Le métal démiurge
Cette année, Meshuggah fêtait les 25 ans d’un parcours unique dans l’histoire du métal. Cette bande de suédois a inventé une nouvelle manière d’écrire et de jouer cette musique, qui a été maintes fois copiée, dupliquée et rarement (jamais ?) égalée, à la base de toute une nouvelle scène dans le genre. Après avoir visité les Etats Unis ainsi que quelques festivals cet été, quelques pays européens ont eu la chance de recevoir la visite de Meshuggah, y compris la France. Avec les deux groupes talentueux et atypiques Semantik Punk et Car Bomb en ouverture, ce concert s’annonçait brutal et perturbant.
Semantik Punk
Qui avait entendu parler de Semantik Punk avant leur arrivée sur scène ce soir-là ? A part quelques très rares zélotes, personne ! Et pour cause, ce quatuor polonais a une renommée plus que confidentielle, qui résulte probablement de l’étrangeté de sa musique. Arriver à la décrire est un défi en soi. Prenez les acquis rythmiques et bruitistes de Dillinger Escape Plan, ajoutez-y une bonne dose de vodka et folie avant-gardiste et vous obtiendrez quelque chose qui ressemble à Semantik Punk ! Ecoutez leur album ABCDEFGHIJKLMNOPQRSTUVWXYZ et vous verrez. Vous n’avez probablement jamais entendu un groupe comme eux. D’ailleurs , il y a du beau monde sur leur premier et unique album : Ross Robinson (Korn, Machine Head, At The Drive-In) à la production, et Steve Evetts (Dillinger Escape Plan) au mixage.
Ce qui marque d’entrée de jeu avec ce groupe, c’est la précision chirurgicale de ses musiciens. Chacun d’entre eux est un tueur dans ce qu’il fait, que ça soit à la basse, batterie ou guitare, même si c’est le jeu bizarroïde du guitariste qui surprend le plus ! Il enchaîne les rythmiques très lourdes avec sa sept cordes pour ensuite vous balancer un bruitage ou un riff bizarre sorti de nulle part !
Le seul point faible qu’on pourrait déceler à ce groupe, c’est son chanteur, qui a une voix criarde qui certainement ne plaira pas à tout le monde, d’autant plus c’est chanté en polonais, venant rajouter un exotisme supplémentaire. Et à en juger par les têtes de certains dans la fosse, tout le monde n’apprécie pas son chant, ou même la performance globale de Semantik Punk. On a de fait affaire à un groupe qui doit susciter des réactions très tranchées : une adhésion franche ou un rejet total.
Sur la fin du concert, le chanteur empoigne lui aussi une guitare. Le visuel à l’écran se trouble, en même temps que les sons qui parviennent à nos oreilles. Le set est en fait en train de virer au drone-noise, c’est une expérience presque psychédélique. L’idée est intéressante et osée, surtout pour une première partie, mais plus faire plus de vrais morceaux aurait sans doute été plus judicieux. Voilà un groupe qui ne fait pas de compromis, et qui repart avec une belle ovation malgré tout !
Car Bomb
Encore un groupe qui fait son premier concert en France. Les Américains de Car Bomb jouent une musique moins bizarre, mais beaucoup plus violente. Le son est tout simplement énorme, et on est tour à tour écrasé par la guitare de Greg Kubacki et la batterie de Elliot Hoffman. Musicalement, on se rapproche du mathcore, avec une grosse influence de Meshuggah dans les rythmiques. Ca groove terriblement, et on sent que le public accroche plus que pour Semantik Punk.
En plus de jouer une musique violente et élaborée, le groupe sait la présenter visuellement avec des images qui sont projetées sur les deux écrans du Cabaret Sauvage. Celles-ci sont synchronisées avec le signal de la batterie, ce qui donne leur donne une précision, et donc une efficacité supplémentaire. Ca et là, on reconnaît un extrait de film ou de série, mais avec des filtres trafiquant les couleurs originales pour leur donner un ton plus angoissant et sombre.
