faire tel ou tel album. Guilt Machine était un projet très atmosphérique avec de longues chansons et de longues intros... Du coup, pour contre-balancer, j'ai eu envie par la suite de faire un disque plus heavy, plus accrocheur, avec des chansons plus rapides. Guilt Machine c'était une tentative originale, je voulais que les gens trouvent ça différent, en bien ou mal peu importe (rires) ! Pour Star One, j'avais envie de ressortir les grosses guitares, et c'est donc pour cela que j'ai choisi de faire revivre ce projet plus estampillé metal que les autres...

Ju de Melon : Il s'agit probablement de l'album le plus metal que tu ais fait à ce jour justement, encore plus heavy dark que le premier opus. Es-tu d'accord avec cette affirmation ?

Arjen Lucassen : Oui, je pense aussi, peut-être que Flight of the Migrator est le travail le plus heavy d'Ayreon mais ce nouveau CD est plus metal encore, grâce au son de guitare sur lequel nous avons travaillé pendant des semaines pour le rendre parfait. Je voulais que le son soit fort, Gary Wehrkamp m'a pas mal aidé en ce sens. C'est clairement l'opus le plus metal de ma carrière, en effet.

Ju de Melon : Tu as grosso-modo gardé la même équipe de musiciens et de chanteurs pour ce nouveau chapitre, était-ce pour toi quelque chose d'indispensable à la réalisation de ce nouvel album ?

Arjen Lucassen : J'avoue que cette décision n'a pas été prise dès le début... A l'époque de Space Metal, je pensais vraiment qu'il n'y aurait pas d'autre album de Star One, car il me semblait difficile de faire mieux... et du coup, en voulant en refaire un, je pensais choisir différents chanteurs afin qu'on ne cherche pas à comparer. Sauf que, très vite, je me suis rendu compte que je ne pourrai pas remplacer des voix telles que Russell Allen, Damien Wilson, Dan Swanö ou Floor Jansen... toutes aussi charismatiques les unes que les autres ! Bref, j'ai vite oublié cette idée et je me suis dit que Star One pourrait fonctionner avec ces mêmes chanteurs, et que ça marquerait une différence supplémentaire avec Ayreon où j'ai pris l'habitude d'avoir différents chanteurs à chaque album. Je veux que Star One ressemble plus à un groupe cohérent, avec des membres officiels, et avec des voix qui s'accordent parfaitement pour donner une identité propre au projet.

Ju de Melon : Chaque chanson est basée sur un film connu, il s'agit donc en quelque sorte d'un concept sans en être un... As-tu composé et écrit ces différentes chansons en gardant un lien visuel de chacun des films ?

Arjen Lucassen : Non, en fait c'est un peu le contraire. Je travaille toujours de la même manière : je commence toujours par écrire et enregistrer la musique en la laissant m'inspirer à sa guise, après je la laisse me guider vers un concept ou, dans le cas de ce Star One, je laisse les chansons me guider vers des films. Du coup, en écoutant quelques chansons composées pour ce nouvel opus, plein de films me sont venus à l'esprit selon les différentes atmosphères...

Ju de Melon : L'introduction porte un titre qui rappelle Alice au Pays des Merveilles, est-ce un clin d'oeil ?

Arjen Lucassen : En fait c'est une citation tirée du film Matrix, quand Neo prend la pilule rouge tu sais (rires) ! Et c'est là qu'il va "Down the Rabbit Hole"... C'est donc l'intro parfaite pour une première chanson basée sur ce film.

Ju de Melon : "Digital Rain", justement parlons-en, impose d'emblée un rythme lourd, heavy et puissant. Un choix délibéré de commencer ainsi ?

Arjen Lucassen : Oui, je pense que dès le moment où j'ai fini cette chanson je me suis dit qu'elle serait parfaite pour débuter l'album. Tout simplement parce que ce morceau a tous les arguments pour accrocher l'auditeur : l'énergie, la mélodie, la puissance, de bons soli et de superbes voix. Pour moi il était évident que cette chanson serait en premier sur Victims of the Modern Age...

