Mine de rien, en France, du metal on en a plus que ce que l'on croit. Bien qu'il existe déjà des formations reconnues sur la scène internationale et ayant déjà fait leurs preuves il y a bien longtemps, à l'image d'un Loudblast, d'un Gojira ou d'un Belenos, il suffit de creuser un peu, de pousser ses recherches plus loin pour en découvrir de nombreux autres, et ce dans tous les styles. Et il y en a un qui est particulièrement prolifique, c'est le metal à pisseuses comme il est parfois nommé, ou metal à chanteuse, pour être plus politiquement correct. Et là, à part les lyonnais de Kells, et dans une moindre mesure les parisiens de Markize et de Whyzdom, pas facile d'en trouver qui sont reconnus de part l'Europe. Et pourtant, du talent, il y en a, et dans chaque coin de la France, quelque soit le genre pratiqué ! D'autres présentent un intérêt moindre, mais tout est affaire de goût. Et à l'intérieur de cette masse, il y a un combo du nom de Moon Whispers, et qui vient droit de Dijon ! Après une première demo, voici qu'en Novembre 2010, c'est avec un EP, intitulé Rising, un nom qui peut faire penser à moult interprétations. Comme une percée vers la lumière ? Serait-ce un flop ou une réussite ?
Et bien même si le bilan n'est pas parfait, il reste sur le plan général extrêmement satisfaisant et notre sextette bourguignon nous livre une musique réalisée avec professionnalisme, précise et étudiée, sans délaisser l'émotion et la puissance, éléments clés pour une adhésion complète. Et voici ce que l'on peut appeler un beau pas vers l'avenir.
Ici, pas d'intro symphonique pompeuse aux claviers, ni de zeste d'ambiance pour introduire ce que sera l'atmosphère générale de Rising. L'immersion est directe, sans concession, si l'on occulte une petite touche electro de … 2 secondes, environ. « The Day I Died » est concise, va droit au but et démontre que Moon Whispers sait se montrer efficace et tubesque, avec une capacité de pondre des refrains entêtants. En effet, ici, le titre prend son apogée sur cette partie du morceau, où les lignes de chant s'envolent et sont à l'apogée de leur puissant. On regrettera cependant le placement des guitares en arrière-plan, ce qui est dommage, car bien qu'à ce poste elles apportent une dimension plus atmosphérique et ambiante, un léger manque de pêche peut se faire ressentir. Rien de bien grave, fort heureusement. Marielle, chanteuse du combo, sera accompagnée par endroits d'une voix masculine claire, et se démarquant des canons du genre. Pas de grunts à la Theatre of Tragedy, plus une voix enragée comme sait le faire Benighted Soul, mais utilisée de façon encore différente, ne nuisant en aucun point à l'harmonie entre le chant féminin et la structure de la piste.
Bombe, vous avez-dit bombe ? Réponse : « Life ». Le titre, judicieusement placé en dernière position de l'EP, évitant ainsi de terminer par une impression de manque ou d'insatisfaction (et surtout passant au-dessus du piège de la ballade larmoyante comme titre de conclusion), sait faire l'unanimité par un refrain fédérateur, dégageant du charme sans mettre en avant des guitares tranchantes et furibondes (on est pas chez Helloween, non plus). Tel un parfum enivrant, lorsque l'ambiance commence à se diffuser pour planter son décor, la piste devient encore plus prenante, encore plus réjouissante, et le duo entre chant masculin et féminin est du plus bel effet. On pourra cependant reprocher une légère répétition.
Sur la gamme de l'atmosphérique, la piste éponyme « Moon Whispers » peut nous en apprendre un rayon. Une exception sur ce brûlot, du fait que le morceau soit amené par les vocaux directement, qui, eux, se font plus doux, plus timide, avant de voir se profiler les guitares, venant soutenir et accentuer le rythme, influant également sur les vocaux, se dotant de plus de force et moins de volupté. Cependant, le calme est de mise, pas d'énervement brusque ni de sursaut, tout se fait par l'instauration d'un cadre propice à l'émotion, à voir l'auditeur fermer ses yeux et se laisser imprégner de chaque petit élément constituant la piste, que ce soit les variations vocales, le solo amené de manière intelligente, ou bien même les sensations qui se dégagent. Sans aucune hésitation, l'un des morceaux clés de cette offrande.
