La nouvelle scène doom se porte comme un charme. Chaque année, de nouveaux groupes prometteurs aux dents longues parviennent à s'extirper de la masse et à s'offrir une reconnaissance, souvent pour le meilleur (Bell Witch, Subrosa, …). Dans ce lot de formations ayant acquis une certaine notoriété en marchant sur les traces de leurs prédécesseurs, les Américains de Windhand n'ont pas à rougir du succès qu'ils commencent à obtenir auprès des amateurs du courant musical sus-cité. En seulement deux albums, dont Soma paru en 2013, la réputation croissante des cinq musiciens leur a permis de jouer aux quatre coins du monde et dans de prestigieux festivals. Quelle est la recette de leur succès?
Windhand pratique son doom de manière traditionaliste, en laissant la parole en premier lieu à sa section rythmique, guitare et basse jouant de concert dans le but de délivrer des riffs lourds et pesants, presque écrasants sur "Feral Bones". L'impact est immédiat, et l'ambiance qui s'en dégage est étouffante, tant les instruments forment un véritable magma bouillonnant. Le propos semble simple, couplé à un propos parfois répétitif ("Orchard" en particulier) mais la maîtrise est suffisante pour obtenir le succès à la clef.
Ce sens de la mélodie qui fait mouche n'est pas sans rappeler les Britanniques d'Electric Wizard, influence prédominante du combo. Pourtant, et contrairement à leurs aînés, Windhand fait un choix surprenant en laissant le micro à Dorthia Cottrell, dont la voix n'entre pas dans les canons du genre. Là où l'on était en mesure de s'imaginer un chant rauque et gras, la frontwoman officie dans un registre bien différent. Son chant est volontairement placé en retrait, conférant un aspect hypnotique qui octroie un charme non-négligeable aux compositions. Si les femmes sont de plus en plus représentées dans le milieu, cette volonté d'utiliser un chant féminin permet aux Américains de se forger une réelle identité sonore.
Un atout qui permet à Windhand de ne pas sombrer dans une trop grande uniformité, qui ressort pourtant lors des premières écoutes, d'autant plus sur les trois pistes accueillant l'auditeur. Les mécanismes usités sont similaires, la formule se basant sur des schémas assez proches, qui gagnent en intérêt grâce à divers éléments placés au sein des morceaux. Qu'il s'agisse d'une ligne de chant particulièrement bien écrite sur « Woodbine », d'un refrain agréable sur « Orchard » ou d'un riff marquant, toutes ces qualités additionnées permettent d'apprécier les titres à leur juste valeur.
La formation paraît d'ailleurs consciente de ce sentiment d'uniformité, et remédie à cette impression via "Evergreen", titre acoustique misant avant tout sur les capacités vocales de la chanteuse. Un choix plus que judicieux, offrant une respiration bienvenue dans cette masse sonore dense, laissant ainsi le loisir de profiter du timbre chaleureux de Dorthia dans un cadre plus intimiste.
Là où le groupe n'emportera pas l'adhésion, c'est avec la pièce finale "Boleskine", dont les trente minutes allouées souffrent de gênantes longueurs. Certes, le projet est ambitieux et la piste se laisse écouter sans déplaisir, mais si le constat ne tourne pas à l'échec, le résultat aurait pu être nettement plus convaincant. Windhand ne laisse transparaître que peu de défauts dans cette offrande mais il aurait été plus judicieux d'épurer un titre qui peine à captiver dans la durée, en restant dans un sujet plus maîtrisé par les musiciens.
Ce résultat en demi-teinte est contrebalancé par "Cassock", sans aucune doute la pierre angulaire de Soma, où l'atmosphère développée happe littéralement. Le rythme est traînant, le ton foncièrement négatif et désabusé, et les musiciens se plaisent à laisser l'auditoire suffoquer, se perdre dans les méandres d'une composition longue et lancinante. Et il est impensable de compter sur une Dorthia fantomatique et distante pour se sortir de ce bourbier, tant elle convie les émotions les plus sombres à s'emparer de quiconque se perd dans l'écoute.
Cette œuvre est loin de faire l'unanimité, et ne constitue en aucun cas une porte d'entrée vers le doom. Bien au contraire, toute oreille non-initiée fuira devant un disque aussi difficile d'accès et peu convivial lors des premières rencontres. Mais pour tout amateur de riffs denses et toujours plus terre à terre, la satisfaction ne saurait vous emporter. Windhand ne réinvente pas la poudre, mais maîtrise impeccablement son sujet, et surtout, le joue avec un véritable amour pour le genre et une passion toujours plus exacerbée. Pas d'occultisme de pacotille, de tendance rétro 70s qui infestent le milieu, juste une simplicité déconcertante pour aligner les pièces de qualité. Et c'est déjà bien assez pour les considérer dans le haut du panier.