Ju de Melon : "Earth That Was" a un énorme feeling mélodique et dispose d'un refrain absolument magnifique. Qu'est-ce qui a inspiré cette chanson textuellement ?

Arjen Lucassen : En fait celle-ci est basée sur une série TV culte intitulée Firefly, c'était vraiment génial mais elle a été annulée à la mi-saison... Vraiment dommage, car c'était à la fois amusant, intelligent et avec de très bons acteurs qui plus est. J'adorais ce truc vraiment, et depuis un culte est voué à cette série... C'est la seule chanson ici basée sur une série télé !

Star One Victims of the Modern Age

Ju de Melon : "Victim of the Modern Age" est calquée sur le film de Stanley Kubrick Orange Mécanique, un choix osé comme thème de chanson... On sent ce morceau assez unique et malsain, a-t-il été difficile à composer et mettre en place ?

Arjen Lucassen : C'est clairement la chanson la plus étrange sur l'album, c'est d'ailleurs pour cela que je me serais jamais risqué de le commencer avec car elle est vraiment à part. C'est vrai qu'elle est très obscure mais elle garde cette mélodie un peu folk, un peu comme une chanson tribale et ce dès l'intro *Arjen chantonne un peu* (rires) ! Basée donc sur Orange Mécanique, un grand film de la fin des années 60, très déroutant... Il fallait qu'une musique aussi étrange puisse coller à un tel film qui dérange, le choix était évident.

Ju de Melon : "Human See, Human Do" parle de La Planète des Singes, la première version ou celle plus récente de Tim Burton ?

Arjen Lucassen : La première version évidemment, un film brillant avec un remarquable Charlton Heston... Je ne pense pas que j'ai beaucoup aimé le remake, je ne me souviens même plus trop quand je l'ai vu en tout cas : je l'ai aussitôt oublié (rires) !

Ju de Melon : Avec une belle voix extrême de Dan Swanö dans cette chanson...

Arjen Lucassen : Je pense sincèrement que Dan est la meilleure surprise vocale de cet album, j'étais vraiment satisfait de sa prestation dès que j'ai entendu les pistes. Il a tout enregistré en un jour, tout s'est passé très vite et sans accroc... Un vrai pro, et au final une vraie bonne surprise !

Ju de Melon : "24 Hours" semble encore plus épique et plus lyrique que ses comparses sur l'album. Basée sur le film New York 1997 (Escape from New York), elle est inspirée des aventures du héros Snake Plissken... un de tes personnages préférés dans le cinéma d'action/science fiction ?

Arjen Lucassen : Oh oui, j'ai adoré ce film quand je l'ai vu étant enfant, Kurt Russell est génial dans ce rôle. Evidemment ce n'est pas un film très profond mais il a une grande importance pour moi, il m'a marqué très jeune... Je pense aussi que c'est l'une des mes chansons préférées de l'album au final, elle a beaucoup de coffre disons. Elle mélange aussi plusieurs styles et tout s'y combine parfaitement.

Ju de Melon : "Cassandra Complex" semble être un véritable hommage au chef d'oeuvre L'armée des 12 singes, un de mes films préférés. Je trouve que tu as parfaitement rendu l'ambiance et l'atmosphère du film, notamment grâce au son du clavier... Une de tes réussites majeures sur ce CD, qu'en penses-tu ?

Arjen Lucassen : Peut-être bien ! Je me souviens de quand j'ai vu ce film pour la première fois, je n'avais pas trop aimé car j'avais trouvé ça un peu confus... Puis bon, tout le monde adorait, alors j'avais tendance à être plus réservé sur le fond. Cependant, quand je l'ai revu, j'ai beaucoup apprécié et, avec plus de recul, compris parfaitement l'histoire. Musicalement, cette chanson est l'une des plus accrocheuses de l'album, peut-être la plus commerciale en un sens. Les gens vont l'adorer ! ... Disons qu'on peut la comparer à "Intergalactic Space Crusaders" sur Space Metal, un excellent duo là aussi ! Ici c'est entre Floor et Russell, ils ont fait un superbe travail...

