Aaaah le Brésil … sa mer chaude, sa forêt amazonienne, sa présidente, son carnaval, son soleil de plomb, et, bien sûr, ses groupes de metal cultes. Bah oui, il ne faut pas oublier que ce pays d'Amérique du Sud a vu germer parmi les plus grands noms d'aujourd'hui comme Sepultura, Angra, Shaman, et tout le tralala. Sans parler de musiciens qui, de nos jours, sont parmi les plus réputés dans le metal, comme les Cavalera ou Andre Matos. Et puis, il y a une petite scène, plus locale, avec des groupes de tous styles qui cherchent la reconnaissance, et qui sont plus ou moins bons. Quelques formations prometteuses peuvent parvenir aux oreilles du public d'un autre continent, à la manière d'un Kriver, d'un Illuminato, d'un Andragonia ou encore d'Hydria. Et ces-derniers, bien décidés à percer, livrent en ce mois de Novembre 2010 un nouvel opus baptisé « Poison Paradise », une auto-production qui, elle, succède à « Mirror of Tears », paru deux ans plus tôt, et qui révélait la naissance d'un potentiel réel dans le petit monde trop bouché du metal symphonique. Alors, ce nouveau brûlot, confirmation ou relâchement ?
Sans chercher d'aucune façon à bousculer les codes du genre, Hydria applique les règles à merveille et réussit à convaincre et à séduire par de fortes touches de heavy dans une musique généralement trop conventionnelle ou trop pompeuse. Pas d'orchestres faramineux, hors de prix comme Dimmu Borgir ou Within Temptation, de chœurs à la Epica ou à la Yotangor, ou de clavier trop imposant. Non, chez Hydria, on évite la surenchère.
Et ça commence tout de suite par du rentre-dedans avec « Time of My Life » qui ne ménagera pas son auditoire. Pas d'introduction douce et planante, de guitare sèche ou de chœurs pour amener la piste, mais une cavalcade d'instruments se livrant une course de vitesse. Et c'est réussi, c'est entraînant, ça fait headbanguer d'entrée de jeu et annonce le meilleur. Même si le ton s'adoucit, on reste pris par un morceau qui a des arguments à faire valoir et notamment un refrain sur lequel grunts et chant féminin s'alternent pour un rendu de bel effet. Et pour ceux à qui il faut une petite transition plus atmosphérique, pas de panique : un petit passage piano/violon/voix permet d'introduire en beauté le chant de Raquel Schüler, notre jeune frontwoman.
Le titre suivant, « The Place Where We Belong » est structurellement assez similaire et propose également cette même recette d'un morceau sans fioriture et allant directement au but, en plaçant stratégiquement les guitares au premier plan, pour insuffler puissance et adresse à l'ensemble. Et le résultat est payant, offrant ainsi à son auditeur une partie de plaisir intense et appréciable. Les lignes de chant sur le refrain se font plus en émotion et en profondeur qu'auparavant, et notre jeune chanteuse montre dans des tons bien plus aigus et réussit à atteindre des notes élevées avec justesse. La symbiose entre la section rythmique rapide et le clavier aérien est un très bel accompagnement au chant et sans conteste une réussite de plus pour nos sud-américains.
Dans un registre plus pop, « When You Call My Name », single de l'album, est une petite douceur à déguster entre les mets bien épicés. Une pincée de sucre dans ce plat relevé, une pommade adoucissante. La mélodie se fonde davantage cette fois-ci sur le clavier mais surtout sur le chant, qui occupe la place centrale et dicte sa volonté. D'ailleurs, notre brésilienne se fait plus douce et plus intimiste, donnant des sensations plus délicates à portée de voix, se voulant touchante et réussissant le pari. Mais les Hydria sont malins et ne tombent pas dans le cliché de la mid-tempo à faire pleurer les chaumières, en prenant la décision de laisser la guitare et la batterie accompagner le rythme du début à la fin, pour garder ne serait-ce que le minimum syndical en matière d'énergie et de vivacité, pour ne pas tomber dans la mièvrerie et le sirupeux. Un exercice duquel notre formation se sort avec succès, octroyant de l'attrait à la piste.
Du refrain percutant, vous en manquez ? Pas de panique, ne vous affolez pas, la solution est bel et bien là, sous votre nez, et se nomme « Finally », parfait mélange de heavy et de metal symphonique (tout bêtement heavy symphonique en fait, un peu comme Coronatus ou Bel O Kan). Riffs percutants, batterie puissante, voilà de quoi muscler sa musique comme il le faut. Et en guise de refrain, des lignes qui se gravent dans votre tête pour ne plus s'en déloger et vous convertir définitivement à la beauté de cet hymne. Probablement l'un des titres qui retiendra le plus l'attention dans la galette par son efficacité et son engouement.
