Ils sont de retour, afin de vous jouer un mauvais tour … et ils sont finlandais, qui plus est ! Non, calmez vos ardeurs, ce n'est pas Nightwish mais son petit frère, Amberian Dawn, qui se bâtit une réputation de plus en plus solide dans le milieu, voguant sur la vague du succès, et s'octroyant même une petite apparition lors du MFVF 2009, rien que ça. Et l'effet fut immédiat, les nostalgiques de Nightwish avec Tarja trouvèrent en grand nombre un nouveau messie, une formation salvatrice avec l'effet de la madeleine de Proust. D'autres, au contraire, furent plus sceptique et virent seulement un nouveau clone sans réel intérêt, à la Legenda Aurea ou Visions of Atlantis. L'une des particularités de la formation, c'est la rapidité à laquelle cette dernière pond des albums. C'est bien simple, le bilan est de 3 en 3 ans. Et avec un chamboulement dans le line-up couplé à un changement de label, passant chez Spinefarm Records, le sextette envoie son nouvel album, « End of Eden », en Octobre 2010. Alors, se hissera-t-il au niveau des précédents ? Confirmera-t-il sa position de nouveau talent, d'étoile montante de la scène ? Donnera-t-il raison aux détracteurs ?
Étrangement, c'est un peu des deux, en fait. Les fans seront comblés car globalement la recette est toujours la même, ce qui, justement, fera la joie de ceux qui ne cessent de répéter que nos amis scandinaves sont une pure arnaque. Car ce brûlot est dans la droite lignée de ses prédécesseurs, concocté de la même manière, retrouvant Amberian Dawn là où il avait été laissé en 2009, avec des nouveaux titres à l'arrière goût de déjà-vu.
Cela étant dit, on retrouve avec plaisir les hymnes power symphonique qui font la joie de l'auditeur. « Talisman » a la même fonction que « River of Tuoni » (sur le premier opus) ou « He Sleeps in a Grove » (sur le second brûlot), à savoir le morceau d'entrée au refrain tubesque et divertissant. Et encore une fois, le pari est réussi, la folle cavalcade instrumentale nous emportant dans son torrent, avant d'arriver à un refrain entêtant et dévastateur, qui fera la joie des amateurs du style. Certes, ce n'est pas le morceau le plus inspiré qu'il existe et la mélodie est tout ce qu'il y a de plus classique, mais le potentiel jouissif y est tellement présent que vous vous surprendrez à fredonner la piste pendant quelques temps.
Du côté de la réussite, « Come Now Follow » fait plaisir à entendre. Les finlandais ne bousculeront pas le monde du metal avec ce titre, mais feront à nouveau preuve d'un gage de qualité. Le refrain prend une tournure plus sombre qu'à l'accoutumée, dégageant une atmosphère qui rend la piste bien plus prenante. Ce ne sera pas un tube à proprement parler, mais une réussite tout de même, l'un de ces morceaux prenants dont notre combo à le secret, à la « Incubus ».
Sur le point de l'ambiance lourde et glaciale, le joyau de l'opus intitulé « War In Heaven » est excellente. Voilà enfin un morceau innovant, qui change de l'Amberian Dawn que l'on connait, et dévoilant ainsi une nouvelle facette de la personnalité du sextette. Le sentiment lors de l'écoute est oppressant, la lumière s'est soudainement changée en obscurité et de sa voix qui se fait plus grave, plus profonde et bien plus touchante, la belle Heidi nous guide à travers les ténèbres. Mais on reste véritablement captivé par l'âme qui s'est forgée. De plus, un chant masculin fera irruption par instants, renforçant ce côté sinistre. Les fans de virtuosité à la guitare ne seront pas en manque, un long solo se présente sur la partition, mais assez maladroitement placée et la question sur son utilité peut se poser, tranchant avec l'atmosphère développée. Mais voilà ce que l'on peut appeler une belle conclusion à la galette, une expérimentation qui tombe à point nommée.
