Opeth communie avec Paris
Avec un nouvel album bien prog’ sous le bras, il était temps pour Opeth de revenir à Paris pour la promotion de Pale Communion. Après les vives critiques qu’avait reçu Mike Akerfeldt après le virage musical, celui-ci avait, pour la première fois de toute la carrière du groupe, montré des signes de fléchissement : Oui, il a officiellement regretté ses choix de répertoire pour la tournée Heritage, et a affirmé qu’ils voulaient que tout le monde « passe un bon moment » à un concert d’Opeth. Etait-ce du bluff ? La seule façon d’avoir la réponse était d’aller au Bataclan !
Alcest
La nouvelle aura ravi autant de personnes qu’elle en aura fait pester d’autres : le groupe de shoegaze teinté d’inspirations black metal français avait remporté le privilège d’ouvrir pour Opeth sur leur tournée européenne. A leur manière, Alcest a aussi secoué son public avec son dernier album, Shelter, qui dégageait à grand coup de pompes les dernières traces de metal de leur musique… Alors qu’elles n’étaient déjà plus bien présentes sur Les Voyages de l’Âme. M’enfin, il faudrait être de mauvaise foi pour ne pas sentir une démarche musicale sincère dans le choix de Neige. Sans surprise, leur concert s’ouvre sur « Opale », le single accrocheur de Shelter. On s’aperçoit avec contentement que le son est plutôt bon, et qu’il apporte une pêche supplémentaire à la musique jouée, ce qui n’est franchement pas de refus !
Force est de constater que l’interprétation est au rendez-vous, les mois de tournées à sillonner les routes ont payé. Etonnamment, Neige est ce soir plus expressif sur scène que d’habitude. Peut être est-ce par que le Bataclan est plein comme un œuf et qu’il est content de faire salle comble à domicile. Ensuite, le groupe fait le choix intelligent d’interpréter deux titres des Voyages de l’Âme, ce qui injecte beaucoup de dynamisme dans le set. En particulier, on peut relever « Là Où Naissent les Couleurs », qui révèle un Neige en bonne forme pour la voix hurlée. D’ailleurs, en tendant l’oreille, les voix sont globalement plus en avant qu’habituellement chez Alcest, ce qui donne un autre regard sur les chansons jouées, en plus de fonctionner au poil !
Le public semble divisé entre les convertis aux shoegazeurs français et les sceptiques… Qui sont en train de somnoler d’un air distrait. Mais globalement, Alcest est très bien accueilli et c’est mérité. Même si le son est correct, il aurait mérité d’être plus précis pour les boucles de guitares en distorsion, étant donné qu’Alcest en joue énormément (cf : « Percées de Lumière »), mais passons. En fait, il n’y a pas grand-chose à redire de leur performance, si ce n’est un jeu de scène assez statique, mais c’est le genre qui veut cela. On pourrait tout de même trouver à redire du jeu de batterie de Winterhalter, franchement mou du genou et peu élaboré. Ca pourrait peut être groover un peu plus ! Cette performance d’Alcest aura confirmé le rôle central de Zero en concert, à la fois à la deuxième guitare et en chœurs. Rien à dire, il gère. (on évite soigneusement la blague vaseuse sur le zéro !) Tranquillement, la formation française continue son ascension à grand coups de morceaux catchy. Arrivera-t-elle à rester sur cette lancée sans tourner en rond et s’essouffler, telle est la question.
Setlist
Opale
Là où naissent les couleurs nouvelles
Autre temps
L'eveil des muses
Percées de lumière
Délivrance
Opeth
Pour les habitués des concerts d’Opeth, le rituel est identique à un générique de série : on le connaît par cœur, mais l’entendre fait son petit effet à chaque fois. Pour les Suédois, le générique, c’est l’hypnotique « Through Pain to Heaven » de Popol Vuh. Et gageons que l’effet est encore plus grand la première fois qu'on l’entend. Mélangeant cithare et guitare, cette intro’ fusionne deux mondes, deux visions de la musique, exactement comme le fait Opeth, en faisant ainsi une excellente introduction de concert ! C’est sur « Eternal Rains Will Come » que le groupe attaque son set. Dès les premières notes, on remarque que le son est très propre, et bien pêchu, donnant à ce morceau résolument prog’ old school une tonalité bien plus métal que sur album. Après le début pêchu, la voix de Mike entre en jeu avec la guitare en son clair, et le charme opère, encore une fois.
