Agalloch – Marrow of the Spirit

Un ruisseau qui paisiblement s'écoule, quelques oisillons au discret gazouillis, un violoncelle mélancolique et lancinant... Agalloch nous revient en toute sobriété, du moins en apparence, sous les traits d'une introduction presque trop minimaliste et ne faisant intervenir aucun membre du groupe. Comme pour mieux surprendre, ou mieux s'inscrire dans une litanie humaniste aux aspects audacieux...

Marrow of the Spirit, quatrième album studio d'un groupe qui sait prendre son temps (un album tous les 4 ans en moyenne), maniant l'art du dark metal à son paroxysme entre folk, pagan, black et doom discret. Et plus encore, sur ce nouvel opus paru le 23 novembre 2010 chez Profound Lore Records.

Une nouvelle fois, Agalloch a décidé de surprendre. Alors que nous les attendions dans la lignée "post-rock/metal" d'un Ashes Against the Grain (sorti en 2006) miroitant à l'extrême, c'est avec une oeuvre encore plus complexe et difficile d'accès que le quatuor de l'Oregon nous revient. Ils se présentent ainsi devant nous, sans compromis, prêts à nous retourner le cerveau à chaque instant.

Agalloch

L'intégration officielle dans le line-up du batteur Aesop Dekker (Ludicra) ne change pas grand chose à cet aspect précis du son Agalloch : les fûts résonnant toujours avec un son sec et martial, en captivant certains et en rebutant d'autres. Nombres débats ne manqueront pas de poindre ici et là à ce sujet. Les autres instruments restont, quant à eux, dans la lignée globale de ce que nous avait habitué la formation américaine, avec ce subtil mélange entre technique et montées aériennes comme sait si bien faire le guitariste Don Anderson, dignement accompagné d'un Jason Walton à la basse discrete mais efficace.

John Haughm a quant à lui décidé de laisser derrière lui l'époque quelque peu trouble d'un précédent LP plutôt mal vécu dans son for intérieur, lâchant plus que jamais son chant brutal et ce sans concession, à la manière souvent d'un Pale Folklore (première galette de la troupe) renaissant. Ainsi les titres "Into the Painted Grey" (ouvrant l'album) et "Ghosts of the Midwinter Fires" rappellent cette désormais lointaine époque, titillant même les démos du groupe (un "The Wilderness" n'est parfois pas bien loin).

Cependant, si vous pensiez qu'Agalloch se contenterait d'un simple retour en arrière, il n'en est clairement rien. Nous assistons à une nouvelle évolution, parfois même une révolution tant certains éléments se trouvent ici renouvelés plus ou moins sporadiquement. Si les ambiances "post" se retrouvent encore sur certaines parties, elles se trouvent renforcées à l'extrême en allant même tutoyer le drone (avec Nathan Carson de Sunn O))) et Witch Mountain au clavier Moog) sur un "Black Lake Nidstång" parfaitement déroutant (entre chant quasi black dépressif et break final pseudo cosmique aux accents Alan Parsons Project) mais qui traîne peut-être un poil trop ses longues 17 minutes. Ulver n'est ici pas loin dans les influences globales, même si la magie peinera peut-être à s'opérer...

Une légère déception alors ? Certainement pas. D'autant plus qu'en deux titres proches du chef d'oeuvre, Agalloch nous sert son talent sur un plateau d'argent et se fait ainsi pardonner les quelques écueils. "The Watcher Monolith", entraînante à souhait dans sa noirceur légère, nous fait voyager entre un son pagan old school et des breaks qu'Amesoeurs n'aurait point renié. Les quelques changements de rythme se trouvent ici maîtrisés à la perfection et les 11 minutes défilent en un éclair. Seule l'improvisation piano finale (aux accents de "Sonate au clair de lune") proposée par un ami du chanteur, Jeffrey Neblock (Vindensång), coupe le rythme et nous amène à réfléchir... Non pas sur son utilité (quoique...) mais plutôt sur la tornade que nous venons d'essuyer.

Que dire alors de "To Drown", conclusion effarante de beauté ? A peine 10 minutes étirées ici à l'extrême sur fond d'un violoncelle (joué par la brillante Jackie Perez Gratz) utilisé à la perfection. On comprend ici mieux l'introduction qui, prise seule, pourrait s'avérer insipide mais, associée à sa grande soeur finale, nous explique ainsi le concept profond de cette oeuvre. L'essence de l'esprit se voit ainsi résumée musicalement de la plus brillante des manières, et nous nous laissons noyer avec plaisir dans ces mélopées obscures, accompagnées par un John plus intimiste que jamais. L'outro finale et glaciale place d'ailleurs clairement ce morceau parmi les créations majeures de l'histoire du groupe.

Il est décidément étrange, ce Marrow of the Spirit. A la fois long, ses titres ne descendant jamais (ou presque) en dessous des 10 minutes (sauf l'intro), et court car possédé par une ligne directrice diablement efficace faisant passer le temps plus vite qu'il ne le devrait. Etonnant paradoxe, tant cet opus est marqué par ses longueurs. Mais celles-ci prennent tout leur sens au fil des écoutes, si et seulement si on laisse transporter dans l'univers glacial d'Agalloch. Ainsi, les imperfections passent et trépassent, même si le fan moyen sera facilement désarçonné et ce à plusieurs reprises...

Agalloch - Marrow of the Spirit

"The escaped the weight of darkness to forge a path into the marrow of the spirit, they chose to drown in a deeper vacancy" ... à elle seule, cette phrase extraite des paroles murmurées de "To Drown" peut résumer l'album en son ensemble. Même si l'obscurité, à peine quittée, revient vite embrumer votre esprit et éprendre votre âme à son écoute...

Note : 8/10

Site officiel du groupe Agalloch
Page Myspace du groupe Agalloch

NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



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