Blasphème – Briser le silence

Dans le merveilleux monde du heavy, terre où les musiciens chevelus se côtoient et affluent au fil des générations, les anciens sont souvent les plus reconnus. Les jeunots s'inspirent régulièrement de leurs ainés pour affiner leur musique à eux, pour mieux s'en démarquer ou suivre leur lignée. Pour les parisiens de Blasphème, l'histoire ne s'est pas passée de la même manière. Peut-être ont-ils inspirés quelques formations, mais leur séparation en 1986 ne leur a pas permis de connaître un destin de gloire à la Judas Priest, malgré la qualité de leurs brûlots. Cependant, après une reformation, les français décident d'offrir aux auditeurs de nouvelles offrandes à ce mettre sous la dent et voici qu'est réalisé sur XIII Bis Records, fin Septembre 2010, le 3ème opus des parisiens, intitulé « Briser le Silence » après « Désir de Vampyr », 25 ans plus tôt. Nos français vont-ils parvenir à se faire un nom désormais, ou ont-ils trop longtemps brillé par leur absence ? Vont-ils, comme promis, briser le silence ?


Quitte à briser le suspense, il est clair que la nouvelle galette de notre quatuor est une réussite, se plaçant parmi l'une des meilleures sorties heavy metal de cette année. Et dans ce style, que serait un brûlot sans ses titres phares et ses refrains marquants ? Si plusieurs combos s'évertuent à nous ennuyer avec quelque chose de fade et de peu consistant, les français de Blasphème ont compris qu'il fallait quelque chose à se mettre sous la dent pour détenir la clé de la réussite.


Et ça commence par le détonnant « The Crow », cocktail de couplets marquants aux guitares tranchantes et aux lignes facilement mémorisable. La piste s'illustre par son refrain où le chant Marc Fery fait merveille. Entraînante et efficace, elle laisse présager une suite des plus excellentes. Bien sûr, on reste dans le domaine d'une musique très classique, sans break à la trompette, accords de violons ou accordéon ravageur. Mais ce rythme soutenu, qui ne faiblit pas une seconde, et ce chant atteignant les aigus avec brio, comment ne pas se régaler ? Dans le genre tubesque, il irait bien égaler les hymnes d'un Saxon.


Sans être une tuerie, l'éponyme « Briser le Silence » calme la fougue et l'ardeur du morceau qui précède, par des couplets plus doux, sans tomber dans le languissant. De ce fait, les lignes de chant du refrain sont plus agréables et plairont sans aucun doute aux fans, et sûrement même aux autres, d'ailleurs.


Dans les titres qui marqueront, « Homme Éternel » n'est pas en reste et comblera toutes les attentes. Cavalcade des instruments, plus fougueux que jamais, sans être aussi dynamiques et emballés que chez Crystal Viper par exemple, ils instaurent néanmoins une énergie et une vigueur non négligeable, très emballant. Sans oublier les vocaux qui se font plus hargneux et rentre-dedans, sans être trop agressifs. Ils réussissent quand même à conférer toute cette dimension de force que l'on pouvait attendre et sont en parfaite adéquation avec le morceau, ce qui est, pour ainsi dire, très judicieux.


A l'appel de la piste prenante sans déborder de testostérone, avec plus de subtilité, « Cœur d'enfant » répond présent. Pas besoin ici d'attendre un déluge de guitares exécutant des solos effrénés, ou encore une batterie cognée de toute part, les ingrédients sont ici autres. C'est un peu ce bonbon à la saveur plus douce mais toujours intacte, avec lequel on conserve du plaisir sans que cela n'explose. Ici, le refrain n'est pas exceptionnel mais le travail réalisé sur l'accroche fonctionne avec beaucoup d'efficacité. La variation d'atmosphère par rapport à l'ensemble y joue un grand rôle, diversifiant ainsi les délices et les sensations, ce qui constitue de ce fait un succès, en évitant une redondance et des répétitions qui pourraient survenir par endroits.


Mais la pièce maîtresse, le diamant taillé, le joyau prêt à scintiller sur la bague, c'est « De l'ombre à la lumière », majestueuse et dans la pure veine du heavy, avec cet air des bons vieux groupes des années 80s, tel un petit saut dans le temps, à l'époque où les metalleux n'étaient pas encore adeptes du metalcore ou du true black. Que ce soit du côté vocal qui excelle, de l'air du morceau qui ensorcelle ou des lignes instrumentales, tout semble mener droit au but : l'engouement. Et c'est sans aucune difficulté que Blasphème y parvient, à coup d'un refrain qui poussera les difficile et les élitistes dans leurs derniers retranchements.


Seulement, et c'est là que l'album se révèle inégal et imparfait, c'est qu'il subsiste un ventre mou, des pistes sans aucune efficacité ni énergie qui provoquent un état de léthargie chez un auditeur. « Qui Suis-Je ? », ballade trop longue et trop mielleuse est complètement dispensable, vraiment endormante et soporifique. Seul les guitares qui apparaissent quelquefois sur les 7 interminables minutes sauvent encore ce titre d'une mièvrerie rarement égalée.


« L'ultime errance » se révèle poussive et fade, ne montrant pas ce dont les français sont capables et provoquant un sentiment de lassitude chez l'auditeur. En effet, la piste semble bien moins inspirée que ce qui a été montré précédemment. Rébarbative et répétitive, le souvenir qu'elle laisse est au mieux inexistant et c'est avec plaisir que l'on retrouvera le morceau qui suit.


La production est satisfaisante, mais elle aurait gagnée à mettre les guitares plus en avant. Le chant comble trop les trous, est bien trop en avant et il faut tendre l'oreille pour entendre la virtuosité des musiciens, par instants. Mais le son reste de qualité, ce qui est aujourd'hui un atout qui semble souvent déterminant.


Marc Fery, par sa voix si caractéristique et identifiable entre des milliers, excelle et démontre ses talents de chanteur, même après tant d'années passées. Ses vocaux sont variés, puissants et collent parfaitement à la musique délivrée. Cependant, il est par moment un peu juste, ce qui peut agacer, mais rien de grave fort heureusement. De plus, il accomplit des changements de vocaux dans un même morceau avec astuce, en maîtrisant aussi bien les notes plus hautes que les graves (« De l'ombre à la lumière »). Aucun risque de rouille ici.


Et c'est donc une jolie réussite que constitue ce « Briser le Silence ». Le retour au format CD du quatuor d'Île-de-France est un succès sur un plan musical, et espérons qu'il permettra à notre combo d'être un tremplin vers la renommée. Même s'il est quelque peut inégal, ses saveurs sont authentiques et les ainés prouvent qu'ils ont encore beaucoup à donner. En attendant, un seul mot d'ordre : écoutez !

 Note finale : 8/10

Myspace de Blasphème



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