Ju de Melon : La prochaine "It's Alive, She's Alive, We're Alive" parle-t-elle du film La fiancée de Frankenstein ? J'avoue avoir un énorme doute... (rires)

Arjen Lucassen : Non, pas du tout (rires) ! "It's alive" parle d'un enfant, "she's alive" de sa mère et "we're alive" veut dire que toute l'humanité est en vie... Chanson donc basée sur le film Les Fils de l'Homme (Children of Men en VO), une excellente histoire où l'espoir renait grâce à la naissance d'un enfant dans un monde chaotique où les naissances étaient devenues impossibles.

Ju de Melon : L'album se conclut sur une fin plutôt pessimiste et sombre... "It All Ends Here", quel est le thème ici abordé ?

Arjen Lucassen : C'est une chanson influencée par mon film préféré, Blade Runner. Elle parle des replicants, ces robots qui n'ont qu'une espérance de vie de 4 ans. Pour moi, ce film est un classique, tout y est parfaitement traité, Harrison Ford y est à son meilleur niveau. Sans oublier Rutger Hauer, parfait dans son rôle, une de nos rares fiertés cinématographiques ici au Pays-Bas (rires) ! Sans oublier la bande son de Vangelis, absolument magnifique...

Ju de Melon : En tout cas nous espérons que tout ne s'arrêtera pas là... Justement, à ce propos, est-ce qu'une tournée européenne ou mondiale est prévue avec Star One ? A l'image du Live on Earth qui a suivi l'album Space Metal...

Arjen Lucassen : Il n'y aucun plan concret mais il est évident que c'est une option que j'envisage très sérieusement. C'est quelque chose de possible, mais ce sera très dur à mettre en place car chacun a ses activités. C'était très difficile à l'époque de Live on Earth, ça le sera ici aussi si ce n'est encore plus... Bref, je l'envisage, j'attends déjà de voir comment l'album est reçu par les fans et si tout se passe bien, si les ventes sont au rendez-vous, nous essayerons de mettre tout ça en place. Mais je préfère ne rien promettre encore.

Arjen Star One

Ju de Melon : Une question traditionnelle qu'on a déjà dû te poser mille fois... Et après, que comptes-tu faire ? Un second album de Guilt Machine ? Ressusciter Ayreon ? Je sais que les fans doivent te demander ça chaque jour...

Arjen Lucassen : En réaction à cet album, j'aimerais vraiment faire quelque chose que je prévois depuis plus de 10 ans maintenant, c'est à dire un album solo. Je n'ai pas arrêté de repousser ce projet ces dernières années, mais il me semble temps pour moi de le faire et de ne plus attendre. Il sera certainement moins heavy et il n'y aura que moi, ma musique et ma voix... J'espère vraiment y arriver cette fois, le moment semble bien choisi.

Ju de Melon : ca s'annonce intéressant !

Arjen Lucassen : Oui, tu sais c'est un nouveau défi pour moi, c'est très important.

Ju de Melon : Plus globalement, penses-tu qu'il y aura un 3ème Star One ou c'est trop tôt pour en parler ?

Arjen Lucassen : C'est sûr que c'est un peu tôt pour en parler mais je suis certain qu'un jour ce projet remettra le couvert pour faire un peu de bruit (rires) ! Ca arrivera en tout cas, nous le désirons tous, et puis j'ai toujours cette envie de faire un album dédié au voyage dans le temps avec Star One...

Ju de Melon : Quelques mots sur le 2nd CD qui sera sur la version limitée digipack ? Je dois te l'avouer que nous ne l'avons pas reçu, nous journalistes, cela reste une surprise donc à part les annonces déjà faites...

