*Toute première chronique réalisée par notre ami et Live Reporter Lionel de Born 666*
La douleur m’accable. Je suis dans cette pièce depuis je ne sais quand. Suis-je sous terre ou en surface ?
Mes membres me font mal. Je ne peux toucher les murs. Je ne les vois pas. Je ne sens rien. Je suis dans un noir complet.
Qui m'a mis là ? Y suis-je venu seul ? De ma propre volonté ? Je ne repose sur rien. Suis-je en position debout où suis-je retourné ?
Des riffs puissant arrivent mais je ne les entends pas, je les vois. Ils sont visibles, lourds et traversent mon corps de part en part. Ils me font l’effet de ciseaux rouillés lancés de cette pièce sur mon corps lacéré où l’on m’a abandonné...
Qu’ai-je fait pour être ici ? La voix arrive et c’est plombé, précis, dicté par une logique imparable. On m’écrase, je ne respire plus. La musique vient de cette pièce mais je ne sais pas exactement d’où... Elle est partout ,surpuissante, pas une note de trop. Ce n’est pas de la musique, c’est un esprit que j’entends. C’est un tout indéfinissable.
Je ne peux bouger, pourtant elle m’attire, me fascine, mais mon corps ne peut se mouvoir. L’air commence à se faire rare. Je ne sais plus ce que je ressens mais je vois, j’entends cette source noire qui m’envahit. Le reste de mes entrailles se remplit de ce liquide épais...
Après le succès de Eparistera Daimones, premier album (sorti plus tôt cette année) de Triptykon, nouveau projet de l’ex-leader de Hellhammer/Celtic Frost, Tom Gabriel Fischer nous revient avec cet EP de presque une demi-heure, 28 minutes exactement : Shatter. Une pièce à sortir le 25 octobre prochain chez Century Media.
Il fait toujours noir. C’est lourd. Le noir n’est plus une couleur mais un poids. Suis-je dans une pièce sans lumière ou ne vois-je plus la lumière ? Mes paupières sont-elles ouvertes ou sont-elles fermées, verrouillées à jamais ?
Cet écrin est composé de trois titres studio enregistrés pendant les séances d’ Eparistera Daimone et de bien sûr deux covers Live de Celtic Frost (« Circle Of The Tyrants » et « Dethroned Emperor ») enregistrées au festival Roadburn en Avril dernier.
L'éponyme « Shatter » (simplement en bonus track sur le premier LP) commence les hostilités et nous plonge dans une noirceur abyssale. On est en apnée, on suffoque, littéralement écrasés que nous sommes par la musique. C’est tout simplement monstrueux d’ingéniosité au niveau de la simplicité et de la noirceur qui se dégage de ce titre. La batterie nous envoûte, la basse est visuelle tellement les cordes vibrent. La voix est lente et hypnotique. Les guitares vous entourent.
"I don’t want to feel
I don’t want to see
I don’t want to love
I don’t want to live
I don’t wish to drown in the beauty of your eyes
I don’t wish to remember the warmth of your embrace
I don’t wish to bleed on your altar of demise
I don’t wish to wither among the petals of disgrace
Why did you cast me into a bottomless pit of pain?"
Tout y est. Au delà d’une musique c'est un sortilège qui nous glace les tripes. Notre destin est scellé.
Le morceau « I Am the Twilight » se veut plus agressif grâce à cette voix unique de Tom Gabriel Fischer.
« Crucifixus » quant à lui apparaît globalement dans une tonalité différente que celle d’Eparistera Daimones. C’est très lent, entre sludge et doom dévastateur...
Les murs se rapprochent. Je le sens mais je ne le vois pas. L’espace diminue. L’oxygène se raréfie. J’ai l’impression de diminuer, d’être compressé. Mon corps s’adapte et se recroqueville...
La reprise live de « Dethroned Emperor » nous est agrémentée de Nocturno Culto (Darkthrone) au chant. Que demander de plus ? Ahrgg ! Quelle voix !
Triptykon va maintenant encore plus loin que Celtic Frost et l’on ne sait pas où ils vont s’arrêter. C’est un vrai groupe et ça nous promet des moments à venir plutôt grandioses. Ils seront d’ailleurs au Hellfest en 2011, et je suis sûr que l’on n'en ressortira pas indemne.
Tout se rapproche, tout me compresse encore plus, … et puis, … plus rien, plus un son si ce n’est un esprit lointain qui murmure dans l’Haut-Delà… Je ne suis qu’une particule de riff perdue dans l’infini...
Note : 4.5/5
Lionel / Born 666