La petite ville de Luynes, contraste entre campagne provenciale et urbanisme marseillais, fut le cadre en ce jeudi 28 octobre 2010 d'une date unique qui restera dans les annales de cette année riche en concerts. Le passage unique d'un groupe culte, Skyclad, lors de sa tournée spéciale 20ème anniversaire. Seule date en France, et première dans le sud depuis 1994... Avouez que tout cela est plutôt étonnant, quand on sait que les britanniques ont été les précurseurs du folk metal, bien avant les Mägo de Oz, Korpiklaani, Finntroll ou autres Eluveitie.
C'est au Korigan, petite salle pouvant accueillir 200 personnes tout au plus, que l'évènement a lieu. Accueilli royalement et chaleureusement par le staff de French Heavy Metal Connection (organisateurs de la soirée), c'est avec le sourire que je pénètre les lieux après avoir salué quelques connaissances (dont le batteur du groupe Angellore ou encore un confrère du site Heavylaw) à l'extérieur. Prévu vers 20h45, le premier groupe commencera avec un certain retard...
Parlons-en, de ce premier groupe, en guise d'appérétif plutôt copieux puisque s'agissant du combo montpellierain Eilera, véritable révélation il y a quelques années et bien connus des auditeurs de La Grosse Radio. Une affiche royale, en somme.
Peu de monde dans la salle, trop peu de monde même à l'heure (21h30) où le quatuor Eilera pénètre sur scène. Ambiance intimiste due aux grèves ? Nous ne le saurons probablement jamais.
De cet inconvéniant quelque peu gênant, Eilera en fera un point sur lequel s'appuyer ; le dialogue entre Aurélie sa chanteuse et les quelques fans se faisant ainsi plus facilement, tout en décontraction, pour un show en quelque sorte familial et au décor sobre (du lierre posé ici ou là sans plus de fioriture) mais efficace.
Entre dynamisme et ambiances léchées, le set du groupe français se déroule sans grands accrocs et parvient même à séduire ici et là les plus sceptiques. Plutôt très bien en voix (probablement grâce à son infusion magique posée au pied de la batterie), Aurélie (alias Eilera en personne) a su distiller chant intimiste et plus rentre-dedans tout en gardant énergie et chaleur communicative intacte. Une vraie frontwoman heureuse d'être là et de partager sa passion, et ce même si l'affluence s'avère éparse.
Les autres membres n'étant pas en reste, les deux "live members" (bassiste/back vocals + batteur) finlandais savent se fondre parfaitement dans le moule tout en exécutant leurs parties sans souci majeur. Le co-leader et compositeur du groupe a pour sa part su imposer son style de guitariste à la fois précis, technique et imprégné émotionnellement : Loïc Tézénas a donc sans surprise parfaitement rempli son rôle, usant d'une excellente présence scénique sur les parties électriques ainsi que d'une sobriété sensible sur l'acoustique "Celtic", merveilleuse ballade aux accents folk relevée d'un délicieux violoncelle.
L'apport de cet instrument (avec l'accueil du petit nouveau William pour l'occasion), judicieux sur un titre intimiste, n'a cependant pas eu l'effet escompté sur les autres titres plus électriques, étant (par la force des chose) mixé trop en retrait et souvent inaudible. Il n'y a guère que sur le titre "So What?!", exclusivité à paraître si tout va bien à la fin de l'année sur Darker Chapter... and Stars, Part II, qu'il a su ressortir de sa torpeur, propulsant ainsi ce nouveau morceau à la hauteur des meilleurs Apocalyptica. A suivre.
Le reste de la setlist s'est muée sans surprise autour des gros tubes que sont "Fusion" ou "Precious Moment", on remarquera par ailleurs la présence assez large du dernier album Dark Chapter and Stars, Part I (sorti uniquement en digital) avec, outre la ballade celtique sus-nommée, un brillant "Lucie After War" qui confirme les larges promesses entrevues en version studio.
On ne pourra que regretter, outre un violoncelle parfois timide, une setlist évidemment trop courte, l'absence de "Inside My Cave" (un des premiers tubes du groupe) demandée d'ailleurs par un connaisseur (bien connu des lecteurs de Rock Hard France), des samples parfois trop "envahissants", ou un jeu de lumière parfois irrégulier car alternant le très bon et le "trop obscur".
