Et encore un groupe de metal français à chanteuse, un ! Décidément, ces temps-ci, ça n'arrête plus, les albums pleuvent, mais souvent fort heureusement ne se ressemblent pas, et les bonnes surprises ne sont pas rares ! Dans la sphère du metal prog, les opus de DXS, Auspex, Asylum Pyre ou Syrens Call auront des chances de rester graver dans les mémoires, plaçant la barre très haut et obligeant les nouveaux venus à s'armer pour pouvoir rivaliser. Voici maintenant le temps d'Heonia, en provenance directe de Lille, dans le Nord de la France et qui, après s'être fait une petite réputation en ouvrant pour des groupes déjà bien établis comme Kells, To-Mera ou Misanthrope, a procédé à la réalisation d'un EP du nom de Simulacra en 2008. Deux ans plus tard, ça y est, le sextette du Nord franchit le pas et Septembre 2010 est le théâtre de la naissance de Winsome Scar, nouveau méfait auto-produit de la formation, qui plongera le monde dans un tourment et un chaos sans précédent (mode dramatique OFF). Nouveau potentiel de la scène du prog, nouvelle révélation, groupe passe-partout ou flop total ? Que d'interrogations que l'on se pose avant l'écoute …
… Se concluant finalement par une réponse globalement positive. Oui, Heonia possède un réel potentiel plutôt bien exploité dans cet opus, aux constructions travaillées, aux ambiances diverses et, même si non exempt de tout défaut, peut révéler de belles choses pour la suite.
Ce qui se confirme dès le premier morceau, du nom de « The Chase ». Allergiques au metal prog, fuyez, prenez les jambes à votre cou et surtout, ne tentez aucune approche, car ici, la technicité si caractéristique du genre est criante, autant que les plans déconstruits, les variations de rythme et d'ambiances, ou les jongleries entre puissance et douceur. Ici, c'est le cas, avec un commencement dans l'ambiance, qui s'installe progressivement, des instruments qui arrivent sur le devant de la scène petit à petit, bientôt rejoints par le chant féminin de Marieke. La rythmique se fait plus puissance, plus lourde et plus profonde, les riffs s'acèrent, les grunts viennent ponctuer le titre, la voix de la jeune femme se fait plus puissance. Vient le temps des breaks obscurs, courts mais faisant leur effet, avec des voix chuchotées accentuant l'atmosphère, ou encore la voix féminine seule, plus délicate. Refrain ? Oui il y en a un, plutôt mémorisable et prenant, pilier central de la piste, fil conducteur qui permet à l'auditeur de ne pas se perdre. Une réussite qui met en confiance dès le départ.
Du bon morceau bien prog et bien technique, en veux-tu en voilà ! « Despair » suit le même chemin, croisant les passages plus agressifs, speeds et doux. Et jamais on ne se perd, l'écoute restant toujours attentive devant la maîtrise technique de ces musiciens hors-pairs. Le clavier apporte vraiment sa touche, instaurant un décor parfait pour nous happer. Les guitares et leur puissance se chargent du reste, convaincantes, n'hésitant pas à délivrer quelques petits solos ou pointe légère de vitesse, sans pour autant perturber nos sens. Restant assez déconstruit, le morceau nous emmène à la traversée de différents horizons, sans jamais en faire trop. L'un des piliers de cet opus.
Malheureusement, on ne peut pas en dire autant de morceaux comme « Mirror of Life », s'écoutant d'une oreille distraite, sans prêter de réelle attention à ce qui nous est proposé. Un peu trop linéaire, trop plat, s'essayant à l'atmosphérique, mais la sauce ne prend pas et nous voilà plongé dans un morceau qui, s'il n'est pas mauvais en soi, fait pâle figure par rapport à d'autres. D'ailleurs, l'un des problèmes récurrents de nos lillois est ici mis en avant. A force d'être parfois trop technique, il est difficile de se rappeler d'une ligne d'un morceau écouté précédemment. Cela se produit de cette manière pour cette piste, sans véritable accroche ni émotion. Un exercice à revoir pour Heonia, qui ne remplira donc pas le cahier des charges avec ce titre. Même le chant et les grunts paraissent plus hésitants et poussent la chansonnette de manière bien moins affirmée.
« Broken Toys » nous emmène dans un univers tout à fait autre, qui se fait mélancolique au premier contact. Un départ aux allures de ballade, triste, à la guitare acoustique, où Marieke nous fait partager un grand moment d'émotion, avec un chant se faisant cristallin, registre qui lui va comme un gant. Les guitares arrivent et continuent toujours sur ces sonorités, très judicieusement exploitées et apportant vraiment une dose de beauté et de magie, entre la tristesse et l'énergie, une balance qui s'équilibre toujours. Malgré les accélérations et les riffs plus lourds ou, au contraire, les passages très calmes, la cohérence est toujours de mise pour offrir ce qui est probablement l'un des meilleurs titres de l'opus. Un régal que l'on délectera avec plaisir.
