Aujourd'hui, c'est l'heure de prendre le bus direction le pays des tulipes … oui bon ce genre d'intro on connait. Toujours est-il que la formation que nous allons rencontrer dans ces lignes nous vient de ce petit pays d'Europe nommé les Pays-Bas, qui, je vous le rappelle, à deux capitales (bon OK on s'en fout). Et des groupes, dans tous les styles, il y en a une multitude, mais notre État situé au-dessus de la Belgique n'est pas exportateur uniquement de fromage ou de fleurs, mais aussi de metal à chanteuses, domaine qui rapporte pas mal. En effet, il y a les produits phares, Epica, Within Temptation, ReVamp, The Gathering, et tout ce beau monde qui suit. Mais dans ce petit monde symphonique, il subsiste un intrus qui a décidé de passer par là également. Voici donc Sin7sinS, transportant un danger, une contagion qui ne demande qu'à se répandre au sein des pauvres auditeurs … Les voilà glissés dans la cargaison Massacre Records, et Octobre 2010 signe la libération de ce terrible mal, nommé Perversion Ltd., qui est prêt à prendre possession de vous. Un remède est-il facile, ou cette maladie vous prendra-t-elle au tripe, vous empêchant de décrocher de cette musique ?
Une chose est sûre, c'est que de nombreux indices comme le nom du combo, la pochette de l'album, les titres des morceaux et autres éléments mettent la puce à l'oreille : ici, pas de metal symphonique. La seule comparaison possible avec Epica, c'est la nationalité. Et le fait que la personne tenant le micro ne soit pas dotée d'organes génitaux masculins, aussi. Alors, quel style pour Sin7sinS ? Et bien, du metal gothique, oui, mais couplé à une forte dose d'éléctro et d'industriel.
Et le ton est donné dès le premier titre. Énergie, efficacité et ambiance sont les maîtres mots de nos jeunes néerlandais. La preuve dès « Crossroad 666 », commençant avec son atmosphère laissant planer le mystère et l'angoisse, avant que le mélange de clavier et de guitare vienne nous frapper à l'oreille avec la rage et la fougue nécessaire pour accrocher l'auditeur en un claquement de doigt, ou plutôt en un riff. Refrain catchy et prenant, assez froid mais pas rebutant, ni dénué d'émotion. La formule prend, petit à petit, jusqu'à ne plus pouvoir déloger cette mélodie du recoin de votre esprit où elle s'est nichée, par des lignes mémorisables à souhait. Le tout, bien sûr, sur un climat malsain et sombre, noir, glacial, caractéristique de notre quintette. Le clavier, polyvalent, remplit de nombreuses fonctions importantes, en diffusant les ambiances ou encore en soutenant les vocaux de Lotus, notre jeune chanteuse, qui de sa voix si particulière, vous guidera du début à la fin à travers la piste, dans cet univers sinistre. Une belle réussite, et elle n'est pas la seule.
D'ailleurs, comme pour se jouer de vous, le combo de Rotterdam vous trimballera dans divers univers, à leur guise, sans ménagement. A peine le premier morceau terminé qu'arrive « 7even Stitches », qui, débutant avec une touche orientale, prendra une tournure plus musclée, délaissant les sonorités arabisantes, du moins sur la forme, pour rentrer directement dans le vif du sujet avec une forte dose de metal industriel, et toujours un clavier extrêmement central. Car, en plus de laisser le petit aspect oriental en fond, il saupoudrera le tout de petites notes de piano, de son de clochettes, une vraie armoire à musique. Et le refrain, lui, est encore plus puissant et entraînant que ce qui a été proposé précédemment, avec l'apparition de grunts, énumérant chacun des péchés capitaux, et venant à de multiples reprises accompagner la voix de la chanteuse, ou lui répondre, c'est selon, et cette dualité est exploitée à chaque fois de la meilleure manière possible. Un choix qui fera gagner des points.
Tubesque, voilà un mot qui résume une bonne partie des titres. Et il peut s'appliquer à un bon nombre d'entre eux, et à ce petit jeu, un trio gagnant émerge des marées de l'opus, surgit de ces eaux troubles pour donner signe de vie. « Rape & Take », au refrain plus que prenant, aux couplets dotés d'un charme froid et glacial et à l'énergie des guitares emballées et du chant masculin plus présent que jamais, sera sans aucun problème dans le top des morceaux que vous retiendrez. Même constat avec « Sexual Predator », nom de titre qui pousserait une horde de missionnaires conduits par Christine Boutin dans un état de choque, sans même avoir écouté le morceau. Direct, puissant, refrain sans retenue, grunts faisant leur apparition à divers endroits, voici une réussite qui mérite que l'on s'y attarde. « Eye Want All » ne fait pas non plus dans la dentelle, et si la vigueur n'a pas été oubliée, on pourra reprocher à la piste une trop grande ressemblance avec ce qui a été fait auparavant. Du coup, moins d'enthousiasme et moins de folie, malgré cet aspect accrocheur qui émane, dommage.