En attendant, merci Eilera. Plus qu'une mise en bouche : une ravissante surprise, ou plutôt une confirmation, en attendant encore mieux et une belle suite de carrière.
Setlist :
- Marching Towards Dawn (Intro)
- Don't Go Fight
- Non Merci
- In the Present
- So What?!
- Lucie After War
- Celtic
- Fusion (Extrait Video)
- Passport Please
- Precious Moment
"La vie, c'est comme une boite de chocolat, on ne sait jamais sur quoi on va tomber !" ... Cette célèbre maxime, rendue culte par le film Forrest Gump, pourrait bien être associée à Skyclad. Il est vrai que, 16 ans après, orphelin de leur charismatique chanteur Martin Walkyier depuis 2001 et l'âge avançant, on pouvait se demander à quoi ressemblerait un show de ce groupe pionnier. Une chose certaine, les anglais ne nous ont pas donné rendez-vous Rue de l'Inégalité ce soir, et c'est avec son lot de chocolats hauts de gamme que les maîtres du folk metal nous ont régalé devant une affluence... certes insuffisante, mais dynamitée pour l'occasion !
Un show très spécial puisque décomposé en deux parties. Tout d'abord 12 premiers titres remontant à chronologie inversée les 12 albums du groupe, histoire de faire revenir les connaisseurs jusqu'aux racines du genre comme le dira le chanteur Kevin Ridley à plusieurs reprises. Puis une seconde partie plus fun avec des titres venus d'un peu partout et quelques instants croustillants de quasi improvisation... Du bonheur, que du bonheur, ainsi allez-vous le constater par vous-même à la lecture de ces modestes lignes.
Avant cela donc, le "prélude grandeur nature" composé de 12 morceaux bien soigneusement choisis afin de représenter au mieux les 12 opus studio du groupe. Introduction à la folie finale car joués en un show plutôt carré, bon enfant mais presque trop "sérieux". Bon d'accord, l'ami frontman se permettra moultes blagues plus ou moins alcoolisées, mélangeant allègrement Medoc (vin rouge) et Penforth (bière) selon les goûts mais préférant clairement ce nectar de raisin cher à nos vignes. Parlons-en d'ailleurs, de ce Kevin Ridley... Seul derrière le micro depui 9 ans, il n'en est pas moins l'un des hommes forts du groupe depuis ses débuts, ayant officié tour à tour en tant que roadie, manager, producteur et guitariste rythmique. C'est d'ailleurs derrière cet instrument qu'il poussera souvent la chansonnette avec un sourie à peine dissimulé et un lien fraternel avec un public bien sage (du moins lors de ce premier acte).
Au rayon des temps forts, citons les très envolées et hymnesques "The Antibody Politic" (Folkémon, 2000), "Penny Dreadful" (Irrational Anthems, 1996), la très belle ballade "The One Piece Puzzle" (Prince of the Poverty Line, 1996), et enfin les premiers gros tubes du folk metal : "Spinning Jenny" (A Burnt Offering for the Bone Idol, 1992) et "The Widdershins Jig" (The Wayward Sons of Mother Earth, 1991). Pas un hasard d'ailleurs si ces monuments sont extraits de ce qui sont très certainement les 6 meilleurs albums du combo... Assurément une réussite en live, et ce même si les autres titres joués ne sont pas forcément ridicules comparés à ceux-ci.
Viens ensuite le grand moment, qui durera d'ailleurs plus longtemps que le premier set... Plus longtemps que le groupe l'avait lui-même prévu, très certainement. Le Korigan n'offrant aucune deadline, contrairement aux trop strictes salles parisiennes, le groupe a en effet pu se donner à fond, jusqu'à la dernière goutte d'énergie, afin d'offrir aux gens présents une expérience qu'ils ne seront pas prêts d'oublier.
Le tableau de cette apothéose s'avère simple : le bassiste Graeme English et le leader guitariste Steve Ramsey (tout deux d'ailleurs prêts à réssuciter le cultissime groupe Satan l'an prochain le temps d'un festival) sueront à grosses gouttes mais jamais ne perdront le sourire ni l'occasion de boire un coup (surtout Mr. English)... Le batteur Arron Walton, benjamin du quintet, ne cessera de taper sans faiblir... Quant à la flamboyante et magistrale violoniste Georgina Biddle, c'est avec fougue, joie de vivre, précision et virtuosité qu'elle n'hésitera pas à se balader dans la foule, de faire le tour de la salle ou d'headbanger sans répit aux côtés d'un chanteur qui y laissera les derniers trémolos de sa voix jusqu'à plus soif.
