« Metal à chanteuse ». Rien qu'avec ces mots lâchés, de nombreux couards prendraient la fuite, préférant de loin le temps où la musique n'était accessible que lorsqu'on possède une paire de testicules. D'autres, au contraire, afflueraient de toute part, bave en bouche et hurlant à plein poumons, pour admirer le physique de la donzelle au micro. C'est là deux aspects qui sont très récurrents en ce moment. Mais cette dénomination au fond très générique renferme une multitude de styles différents, de groupes différents, variants du bon au moins bon, parfois de l'excellent au carrément irritant. Dans la sphère prog à chanteuse, je demande Wedingoth, jeune formation française, composée d'une chanteuse (Laure Flores), d'un guitariste-instrumentaliste (Steven Segarra) et de trois membres de session. En 2010, voici enfin la première livraison, « Candlelight », une auto-production. Soyons honnêtes, il est ardu de ne pas avoir de préjugés lorsqu'un jeune groupe comme celui-ci débarque sur scène. Alors, mauvais, bon, excellent, irritant ? C'est ce que nous allons découvrir.
Fan d'Evanescence, Lacuna Coil, Delain, All Ends et autres UnSun, vous qui aimez la musique formatée pop-metal/rock radio-friendly, ce n'est pas à la bonne porte que vous venez de frapper. La musique des lyonnais est radicalement différente et si vous aimez The Gathering ou Stream of Passion, alors ces français peuvent vraiment vous combler. L'opus est à placer sous le signe de la complexité et de la diversité, avis aux amateurs !
« Mission » nous fait entrer dans le vif du sujet et donne le ton de ce que sera la suite de l'opus : un savant mélange de metal prog, de rock prog et de metal atmosphérique, au rythme changeant et agrémenté de nombreuses petites touches de bel effet, tel un violon lancinant en début de piste, accompagnant avec beauté la voix très suave et pleine de finesse de Laure. Après la douceur, les guitares s'en mêlent et emportent le morceau vers un autre niveau, l'ambiance instaurée s'estompe et une nouvelle est amenée, avec plus de vigueur, et lorsque le calme croise la tempête et s'unit avec, l'accouplement des deux atmosphères enchante. Il faut bien avouer cependant que le riff reste trop plat et monotone, ne cherchant en aucun cas à s'élever ou à apporter une bribe d'excitation, se cantonnant à un rythme linéaire et trop mou.
Le quintette n'hésite pas à jouer sur les styles et à surprendre par l'incursion thrash qu'est « From Hell », bien plus violente et rentre-dedans qu'auparavant. Grunts à l'appui, mélodie soutenue par des instruments bourdonnants et se permettant des riffs et des changements de structures inopinés, la maîtrise est belle et bien présente. Le contraste entre le chant féminin mélodieux et les guitares incisives est rondement bien mené, sans déranger, bien qu'un peu déroutant. Tout en gardant sa puissance, le titre tend paradoxalement à un fort aspect mélodique et ambiant, au vu des lignes vocales féminines très aériennes.
Il n'y a aucun doute sur le fait que la galette est variée, tend à régaler de multiples saveurs et à faire goûter au palet de l'auditeur de nouvelles sensations. Ainsi, les expérimentations seront multipliées par chaque univers exploré. Que ce soit la musique orientale avec « Mirage », la pop/folk sur « Oxygen » ou encore le monde médiévale avec la courte « Past to Present », les voyages ne manquent pas. Cependant, ces variations entrainent parfois une déroute mal venue, nuisant à l'équilibre général du skeud. « Diex Li Volt », piste pourtant agréable, tranche bien trop avec l'interlude arabique, par ce passage trop brusque d'un monde à un autre. Un point auquel Wedingoth doit faire attention pour ne pas se brûler les ailes.
En revanche, le morceau éponyme, « Candlelight », est une pièce de haute volée et dont la réussite fait plaisir à entendre. La somptueuse introduction vient nous placer dans les meilleures conditions, et le travail mélodique réalisé est extrêmement conséquent. Entre passages atmosphériques et planants, moments plus terre à terre accompagnés d'une guitare bien grasse et sombre, solos de bonne facture et passages narratifs plus intimistes, l'osmose semble parfaite, chaque élément cohabitant à merveille avec l'autre. D'ailleurs, le chant se diversifie également, ce qui écarte tout risque d'ennui. On se prend au jeu du morceau, qui possède réellement beaucoup de force et d'harmonie. Une belle pièce de prog.
Cependant, si tous les titres étaient de ce niveau, cet album atteindrait des sommets. Malheureusement et il fallait s'en douter, le très bon côtoie le dispensable, voir le médiocre, et plusieurs pistes n'arrivent pas à la cheville des autres, pêchant par un côté trop bancal et une faiblesse trop flagrante.
« Reveries » est d'un ennui absolument malgré un côté trip-hop plutôt original. La sauce ne prend vraiment pas, l'arrivée des riffs arrive comme un éléphant dans un magasin de porcelaine et on oubliera sans aucun doute l'existence même de ce titre trop faible. Dans ce registre, « Oxygen » n'est pas foncièrement mauvaise, avec une fin intéressante, mais elle peine à créer la surprise et à donner un quelconque frisson.
Passons au point qui fâche : la production. Non pas que ce soit une bouillie immonde digne des sons de caves de trve black metal norvégien des années 90, mais c'est malgré tout LE principal problème de Wedingoth. Avec des compositions dotées d'un tel professionnalisme, il est surprenant de constater que la jeune formation ne s'est pas munie de plus de moyens de ce côté. Résultat, la voix est souvent étouffée, les instruments soit trop en avant, soit trop en arrière et le manque d'envergure et de profondeur se fait ressentir. Bon, ce n'est pas non plus une catastrophe, mais les lyonnais vont devoir avancer sur ce point.
La jeune femme derrière le micro, Laure, remplit parfaitement, quand à elle, le rôle de vocaliste convaincante. Son timbre, cristallin et délicat, se rapproche très fortement d'une Marcela Bovio, et sa voix suave sait se poser avec émotion là où il faut. Seulement voilà, notre jolie demoiselle n'est pas exempte de défauts et quelques points sont encore à corriger, notamment en ce qui concerne ses montées dans les aigus qui parfois sont mal maîtrisées et demandent encore du travail. Et, qui plus est, ses lignes de chant se révèlent parfois linéaires, dommage.
« Candlelight » est une première offrande mature. Le talent de ces jeunes musiciens fait de Wedingoth une formation sur laquelle il faudra compter dans l'avenir, du fait d'une marge de progression véritablement énorme. Cependant, les français devront corriger quelques erreurs qui entachent le bilan final, et en premier lieu les problèmes de son qui ne permettent pas de profiter pleinement de l'opus. Et voilà, un nouveau combo de talent vient de naître. Souhaitons leur le meilleur pour les années à venir !
Note finale : 7/10