Dans le registre des morceaux fédérateurs, qui emporteront un vif succès auprès de la capricieuse audience, voici qu'apparaît « Requiem For the Night ». Morceau puissant et mélodique à la fois, où tout l'art des lillois est mis à contribution pour former une belle pièce. Un clavier délicieux, soutenant la musique en distillant des touches de luminosité dans un paysage assombri par les grunts et les guitares, un chant féminin adoptant différentes postures, variant entre les teintes et les manières d'utiliser sa voix, quoi de mieux pour se régaler ? Et, comble du comble, notre formation du Nord a décider de nous garnir encore une fois de lignes de chant entêtantes, qui ne quitteront pas votre mémoire, un cas qui est cependant assez peu présent sur d'autres pistes.
« Fears » souffre en effet de ce maux qu'est l'oubli total d'un moment particulièrement marquant après l'écoute. Mélodique à souhait, alternance des chants, il n'y a que peu de détails à reprocher à la composition de ce morceau. Mais cela dit, on reste toujours sur ce sentiment de manque, comme si une petite chose qui est cruciale manquait à l'appel. Ce petit fragment, c'est l'attrait et le plaisir. On survole le titre, mais toujours d'une oreille distraite, sans véritable attention, ce qui le rend noyé dans la masse des morceaux déjà tous plus complets et plus progressifs les uns que les autres. Difficile ainsi de sortir de la marmelade et d'émerger dans les lumières du brûlot. Manque d'accroche évident, peu de consistance et de saveur, voilà qui entache le bilan assez lourdement ! Dommage car notre sextette prouve qu'il sait faire mieux. Même reproche pour « To Die in Silence », titre auquel il manque quelque chose de véritablement captivant. Dommage.
Sans renverser les codes établis ou bouleverser d'une quelconque manière, « A World is Collapsing » réussit à convaincre de manière adroite. Titre le plus court de l'offrande, il offre une visée plus directe à l'auditeur, vers un refrain réel, où Marieke exploite sa voix de manière extrêmement intéressante, avec des montées dans les sphères des aigus tout à fait adroites et maîtrisées. Le chant prend une bonne place dans la réussite de cette composition, en explorant des voies et des tessitures adaptées à chaque changement de rythme, le tout avec son timbre toujours agréable. Du niveau technique, il y en a, par des riffs tranchants qui garnissent le morceau d'une grande facette musicale, d'un haut niveau et surtout, d'un bon moment d'énergie !
Pour finir en beauté, « Loneliness » et son introduction mystique et mystérieuse vous tendront les bras. Laissez-vous saisir par la beauté qui se dégage, par tant de volupté, de mélodie. Et lorsque les instruments viennent se joindre à la chanteuse, c'est une merveille qui vous attend, sur l'un des trois meilleurs morceaux de cet opus, sans l'ombre d'une hésitation. Dualité, le maître mot de la piste, que ce soit sur les mélodies ou sur les vocaux, les deux s'unissent et forment un ensemble délectable. Et placé comme parfait titre de conclusion, il ne laisse pas l'impression de rester sur sa faim une fois la galette Winsome Scar achevée.
Niveau production, c'est dans l'ensemble satisfaisant, le son étant clair et chaque sonorité audible, mais le sentiment de compression et d'étouffement subsiste parfois. Des moyens supplémentaires sont à mettre de ce côté, mais on a entendu bien pire !
La douce Marieke sera accompagnée des grunts puissants de Damien, qui permet d'ajouter une touche d'obscurité et de puissance au tout. Du côté chant féminin, la jeune femme possède un timbre plutôt agréable, pouvant évoquer des chanteuses comme Alexandra Pittracher (ex-Darkwell). Seulement, un joli brin de voix ne fait pas tout et quelques lacunes sont à combler, à commencer par un manque de puissance qui paraît à divers endroits flagrants. Mais la demoiselle se rattrape avec brio sur l'émotion et la justesse, deux points qu'elle connaît et utilise avec bien du talent. Bilan positif, donc.
Winsome Scar n'est pas l'album de l'année, mais permet de révéler sous les projecteurs un talent et un potentiel qui ne demande qu'à s'exprimer par le futur. Plusieurs défauts seront à corriger, notamment les pistes plus faibles ou le manque d'enthousiasme, mais avec plus d'expérience, ces légers inconvénients devraient être réglés très rapidement. Imaginez donc la marge de progression de ces lillois. En attendant, Heonia se dresse comme un groupe sur lequel il faudra compter désormais. Vivement le second skeud.
Note finale : 7,5/10