Corbeaux est un groupe français, et cela se voit. Par le patronyme sous lequel évoluent les quatre membres constituant le line-up, par le nom de certaines pistes, les doutes seront peu permis. Mais surtout, les musiciens jouent dans l'univers du post-rock, où des maîtres comme Mono, Jakob et God is an Astronaut sont déjà vus comme des références, et dans lequel de jeunes loups prometteurs tels Lost in Kiev font leurs armes. Qu'en est-il pour ces Bretons? Nouvel espoir de la scène grâce à leur seconde offrande Hit the Head?
L'étiquette post-rock est, sans aucun doute possible, applicable au propos de la formation, tant celle-ci joue dans les carcans du genre. Pour autant, rester ancré dans un style ne se résume pas forcément à se cantonner au rang de suiveur bien discret, et dans le cas du quatuor, la formule délivrée fonctionne à merveille. L'exemple d'un « 7th Avenue » est assez parlant. Le titre ne cherche jamais réellement à s'éloigner des terrains connus mais développe une ambiance très prenante. Les sonorités ont beau être typiques du genre, les influences du combo sont proprement digérées et l'ensemble ne sonne jamais comme un vulgaire calque d'autres grands noms ayant façonné ce style musical. Pour autant, bien que l'originalité ne soit pas la qualité première de Corbeaux, les Bretons s'amusent à développer de multiples facettes, permettant ainsi de correctement diversifier le propos et de ne jamais tomber dans l'ennui. Sentiment également évité par la courte durée de l’œuvre, ne comprenant que six pistes.
Ce qui donne un charme caractéristique à Hit the Head, c'est cet aspect déstructuré présent dans les compositions, quasi-mathématique. Cet élément, qui aurait pu se transformer en véritable piège, est agréablement bien maîtrisé et donne à « Cran d'Arrêt » ou « Sur un Fil » un regain considérable d'intérêt. Ces excellentes idées aident ainsi à pallier l'absence de chant, en laissant simplement les instruments parler, et immergeant davantage l'auditeur dans l'univers du groupe. Et si l'ambiance est un point primordial pour Corbeaux, les musiciens n'hésitent jamais à dynamiser leurs pistes. La section rythmique se fait bien plus agressive sur « La Bagarre », mais le groupe se sert également de ces nombreux crescendos à de multiples occasions. Pari réussi, ces touches de violence donnant au disque un aspect intense qui prend aux tripes. La piste de conclusion « Ezimpurkor » est une parfaite synthèse des efforts des Français, reprenant les nombreuses idées disséminées sur le disque afin d'en tirer le meilleur parti. Seulement, sur cette fin de parcours, les quatre musiciens ajoutent une voix lointaine, se muant par la suite en un véritable chant, délaissant ainsi l'influence God is an Astronaut pour quelque chose de plus sombre et musclé. Un final à la hauteur, qui laisse ainsi sur une impression globale positive.
Ainsi, en dépit d'inspirations perceptibles, le disque réussit à s'en éloigner à plusieurs reprises, dans le but de délivrer un propos personnel, à l'instar de ce dernier titre qui bascule vers des rives différentes. Hit the Head est une belle réussite, qui, sans bouleverser les codes établis du post-rock, parvient à tirer son épingle du jeu et se placer comme une sortie très intéressante. Nul doute que Corbeaux a les armes pour se tracer un bel avenir.