L'assemblage « Prelude » + « Distant Melody » pose cependant question. Pourquoi avoir séparé ces deux titres ? Pris à part, « Prelude » deviendrait assez inutile, trop longue et hors-sujet pour introduire la piste suivante, tandis que « Distant Melody » s'en tirerait avec les honneurs, car même si elle ne possède pas d'éclat particulier, elle reste tout à fait correcte et bien construite, malgré une fin trop prévisible. Mais l'interrogation sur cette structure reste un sujet sur lequel les experts planchent encore, il faudra encore un peu de patience avant d'avoir une réponse à cette énigme.
« Queen of Rain », la reprise de Roxette, obtient les encouragements du jury. Classique mais agréable, c'est le principal argument qui est avancé pour défendre le morceau. Le refrain se démarque grâce à la douceur de Raquel et aux émotions qu'elle apporte par son interprétation et sa modulation vocale d'un bel effet. Dommage que les guitares soient mises au second plan par rapport à un « Time of My Life », ce qui aurait permis de faire monter l'enthousiasme et la folie. Car bien que beau, le morceau est trop carré et mériterait un grain de vitalité supplémentaire.
Sur le plan de la ballade, « In the Edge of Sanity » enjambe là-aussi le précipice du cliché et l'abime insondable et obscur du ridicule. Débutant par quelques douces notes de piano, la ressemblasse avec un « My Immortal » d'Evanescence s'arrête à cet endroit. L'apparition de la guitare qui lâche enfin du riff, et du vrai, fait s'envoler à milles lieues le spectre des américains. Le refrain est prenant et concilie douceur et poigne, car sans être trop abrupt, la présence des riffs évite une chute vers la mollesse et la torpeur ne guète pas.
La piste éponyme, « Poison Paradise », prend sans conteste naissance sur l'arbre qui fait pousser ses fruits en forme de joyau. Avec ce refrain fédérateur qui fait mouche vite fait bien fait, l'adhésion est rapide et complète. D'autant plus que notre amie Raquel n'hésite pas à varier sa voix là où cela est nécessaire, ce qui augmente encore le potentiel de sympathie de l'auditeur envers la jeune femme. Des grunts viennent lui voler la vedette à plusieurs endroits, durcissant le ton. Bon, si on veut titiller, les paroles sont un peu clichée, mais la mélodie est envoûtante !
Cependant, et c'est bien dommage, l'intérêt retombe avec quelques titres qui n'ont rien de prenant, d'enthousiasmant, d'inventif, ou même d'intéressant, tout simplement. Ce genre d'intrus dans un tableau magnifique, de grumeaux dans une pâte paraissant lisse et parfumée, ces indésirables qui écourtent le plaisir. En clair, des morceaux qui sont, n'ayons pas peur des mots : mauvais, ou médiocre au meilleur des cas.
Dans ce cas de figure, « Whisper » est le parfait exemple. Retombant tout de suite, mélodie qui peine à tirer son épingle du jeu pour finalement tourner en rond, manque de puissance flagrant et de refrain marquant, le placement de cette piste juste après les morceaux heavy contrarie encore plus. De plus, même le chant semble moins enjoué et motivé, traduisant une impression d'ennui. Du remplissage digne des meilleurs morceaux de Katra ou de Godyva.
Nous épargnerons également « The Only One », malheureusement trop fade pour inciter un quelconque plaisir. Si la présence (discrète) des guitares sur le refrain repousse partiellement la guimauve, l'impression générale de ne rester qu'en surface pèse lourd dans la balance et ce morceau est aussitôt écouté, aussitôt oublié.
« Sweet Dead Innocence » n'est pas indispensable non plus. Pas mauvais, certes, mais plus pauvre et garni de bien moins de charme que le reste des pistes. Somme toute plutôt sommaire, le refrain ne se démarque pas assez, ce qui est dommage.
Niveau production, c'est le top ! Le son est clair et limpide, mettant en valeur chaque élément proposé, que ce soit la voix, les instruments, le mixage, c'est du bon boulot, tout ça pour une auto-prod, ce qui impose encore plus le respect ! En tout cas, de ce côté, l'amélioration se ressent par rapport à « Mirror of Tears ».
Raquel Schüler, notre frontwoman a la voix d'ange, livre une prestation de qualité. Les progrès accomplis en l'espace de seulement 2 ans se remarquent rapidement, beaucoup moins criarde dans les aigus, et chantant avec justesse et délicatesse. Par ailleurs, dans le domaine de l'émotion, notre brésilienne est toujours aussi douée, pouvant adopter une voix cristalline se transformant immédiatement en flèche de Cupidon. Modulant son chant, son timbre doux, proche de Sharon den Adel (Within Temptation) se fait extrêmement agréable.
Avec ce « Poison Paradise », la formation sud-américaine fait un pas en avant et se montre comme l'un des potentiels du genre. Des titres efficaces, une chanteuse de talent, il ne reste plus qu'à corriger quelques défauts et à creuser un peu plus dans l'originalité pour pouvoir pleinement se revendiquer être la nouvelle sensation du heavy symphonique. Mais qui sait, le renouveau du metal symphonique dans une autre contrée que les Pays-Bas, voir même hors d'Europe, pourquoi pas ? Une belle réussite.
Note finale : 8/10