Arjen Lucassen : En fait, c'est simple, j'ai écrit 13 chansons en tout. Et comme je te l'ai dit, je voulais que ce CD soit typé heavy et puissant... or seules 8 chansons entraient vraiment dans ce style. Les autres ne collaient pas trop dans cette thématique mais je les appréciais trop pour les laisser de côté, voilà pourquoi elles se retouvent sur le 2nd CD en bonus. Ces titres en plus m'ont également donné la chance de travailler avec d'autres chanteurs. C'est un honneur que de travailler avec Tony Martin (ex-Black Sabbath) par exemple, un de mes chanteurs préférés à vie ! Un autre qui a fait du bon travail : Mike Andersson de Cloudscape et Fullforce, sans oublier Rodney Blaze. Et puis je chante sur une chanson aussi (rires) ! Bref, j'ai eu l'occasion d'expérimenter d'autres choses sur ce 2nd CD, c'est cool...

Ju de Melon : Question un peu plus personnelle, quelles sont les musiques que t'écoute le plus en ce moment ? Quelques nouvelles découvertes récentes ?

Arjen Lucassen : J'écoute toujours autant de choses différentes, j'essaye toujours plein de nouveaux trucs dès que je le peux. Bien sûr pas mal de choses dans mon style de prédilection, entre progressif et metal, mais dans d'autres genres également selon les musiciens avec qui je travaille. Pas mal de folk aussi, j'aime beaucoup. Cependant, il m'est difficile de passer du temps sur chaque découverte par exemple, j'écoute un album une fois ou deux et après je passe à autre chose... C'est dur pour un musicien comme moi mais il m'est impossible de faire autrement tant j'écoute differentes choses.

Ju de Melon : Une question que je ne t'ai pas posé à l'époque et qui sera la dernière pour cette fois-ci, penses-tu que l'industrie musicale est un déclin actuellement et est-ce que cela te préoccupe en tant qu'artiste ?

Arjen Lucassen : Bien sûr que cela me préoccupe, beaucoup même. En effet, je pense que cette industrie est en danger, mais j'ai bien peur qu'il y ait rien à faire contre ce phénomène. C'est surtout dur pour les nouveaux groupes ou artistes qui veulent émerger, plus personne n'achète de CD car c'est très facile en deux clics de récupérer des albums sur Internet... Quand t'y penses c'est affreux, mais tu peux te mettre en colère si tu veux ça ne fera pas changer les choses. Je crois que la musique va redevenir un hobbie pour beaucoup et que plus grand monde ne gagnera de l'argent avec à l'avenir, sauf les stars déjà établies... Il y aura de plus en plus d'artistes qui continueront bien sûr mais avec un boulot stable à côté, comme c'est déjà le cas pour certains. Personnellement, j'ai la chance d'avoir une base de fans très importante et très fidèle, le fait d'avoir un petit webshop où on peut facilement commander l'album avant sa sortie aide je pense. J'ai posté d'ailleurs cette annonce sur Facebook et deux heures après il y a déjà énormément de réservations... ça a tendance à te rendre optimiste (rires) ! Et ça réchauffe le coeur aussi...

Star One Arjen

Ju de Melon : Merci beaucoup d'avoir une nouvelle fois répondu à nos questions, quelques derniers mots pour les fans français ?

Arjen Lucassen : Merci pour cette interview et merci pour le soutien en France, j'espère que vous apprécierez beaucoup ce nouvel album et que vous serez nombreux à l'acheter. Plus vous serez, plus il y aura de chances qu'on vienne vous voir en live ! A très bientôt, et sûrement une nouvelle interview pour mon album solo... (rires)

Ju de Melon : Ce sera avec plaisir. Au revoir !

C'est donc un Arjen Anthony Lucassen détendu mais impatient que j'ai eu au bout du fil, passionné comme jamais et bien déterminé à vous faire profiter de sa musique jusqu'à son dernier souffle. Et soyez rassurés, fans de Star One, le nouvel album est une tuerie absolue !

Pour pré-commander l'album de Star One (Lien Officiel)


Revivez l'interview d'Arjen Lucassen réalisée l'an passé pour La Grosse Radio Metal

Star One sur La Grosse Radio Metal
Ayreon sur La Grosse Radio Metal
Guilt Machine sur la Grosse Radio Metal



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