Primordial poursuit son bout de chemin
Cela fait presque 30 ans que les Irlandais roulent leur bosse dans le petit monde du pagan metal, bien que 2008 ait été l’année du changement radical pour le groupe, avec l’énorme médiatisation de To The Nameless Dead qui les a fait sortir de l’underground. Depuis, la bande emmenée par A.A Nemtheanga doit assumer ce nouveau statut de figure de proue du genre, qui les amène notamment à jouer dans des rendez-vous plus grand public comme le Heidenfest.
Est-ce pour cette raison ou pour une autre que le quintette semble dorénavant prendre le temps de la réflexion pour chaque nouvel album ? On constate en tout cas que l’évolution du style de Primordial se fait en douceur et en toute logique. La galette présentée aujourd’hui ne fait pas exception puisqu’on retrouve la structure de Redemption At The Puritan Hand avec des titres lents et contemplatifs, allant toujours plus loin dans l’expérimentation pour un ensemble global assez difficile d’accès.
Et pourtant, le morceau titre qui ouvre l’album fait l’effet d’une claque. Pas d’intro progressive, habituelle au groupe, mais un riff direct, rentre-dedans sur lequel vient se poser la voix, si particulière, de Nemtheanga qui donne des frissons dès les premiers mots prononcés. On se dit alors que les bougres n’ont décidément rien perdu de leur talent pour transporter l’auditeur dans les landes brumeuses irlandaises, mais après cette ouverture qui parlera sans doute à n’importe quelle personne étrangère au groupe, la suite est plus hermétique, difficilement accessible.
Il faut en effet un certain nombre d’écoutes pour apprécier véritablement les compositions présentes sur Where Greater Men Have Fallen. La voix de Nemtheanga se fait plus calme, moins torturée alors que les deux guitaristes distillent des riffs lancinants et qui semblent se répéter à l’infini. L’album est long, près d’une heure, et une certaine lassitude peut s’installer, surtout pour certaines chansons à la structure identique du début jusqu’à la fin comme « Babel’s Tower ». A noter que le chant black est presque totalement abandonné mis à part sur « The Alchemist’s Head », ce qui peut être source de regret comme de satisfaction, tant le timbre d’A.A Nemtheanga est reconnaissable entre mille.
Au-delà de cet aspect un peu rebutant, les compos sont toutes de qualité, comme souvent avec Primordial. Le groupe a distillé des surprises tout au long de l’album et on sent une volonté forte que chaque piste ait son identité propre. Ainsi « The Seed Of Tyrants » se caractérise par des sonorités qui rappellent le black metal tandis que « Ghosts Of The Charnel House » surprend énormément par son côté stoner/doom très affirmé et totalement nouveau dans le répertoire des irlandais. Une des autres satisfactions majeures est le groove incroyable apporté par la section rythmique et surtout par le batteur Simon O’Laoghaire tout au long de l’opus. Présent en permanence sur presque toutes les chansons, sa patte est discrète et diablement efficace, si bien qu’il a même droit à ses moments de gloire pendant « Come The Flood » et en intro de « Ghosts Of The Charnel House ».
Primordial ne sera jamais un groupe facile d’accès, et ils le prouvent encore une fois avec cet album, dont la structure comme les paroles sont toujours très travaillées et pleines de sens. On hésitera cependant à l’ériger comme le meilleur album du groupe, la faute à quelques choix discutables et à des compositions qui peinent tout de même à émouvoir autant que sur Spirit The Earth Aflame par exemple. Mais le travail du quintette reste tout de même de haute volée et saura sûrement séduire, notamment avec la chanson d’ouverture et la superbe conclusion « Wield Lightning To Split The Sun » où l’on retrouve toute l’émotion brute dégagée par le combo et qu’il serait inspiré d’ajouter aux setlists.