Et que serait un brûlot sans sa ballade ? Chose désormais courante, dans le metal y compris, Sin7sinS ne dérogera pas à la règle avec « Between Broken Dreams ». Sonorités modernes mais morceau au tempo bien plus calme et doux, voir plat. En effet, peu d'attrait ne se révèle, montrant une piste plutôt ennuyeuse et sans grand éclat, même si elle sort de l'habituel cliché piano + voix que l'on entend bien trop souvent. Dommage que ce titre ne se montre pas plus captivant, car un filon était exploitable pour montrer une réussite sur différent plans.
« Portrait in Blood (Braindead) » suit inexorablement le même chemin et s'engouffre dans le long tunnel du désintérêt et l'abime profond de l'ennui tend les bras ouvertement. Peu de décollage et aucune surprise, trop prévisible, des instruments cantonnés à des rôles secondaires, un clavier qui perd de sa magie pour se fondre dans la masse sans faire preuve d'éclat, de brillance et d'inventivité, des fardeaux qui pèsent lourds et permettent une affirmation, c'est que cette piste n'est pas convaincante. Le refrain tombe subitement à plat, ne se démarquant que trop peu et, noyé dans la masse, impossible de retenir les lignes mélodiques. La recette est celle de l'aussitôt écouté, aussitôt oublié, et ça, même la performance vocale de notre Lotus et sa voix atypique n'y changeront rien, malheureusement.
L'aspect rentre-dedans se retrouvant dans la même marmite que l'atmosphérique et l'industriel forme une mixture que l'on baptisera sobrement « Insult #7 », qui sauvera du naufrage l'embarcation partant à la dérive. Pas exceptionnelle mais carrée et rondement menée, elle tiendra ses promesses en nous faisant passer un très bon moment aux côtés des Sin7sinS. Le refrain est sympathique, divertissant, agréable, et bien exécuté. « Dead World » se trouvera à ses côtés, où cette fois-ci, côté clavier, on misera bien plus sur l'ambiance, accentuée, mais pas d'oubli sur l'aspect direct de la chose. Refrain entêtant à l'appui, appuyé par la voix masculin qui se fait brève, l'originalité frise le zéro et pourtant, nos néerlandais possèdent une identité.
La conclusion qu'est « Taste of Twilight » s'avère un met final convenable. Sans bousculer les choses, elle comblera par ce même côté qui en définitive semble somme toute se répéter au fur et à mesure de l'opus. Une efficacité certes, mais également une répétition des plans et des structures, ce qui peut au bout d'un certain temps conduire à une certaine usure. Mais c'est sans connaître notre quintette et son don de création d'ambiances, qui là encore permet au morceau d'avoir des atouts dans sa manche. Le clavier, arme principale, ne fait pas défaut, et pose ses dernières cartes sur la table, avec une multitude et une variation des lignes, des diffusions de sonorités, passant de la bande de vieux film à la sonorité robotique, effet garanti. Et le refrain fait mouche à peine lancé, une machine infernale qu'il sera difficile d'arrêter.
Côté production, les moyens ont été placés et le son est clair, carré, massif, de quoi faire rougir les plus grands. Seulement, parfois, l'ensemble semble un peu lisse et manquer de relief. L'accent sur les guitares aurait été également une idée à exploiter pour faire gagner en force les compositions de ce Perversion Ltd.
Vocalement, la part du lion revient à la belle Lotus (interdiction de penser au papier toilette) qui possède une voix réellement atypique et originale. De son timbre peu commun qu'elle module comme bon lui semble selon les mélodies servies, elle transmet les sensations désirées derrière son apparente froideur et son timbre aura vite fait de vous charmer. La demoiselle sera accompagnée d'un chant masculin, parfois clair, parfois growl, parfois thrash, il adoptera divers masques, diverses facettes pour diverses ambiances, de quoi avoir une posture et une intervention justifiée à chaque moment où cela est utile. Parfois jouant le rôle de soutien, parfois entretenant le dialogue avec le chant féminin, c'est un beau jeu qui s'instaure entre les deux protagonistes.
Le fléau est propagé, Sin7sinS vous fait headbanguer ! Malgré quelques défauts comme la linéarité ou le remplissage, la mission est remplie avec succès et les néerlandais peuvent se vanter d'avoir, avec Perversion Ltd., charmé un public difficile. Décidément, voilà un groupe qui risque de faire parler de lui. A quand le second album ?
Note finale : 8/10