C'est décidé, nos helsinkiens ont voulu surprendre sur la fin et pour cela, quoi de mieux qu'une ballade sans sa langue natale, le finnois ? Pas de problème, « Virvatulen Laulu » est là, pimpante et prête à l'écoute. De plus, on notera l'intervention d'un invité de choix, le chanteur d'opéra Markus Nieminen, rien que ça. Malheureusement, malgré que ce morceau soit éblouissant vocalement, il en demeure soporifique instrumentalement parlant. C'est joli mais trop lisse, trop plat et l'adhésion n'est pas chose aisée avec un titre qui reste constamment en surface sans aller en profondeur et créer la surprise à un moment ou un autre. L'intention est louable mais le résultat final décevant.
« City of Corruption » s'en tire avec les honneurs et les grâces en remplissant à merveille le cahier des charges, plaçant ce qu'il faut au bon moment. Le solo adroitement maîtrisé fait plaisir à entendre, le refrain est beau, les couplets interprétés avec brio et talent, l'originalité sera la seule absente de cette fusion.
Cependant, tout n'est pas rose bonbon dans le petit monde d'« End of Eden » et l'exquis côtoie avec amertume le médiocre, et, dans cet opus, il est présent en plus grand nombre que par le passé, paradoxe complet du fait que les meilleurs morceaux de la jeune formation se trouvent également dans cette offrande.
L'innovation doit également cohabiter avec l'auto-pompage et pour cela, quoi de mieux qu'« Arctica », faisant office de single. Avec des aires de plagiat des œuvres passées de nos helsinkiens, un refrain qui tombe complètement à l'eau par une démarcation peu présente et une mélodie à l'odeur de plat réchauffé, une mélodie copieusement prévisible et sans accroche réelle, c'est un fiasco, un échec, à jeter aux oubliettes que l'on en parle plus. Ce faux pas en annonce encore d'autres.
Et nous voici arrivés au ventre mou de l'album, trilogie de titres rasoirs comme la pluie, aussitôt écoutés, aussitôt envolés. Et ça commence avec l'irritante « Sampo », le pire ratage de l'histoire des finlandais. Une mélodie sans inspiration, barbante, avec ni refrain intéressant à l'appui ni la moindre accroche possible. Couplé cela à des lignes de chant anecdotiques et vous obtenez le somnifère idéal. « Blackbird » est à peine meilleure. Son pont speed la sauve de la niaiserie mais le plaisir de la tuerie est quasiment absent. « Field of Serpents » s'en tire heureusement mieux, avec une mélodie de guitare et de clavier plutôt adroite et non dénuée d'intérêt, mais qui a du mal à prendre et la mayonnaise ne monte qu'à moitié.
Au niveau production, le son est agréable, chaque instrument est à sa place et n'empiètera pas sur son voisin. Les vocaux sont audibles à souhait, le mixage ne souffre d'aucune erreur ni d'une accidentelle maladresse. Avec un ciment en béton armé comme celui-ci, la concurrence sur la scène pourra se faire du soucis.
Heidi Parviainen, la sirène à la voix délicate et à la chevelure de feu, vous fera chavirer par son chant lyrique absolument magnifique, délicat et fin, raffiné et subtil. Pleine d'émotions, exécutant des montées dans les sphères de l'aigu très convaincante (« Virvatulen Laulu ») ou au contraire se faisant divine et mystérieuse dans les tons chauds et graves (« Talisman », « War In Heaven »), la jeune femme sait se montrer talentueuse à chaque instant, se hissant parmi les meilleures chanteuses du metal symphonique (Tarja Turunen et Helena Iren Michaelsen n'ont qu'à bien se tenir). De plus, ses lignes de chant sont bien plus diversifiées qu'elles ne l'étaient auparavant.
« End of Eden » amorce un léger tournant dans la carrière d'Amberian Dawn, avec de nouvelles idées à la clé, tout en gardant sur un plan générale cette même recette qui fit le succès de la formation finlandaise. Seulement, malgré tant de qualités, l'aspect général est encore trop bancal pour pouvoir prétendre à intégrer les élites du genre, et la crainte que la formule s'use et ne lasse trop vite peut se faire ressentir. Amberian Dawn va devoir innover s'il veut garder le vent en poupe et se hisser parmi les plus grands. Encore un effort, et le succès sera tout à fait mérité. En attendant, savourons comme il se doit ce nouveau brûlot. Ne serait-ce que pour la sublime « War In Heaven » … Ah, Heidi, que ta voix est douce …
Note finale : 7,5/10