Les musiciens sont plutôt statiques et concentrés, et cela fait un beau contraste avec la rage délivrée par leur musique. On peut par contre regretter que la voix soit un peu en retrait dans le mixage. En plus de cela, on constate que Michael Dafferner a un peu de mal à gérer les rares moments en chant clair à la Deftones, et c’est bien dommage, car ils apportent un peu de fraîcheur au tout, en plus d’être plutôt réussis sur album. Cette légère déception est de courte durée, car elle est aussitôt suivie d’un autre riff dantesque prêt à réduire en miette vos cervicales. Comme pour Semantik Punk, le concert dure une demi-heure et passe donc très vite, et on est presque rassuré quand Michael annonce que c’est le dernier morceau. En effet, la musique jouée est si intense et violente qu’elle en devient éprouvante à écouter en concert. Leur performance en aura en tout cas scotché plus d’un, et on espère revoir Car Bomb en France rapidement, peut être avec leurs amis… Gojira !
Meshuggah
Ca y est, la fête anniversaire commence ! Et c’est avec une version un poil ralentie de « Future Breed Machine » que Meshuggah entame son set. Là, on est marqué par quelque chose de rarissime à un concert de métal : le son n’est pas assez fort ! En tout cas, devant la table de mixage, il est difficile de percevoir les nuances de la musique, du fait du volume quelque peu timide. C’est d’ailleurs caractéristique de Meshuggah, puisqu’on avait remarqué la même chose au Graspop Metal Meeting la même année. La salle a aussi son rôle là-dedans puisque le Cabaret Sauvage est soumis à des limites de volume plus importantes qu’habituellement. L’avantage est que cela permet d’être proche de la scène et d’avoir un bon son, le désavantage est qu’on profite nettement moins du light show épileptique de Meshuggah, et Dieu sait pourtant qu’il est excellent !
Techniquement, Meshuggah est égal à lui-même, c'est-à-dire proche de la perfection. Les deux guitaristes Fredrik Thordendal et Marten Hagstrom abattent leurs riffs avec toujours autant de précision, et la guitare huit cordes leur donne un son froid et puissant qui se marie parfaitement à leur musique. De son côté, Jens Kidman est très impliqué, et il semble apprécier la proximité avec le public, qui lui est devenu complètement fou dès l’arrivée des suédois sur scène. C’est particulièrement agité sur les premiers rangs, avec beaucoup de slams à la clé, mais on n’est pas non plus à un concert de Slayer !
Après un petit tour du côté des classiques récents du groupe que sont « Obzen » ou « Do Not Look Down », Meshuggah fait une petite virée vers ses débuts de carrière, avec des titres du premier album et du premier EP, qui révèlent à quel point le groupe a changé en vingt cinq ans, mais également que Meshuggah avait déjà d’excellentes compositions ! Difficile de ne pas avoir des frissons sur le très beau solo de « Cadaverous Mastication », mélodique à souhait. Puis la formation remonte progressivement jusqu’à aujourd’hui avec les monstrueuses « Neurotica » et « Millenium Cyanide Christ » de Chaosphere, ainsi que « Stengah » et « Straws Pulled at Random » de Nothing. Enfin, « Demiurge » crée encore plus de cohue de la fosse, s’affirmant que un nouveau classique du groupe, extrêmement efficace en live avec son enchaînement de riffs lourds et groovy !
Après le magnifique pont mélodique de « Straws Pulled at Random », on arrive déjà au rappel avec « Mind’s Mirrors » qui est joué sur bande, moment idéal pour reprendre ses esprits avant l’ultime sursaut. Tomas Haake, qui aura assuré une fois de plus une performance exemplaire et virtuose, remonte sur le kit : c’est reparti ! Comme à leur habitude, Meshuggah finit avec le doublon « In Death is Life » / « In Death is Death », la synthèse de ce que la formation a fait de plus abouti et agressif, avec toujours, de la mélodie ça et là pour ceux qui tendent l’oreille. On arrive déjà à la fin d’un très beau concert, et on en redemande. Après un concert tellurique et deux excellentes premières parties, Meshuggah nous a gâté ! De quoi attendre le prochain album avec impatience.
Setlist
Future Breed Machine
obZen
The Hurt that Finds You First
Do Not Look Down
Cadaverous Mastication
Greed
Gods of Rapture
Neurotica
New Millennium Cyanide Christ
Stengah
Bleed
Demiurge
Straws Pulled at Random
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In Death - Is Life
In Death - Is Death
Reportage par Tfaaon
Photos : Arnaud Dionisio / © 2014 Deviantart
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