« On My Mind », frôlant presque la durée de 6 minutes, est le parfait compromis entre metal atmosphérique, metal gothique et un poil de prog. Un début lent et éthéré, mais sur lequel un voile de mystère et de doute est présent, avant de voir arriver les instruments, qui, eux, font gagner dans l'aspect metal de la chose et renforcent la lourdeur. Sans être dans le doom, la rythmique plutôt lente et pesante fait son effet. Le déroulement se fait avec plus de retenue, et les charmes se dévoilent au fur et à mesure, avec un refrain poignant, mêlant un chant masculin clair et la voix de Marielle, qui s'envole. A noter, une partie finale instrumentale d'une minute, sur une structure peu similaire à ce qui a été abordé précédemment, mais apportant une touche de diversité.
S'il y a bien un morceau qui semble sous le lot, avec un intérêt moindre, il s'agit de « Release My Ghost ». Rien de mauvais, bien au contraire, mais bien que belle, la piste ne s'éclaire pas par un intérêt spécial. Assez banale, classique, mais bien exécutée et ficelée. Le refrain cependant tombe à plat et n'a pas le même goût que le reste de la mixture. Plus d'épices auraient relevées l'ensemble, sans en abuser, mais rien qu'une touche. Malgré tout, les passages plus planants font mouche, en rehaussant l'intérêt porté à la piste.
Bien sûr, ce n'est pas l'originalité qui est la qualité la plus mise en avant par le combo dijonnais, ne cherchant pas à révolutionner le monde du metal gothique par ce Rising (avec l'album, peut-être, sait-on jamais), mais leur qualité pour montrer qu'ils ont quelque chose à nous faire partager et des arguments qui valent le détour remonte le niveau en flèche.
D'ailleurs, pour une auto-production, saluons l'effort fait sur la production, relativement bonne et démontrant un professionnalisme qui fait plaisir à retrouver. En revanche, il aurait été profitable de mettre un peu plus l'accent sur les guitares, de les placer sur le devant de la scène un peu plus souvent, pour ne pas sombrer dans une mollesse que Moon Whispers tend à légèrement effleurer parfois, à presque toucher du doigt (« Release My Ghost ») sans jamais traverser le pont de l'ennui, ni la passerelle de la linéarité.
Vocalement, Marielle possède un magnifique timbre de voix, dans des notes graves, chaudes et apaisantes, évoquant par endroits Helen Vogt (Flowing Tears), mais plus souvent, le rapprochement se fera avec Marjan Welman (Autumn). Douce et posée la plupart du temps, remplie d'émotions, touchante et délicate, elle donnera cette dimension si caractéristique, troublante et intrigante, à la musique délivrée par le sextette. Ses montées sont également réussies, sans problème de justesse, évoluant avec à-propos et n'en faisant jamais de trop. Attention tout de même à un manque de modulations dans la voix qui peut lasser sur un temps plus long. Car cette voix, bien que maîtrisée à souhait et au potentiel émotionnel élevé, se doit de varier un peu plus régulièrement ses interventions.
Rising est donc un premier EP très prometteur qui, malgré quelques légers points faibles (manque d'originalité, titre imparfait), perce le nuage noir de la nullité par de nombreux rayons de lumière, ceux d'un énorme potentiel, et on l'espère de tout cœur, d'un bel avenir qui se trace. Moon Whispers n'a pas à rougir de sa performance et s'ils continuent sur cette voie, ils pourraient se hisser au même rang qualitatif que de nombreux ténors du genre. En espérant que la réputation suive. On y croit, en tout cas !
Note finale : 3,5/5