Voici donc notre livraison de l’hiver venue du nord, réglée comme un métronome, c’est à dire tout les trois ans. Le sixième album de Taake, arrivé chez Dark Essence Records, sort pour ses 20 ans de carrière.
Stridens Hus a été enregistré et produit par Bjornar Nilsen (Vulture Industries) dans son propre studio Conclave & Earshot Studios. Et comme sur tous les albums de Taake, c’est Hoest, le créateur et frontman qui se charge de tous les instruments et du chant. Mais pour une fois, certains musiciens qui jouent en live avec lui ont tout de même pu contribuer à la réalisation du disque.
La pochette a été réalisée par Nekrographie. On y aperçoit dans un noir et blanc assez brumeux (ça tombe bien, "taake" signifie brume, brouillard en norvégien) un Hoest dans une attitude qu’il affectionne lorsqu’on le voit sur scène, caché sous sa capuche ne laissant seulement entrapercevoir que ses yeux blancs "lentillés".
Avec une carrière de plus de deux décennies, Hoest est toujours resté fidèle à sa marque de fabrique, le son Helnorsk Svartmetall, mais à chaque sortie d’un nouvel album, il fait évoluer sa musique par des petites touches qui, accumulées au fil des ans, montrent l’étendue de sa création qui va au-delà d’un Black Metal des plus brutal. Il apporte, comme on avait pu déjà l’entendre, des notes musicales dissonantes pour donner du relief à ses morceaux comme le mellotron sur « Fra Vadested Til Vaandesmed » ou la mandoline sur « Helvetesmakt » du précédent album. Ici, il y a même une touche Western/Surf sur « Stank » (Puanteur), à l’attitude limite punk, engagée, balancée dans l’urgence. Hoest nous montre une nouvelle fois qu’il en a encore sous la pédale même si Stridens Hus parait plus calme, mais peut-être le plus travaillé du norvégien comme en atteste « Gamle Norig » : les guitares stridentes, avec ses cris comme seul lui sait le faire avec de nombreuses structures différentes au sein du titre ponctué de changements de rythme avant d’enchaîner directement par « Orm », ralentissement, la voix de Hoest qui perce les tympans et c’est reparti avec de jolies mélodies doublées de chœurs lointains.
« En sang til sand om ildebrann » déboule violement au début mais dévoile rapidement un mid-tempo où les guitares accrochent une petite mélodie déstructurée, mais ô combien créative sans même entendre un mot de Hoest : c’est ce qu’on appelle une instrumentale, avant d’enchainer à nouveau sans temps mort mais dans une logique implacable sur « Kongsgaard bestaar », qui vous explosera la tête en double croche comme dans une porte à double battant, sans pour autant oublier le riff qui reprend le cheminement de notre randonnée musicale.
Mais il sait toujours être percutant avec des mélodies guerrières, marque de fabrique de Taake depuis « Nattestid Ser Porten Vid I », où le riff peut être fredonné allégrement à la limite du faux en concert, donnant cette puissance forgée dans les profondeurs des fjords embrumés. On peut l’apprécier sur « Det fins en prins » : attaque du morceau typiquement à la Taake, sublime, jouant à la fois sur le côté strident d’un côté et mélodieux de l’autre sur des rythmes changeants tout en gardant cette ambiance chaleureuse grâce aux chœurs. Morceau le plus long de l’opus, Hoest s’en donne à cœur joie jouant sur des atmosphères différentes et saturées. Il faut reconnaitre son art du feeling entre breaks simples et calmes et accélérations mid-tempos.
L’album, sur 7 pistes, nous montre que Hoest sait se renouveler en nous offrant une palette de couleurs assez large, avec un semblant de passages « groovy » (à prendre avec des grosses guillemets) sur certains breaks, des attitudes punks, faites dans l’urgence sur d’autres comme sur « Stank » ou « Kongsgaard bestaar » ; mais sachant retourner aux sources au moment opportun comme avec les notes de guitares de « Vinger » qui ne sont pas sans nous évoquer celles de « Umenneske » (Taake).
Lionel / Born 666
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