Le tout en gardant un professionnalisme sans vergogne, car très peu de fausses notes ou pains divers seront à signaler. Tout juste quelques légers soucis techniques au niveau de la basse parfois mixée trop en avant mais rien de bien gênant. Skyclad, où l'art de faire la fête tout en continuant à assurer le show...
Les tubes seront légions sur cette seconde partie, entre "Inequality Street" et sa métaphore de la chocolate box, la reprise-Folkémonienne "Swords of a Thousand Men" qui fera même déplacer le chanteur parmi la foule ou encore la très controversée politico-festive "The Parliament of Fools" dédicacée au gouvernement français responsable des grèves, bref rien ne sera oublié. Pas même l'EP sorti en 2006 et sa reprise traditionelle (déjà popularisé à l'époque par le groupe prog rock East of Eden) "Jig-a-Jig" suivie de son "Mr. Malaprope" bien burné. Même les racines blues rock (si si, il paraît) du groupe ne seront point oubliée avec "Emerald", une cover de Thin Lizzy.
Et croyez-le ou non, ce ne sont pas les trois chansons du nouvel album (In the... All Together, sorti l'an passé) qui viendront gâcher la fête, chacune trouvant sa place dans la folie ambiante - notamment ce "Black Summer Rain" au refrain très accrocheur et le "Still Small Beer" final ressemblant plus à une dernière débauche de pochtrons en furie... mais cela marche, le public allant au bout de lui-même jusqu'au (presque) bout de la nuit !
Rendez-vous récurrent donné par Mr. Ridley au devant de la scène, headbangeurs et air guitaristes se donneront à fond sur une fin de show totalement desaxée mais jouissive, faisant suite à un "happy birthday" entonné par un fan venu lui-même chanter au micro ! Grandes personnes de tous horizons se transformeront ainsi en enfants, même l'un des membres de l'association French Heavy Metal Connection se lâchera de manière ultime en haranguant le groupe jusqu'au bout en allant triper quelques secondes avec eux sur scène.
En d'autres termes : la classe. Skyclad a réussi un véritable tour de force, à la hauteur de sa réputation et même au-delà. Ce groupe mérite tous les honneurs, tant le folk metal leur appartient et tant ils en font ce qu'ils veulent aussi bien sur scène que dans les mélodies.
Setlist :
- World Upon the Street
- The Song of No-Involvement
- The Antibody Politic
- A Well Beside the River
- Helium
- Great Blow for a Day Job
- Penny Dreadful
- Another Fine Mess
- The One Piece Puzzle
- Thinking Allowed
- Spinning Jenny
- The Widdershins Jig
- Inequality Street (Extrait Video)
- AnotherDrinkingSong (Extrait Video)
- Swords of a Thousand Men
- Emerald
- Black Summer Rain
- The Parliament of Fools
"Happy Birthday Interlude" (Extrait Video)
- Jig-a-Jig
- Mr. Malaprope & Co
- A Well-Travelled Man
- Still Small Beer
Culte. Une soirée culte. Nous ne savons pas si Skyclad reviendra un jour en Provence, mais ce qui est certain c'est qu'il ne faudra certainement pas espérer attendre encore 16 ans comme ce fut le cas la dernière fois. On espère en tout cas les revoir avant leur 30ème anniversaire, Georgie et ses boys méritent d'enflammer plus souvent nos salles françaises. Avec cette fois-ci plus de monde, car ceux qui étaient là ce jeudi se souviendront, témoigneront et amèneront les curieux par centaines lors d'une prochaine hypothétique date. Amis promoteurs, soyez prévenus !
Les 1h du matin sont allègrement entamés quand tout se termine. Avant de partir, Aurélie de Eilera nous confie ses espoirs de sortie physique pour le prochain opus (ce que nous souhaitons tous pour 2011, voir un Darker Chapter and Stars I + II dans les bacs), Graeme-Aaron-Georgina très disponibles et cordiaux nous parlent "historique" (entre le retour de Satan ou l'absence de contacts avec leur ancien collègue chanteur depuis 2 ans)... Le tout agrémenté de photos, serrages de mains ou autres adieux et nous voicis sortis. Et si Luynes s'éloigne, Eilera et Skyclad resteront bien au chaud dans notre mémoire...