Diary of Destruction – Outside the Shade

C'est l'heure de la minute culturelle. Parlons un peu d'agriculture. Dans ce grand verger qu'est le metal à chant féminin, qui émergea lentement mais sûrement, les fruits récoltés étaient tous savoureux, juteux, délicatement parfumés et dans lesquels chacun croquait avec envie, enivré par une saveur subtile. Les variétés Nightwish, Lacuna Coil ou Within Temptation eurent particulièrement un succès retentissant. Les producteurs, fiers de leur succès, se multiplièrent et de nombreux autres petits fruits apparurent.


Malheureusement, leur goût étant souvent bien fade en comparaison des premiers, et la lassitude gagna chacun dans cet océan de fruits qui peinaient à retrouver les saveurs d'antan. Certains y arrivèrent et le succès fut au rendez-vous (Epica, Diabulus In Musica), d'autres ont toujours ce goût générique, moins cher mais moins bons (Visions of Atlantis, Katra, Magica et tant d'autres). Et en 2007 se lança dans cette grande aventure de nouveaux agriculteurs, les Diary of Destruction, créant une variété d'ananas (ben oui tiens, pourquoi pas ?). Un premier jet en 2009, sobrement intitulé « Demo 2009 » fit le bonheur des experts et des critiques. Le 2 Novembre 2010, c'est avec un nouveau produit, pas encore complet mais avec plus de maturation que le premier, appelé EP, qui débarque. Il s'agit d'une auto-production, une expérimentation nommée « Outside the Shade ». Est-elle aussi savoureuse que précédemment ? Plus, moins ?


Dès les premières bouchées, de nouveaux goûts nous arrivent au palet, se font ressentir et l'on comprend que la recette est, dans un sens, différente de ce que Diary of Destruction proposait dans le passé. Exit les quelques touches plus gothiques/symphoniques de la demo, les lillois optent pour un virage plus mélodique, plus solide et musclé. Et l'exercice, bien que pouvant paraître périlleux, est relevé avec succès et brio.


Dès l'introduction éponyme « Outside the Shade », le décor est planté : l'ambiance sera mystérieuse, sombre, avec ces sonorités inquiétantes, ces sons électroniques et planants. Et l'enchainement avec la piste « Without Beauty » est un succès, car voici un titre qui ne cessera de vous envoûter fort longtemps ! Démarrant en trombe avec des guitares bien affutées, prêtes à envoyer le gros son de part leur énergie mais également le tranchant de ces-dernières, on comprend que l'ensemble sera bien moins éthéré qu'auparavant, plus terre à terre. Refrain efficace à l'appui, structure prog, voix narrées, rien à redire sur la qualité de notre morceau. Et il est loin d'être une exception à la règle, fort heureusement.


« Storm », s'amorçant crescendo, débutant par ses guitares bourdonnantes et sa batterie soutenant le rythme, prend son envol et l'apogée de sa force lorsque survient le chant d'Audrey. Le refrain est dantesque à nouveau et l'on se prend au jeu, piégé dans cette fourbe ruse, dont il est difficile de s'en sortir, tant l'arôme est délectable, puisant une force non négligeable dans cette voix à la fois profonde et délicate. La légère pluie finale achèvera la piste avec beauté.


Du tube en puissance, il y en a, et pas des moindres d'ailleurs. « The Other Side », titre se démarquant par sa diversité et son aspect mélodique à toute épreuve, ne cessera de vous convaincre seconde par seconde. Entêtant, growls puissants, chant qui se fait lyrique, le tout sur une rythmique frénétique et dense, sur laquelle les français excellent. Il sera difficile de reprocher à notre quatuor un quelconque manque de vigueur.


Les deux autres titres, eux, sont tout à fait différents. Sur cet EP, nous célébrons des retrouvailles, car là revoici, c'est « Men Blunder », piste qui n'emportait pas l'adhésion la plus totale sur la demo. Les chercheurs lillois ont trouvés la solution, avec une bonne injection de fougue, de chant guttural et des vocaux plus affirmés, marquant le refrain d'une manière plus remarquable qu'avant. Le remaniement aura été bon, les défauts d'essoufflements ayant disparus, au profit d'une pièce plus que convenable, prometteuse et captivante.


Seulement, comme le dit si bien le proverbe, la perfection n'est pas de ce monde, et cela s'applique aux compositions de Diary of Destruction. « Unbreakable » est tout à fait correct, un joli titre pris séparément, mais une fois replacé dans l'œuvre et dans le brûlot au complet, cette piste passe complètement inaperçue et ne bouleversera en rien les esprits. Un moment agréable, car la pièce possède des atouts dans ses gammes, mais pas indispensable, qui ne marquera pas vraiment. L'essai est manqué, c'est dommage, et l'on se rabattra sur les autres morceaux de l'EP ou sur un « The Time Has Come » de la « Demo 2009 ».


Le tout se révèle extrêmement convaincant, par la qualité de ces structures, mélodiques voir presque prog, avec de nombreux changements de rythmes, des variations intervenant au bon moment, ponctuant ainsi l'offrande évitant une routine et une lassitude dans un style où elle a tendance à s'inviter au mauvais moment. Notons l'énergie déployée, renforçant les titres de manière considérable, les refrains prenants et les tubes en puissance qui ponctuent la galette. Bon, épargnons le titre le plus faible, car même s'il se révèle plus fragile, il n'est en aucun cas à jeter ou à éviter.


La production, elle, est propre, de qualité et les moyens ont été placés dans le noyau du fruit pour arriver à obtenir un résultat sans tâche de pourriture ou de goût granuleux. Le goût des instruments est parfaitement conservé, de fait que chacun se ressente avec sa propre intensité. Les vocaux ne sont ni trop derrière, ni trop au premier plan, le juste propos est de mise.


Et cette chanteuse, Audrey Ebrotié, c'est le petit jus qui accompagne le fruit, cette sensation de délicatesse qui nous guidera tout au long du voyage. Un instant de poésie et de douceur sur un ton effréné, une démarche qui rappelle Echoes of Eternity, sauf que nos français réussissent cet exercice là où les américains échouent. Car la rythmique sait s'adapter à la voix de la jeune femme et vice-versa, l'osmose entre les composants est parfaite. Notons également que la demoiselle évolue avec justesse et à propos, n'en faisant jamais trop. Elle connaît sa voix, ses limites, et ne surjoue en aucun cas, éblouissant avec ce dont elle est capable. Son timbre et sa prestation sont plus affirmés, plus posés et les variations bien plus nombreuses. Qu'elle passe de vocaux évoquant Sharon den Adel (Within Temptation), grâce à sa finesse, plus lyriques comme sur « The Other Side », ou encore dans des tons graves et chauds (« Men Blunder », « Storm »), la progression est nette ! Elle sera accompagnée de growls caverneux et d'une voix masculine au timbre intéressant sur « Without Beauty ».


La réussite est de mise, le travail accomplit pour rendre ce fruit puissant et sucré à la fois paye et les auditeurs se ruent pour goûter à ce nectar. Même s'il subsiste quelques points qui nécessitent amélioration, l'excellente impression est la dernière saveur qu'il reste lorsque l'on arrive à la fin. Diary of Destruction parvient ainsi à convaincre là où tant d'autres échouent, et se dressent comme l'un des plus grands potentiels du genre. Alors vous aussi, n'hésitez plus et venez croquer !

 

Note finale : 4/5

Myspace de Diary of Destruction



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