Mike n’est certes pas au zénith de sa forme vocale. Entre deux chansons, il confesse que le groupe s’est mis une mine à la vodka, et quand on commence à avoir de la bouteille (nul), ça fait des dégâts en tournée. Le frontman s’en sort malgré tout très bien, et on ne relèvera que peu de couacs au cours de la soirée, mais plus une fatigue vocale, à la fois en chant comme en growl. La batterie de Axe est peut être un peu trop en avant dans le mix, mais elle n’écrase pas les autres instruments, ce qui permet de se rendre compte à quel point Opeth est rodé aujourd’hui. On peut même dire qu’il ne l’a jamais autant été, avec chacune des interventions de Joachim qui se soldent par un succès, à la fois pour les chœurs, les solos, ou pour agrémenter les vieux titres de fioritures au clavier. Après un « Cusp of Eternity » lui aussi métallisé par l’interprétation du groupe, on a droit à l’ultraclassique « Bleak », qui provoque moult hurlements de joie dans la fosse. S’en suit un enchaînement de chansons qui ressemble fortement à un best of d’Opeth, et plus précisément la tournée des 20 ans du groupe : « The Moor » où les deux guitares se répondent superbement ou « Advent » et sa dynamique en montagne russe du meilleur effet. Le tout est entrecoupé de titres plus récents comme « The Devil’s Orchard » ou « Elysian Woes », sans choquer réellement l’auditeur, nous rappelant que les albums récents comportent eux aussi leur lot de pépites.
Mike est toujours aussi bavard entre les chansons, mais sera ce soir moins pince sans rire que d’habitude, peut être à cause de sa gueule de bois. On apprend ainsi qu’il aurait aimé aller voir Magma, un de ses groupes favoris, qui jouait sa trilogie Köhntarkösz / K.A / Ëmëhntëhtt-Ré au Triton. Mais ses interventions ne sont jamais longues, et le zouk reprend de plus belle : « April Ethereal », « The Lotus Eater » et « The Grand Conjuration ». Si le son est brouillon sur les parties les plus extrêmes des deux premières chansons, on n’en boude pas autant notre plaisir. Le groupe est concentré, statique, peut être encore plus qu’autrefois, mais le déluge libéré est tellement puissant qu’il ne nécessite pas de mouvement sur scène : la musique d’Opeth se suffit à elle-même.
Mendez est impeccable, comme d’habitude. Il aura d’ailleurs droit à un remerciement tout particulier du capitaine Akerfeldt, avant que ce dernier ne mène son navire vers la fin du concert, la délivrance. Encore une fois, Opeth aura été à la hauteur de sa réputation, en délivrant avec maestria un set qui ne pouvait que plaire aux fans. On pourra seulement regretter qu’il n’y ait pas un peu plus d’audace dans le choix des morceaux, le programme ne comportant pour ainsi dire aucune rareté. Sauf occasion exceptionnelle, il y a fort à parier que les sets sans growl ne se feront plus ! Opeth nous quitte après deux belles heures de metal progressif, et on en redemande déjà.
Setlist
Eternal Rains Will Come
Cusp of Eternity
Bleak
The Moor
Advent
Elysian Woes
Windowpane
The Devil's Orchard
April Ethereal
The Lotus Eater
The Grand Conjuration
Rappel
Deliverance
Reportage par Tfaaon
Photos : Marjorie Coulin / © 2014
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Nidhal Marzouk / Yog Photography © 2014
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