Au cœur de cette vaste étendue glaciale d'Amérique du Nord que l'on nomme Canada, se trouve une petite province (enfin petite, c'est vite dit) nommée Québec, qui a la spécificité de parler la langue de Molière mais également d'avoir quelques groupes de power metal talentueux, comme Forgotten Tales ou Instanzia. Metalodic Records, label québecois, nous propose un nouveau cru de sa cuvée : du Icewind, mesdames et messieurs. Second album de notre formation en provenance des grands froids, voici Again Came the Storm et sa pochette, avouons-le, très réussie, après un premier opus du nom d'All Is Dust. Et comme le veut le vieux proverbe, « jamais deux sans trois » ! Alors, confirmation avec Icewind qui va rejoindre le trio gagnant ou au contraire louper la marche de la réussite ?
Malheureusement, c'est plutôt la seconde affirmation qui semble prendre le pas sur la première. Ce second brûlot des canadiens n'est pas mauvais, loin de là, mais possède cependant de nombreux défauts à corriger et, surtout, un manque d'originalité flagrant, couplé à un aspect bien trop bancal, qui laissera l'auditeur sur sa faim après avoir goûté au met. Un manque d'épice et d'assaisonnement divers, peut-être, ce n'aurait pas été de refus.
Une impression qui se confirme dès le premier morceau, intitulé « Signs of Temptation ». N'y voyez rien de mauvais, le titre passe même plutôt bien, avec des guitares puissantes et soutenant un bon rythme général. Mais cependant, il subsiste quand même un manque d'accroche flagrant, qui semble être la tendance générale de toute la galette. Un refrain tombant vraiment à plat, comme une mayonnaise qui ne prendrait pas. Le résultat est un peu le même du côté de la composition. Des couplets pourtant sympathiques et des accents progs bien amenés, les changements d'allure évitant bien souvent la répétition qui aurait sabordé entièrement la pauvre piste, mais des solos assez fades ne viendront pas garnir de la meilleure manière possible le titre. Heureusement que les quelques touches diffusées en arrière-plan par le clavier viennent apporter une touche d'ambiance supplémentaire, qui donne quelque peu d'attrait à « Signs of Temptation », et ce malgré qu'il se trouve loin derrière le son de la guitare. Bilan, peut mieux faire.
Mais on constatera par la suite, avec une joie non dissimulée, qu'il existe réellement du convaincant dans ce Again Came the Storm. Encore une fois, le clavier, discret, contribue à la réussite d'un morceau comme « My Own Tragedy », sans y être, fort heureusement, le seul ingrédient. Ce coup-ci, le refrain a su être mis en valeur, par les lignes de chant gagnant en puissance et mettant en valeur la voix de Gabriel Langelier. En revanche, rien de neuf sous le soleil, les évocations de formations comme Vision Divine se retrouvent à chaque coin de rue, ou plutôt à de nombreuses notes, ne serait-ce que par le timbre de notre vocaliste. Les guitares amènent une énergie non négligeable, qui apporte enthousiasme et plaisir, la vitalité étant l'ingrédient principal d'un bon power metal, une recette qui a ici été appliqué à la lettre, mais il aurait été appréciable de se démarquer plus de ses influences et d'apporter une touche de personnalité, pour ne pas se laisser noyer dans la masse.
La vraie réussite de cet album constitue une piste qui vous entraînera dans plus de 7 minutes intenses et épique, nommée « The Last March (We'll Meet Again) ». Et là, on peut parler d'un véritable succès. Se conformant aux codes du genre dans le règne d'une cavalcade de guitares débordante et vivifiante, une très forte touche de prog est apportée, évoquant les compatriotes d'Instanzia. Fluctuations constantes dans le rythme mais jamais l'on ne se perd, l'assemblée toujours attachée à un précieux et incassable fil d'Ariane dans le labyrinthe de la complexité, modulant les plaisirs, tantôt headbang intempestif, tantôt émotion par le calme qui s'invite par endroits. Notre chanteur, lui, s'évertue à donner de l'attrait au morceau, force est de constater qu'il remplit à merveille son rôle. Apportant force et précision, il se révèle plus intéressant que sur certains autres titres. La bonne surprise de la galette, sans conteste, qui tournera encore pendant longtemps dans vos mp3.
Mais c'était sans compter sur l'aspect bancal qui vient reprendre ses droits pour nous offrir un brûlot en dent de scie, et à cette réussite, succède un échec cuisant. « The Happening », plus calme et plus lente, ennuie profondément, manquant de patate et de refrain convenable. Guitares qui semblent avoir perdu de leur beauté, chant plat malgré les envolées, on reste surpris, sans véritable plaisir, ni trouver d'âme au titre. Peut-être que son placement après l'exquise « The Last March (We'll Meet Again) » joue dans l'échec de ce morceau vide d'âme et de consistance, que l'on oubliera tout de suite après l'écoute. Dommage que cette chute se produise si vite alors que l'enthousiasme était à son apogée …
Et des échecs, cette offrande en comporte, et des cuisants même, à la manière du deuxième titre, « Blood Stained History ». peu accrocheur et ennuyeux au possible. De plus, les lignes de chant sont particulièrement irritantes, et le tout s'oublie bien vite, une amnésie qui ne fait pas de mal, au final. Même remarque avec « My Glorious Burden », tellement passe-partout qu'elle ne peut être attrayante qu'en rôle de musique de fond, sans réel poids ou dynamisme qui permettrait à l'auditeur de s'arrêter dessus, de laisser voler les cheveux et de dire : « ça, c'est un bon titre ! ». Hélas, trois fois hélas, refrain aussi plat qu'une crêpe et couplet sans goût, ce n'est pas la meilleure équation pour la recette de la réussite.
L'apogée du mauvais goût est atteinte en arrivant sur « Oh Winter Morning », morceau trainant la patte malgré son semblant de vitesse et de folie. Cela dit, malgré cette façade, le fait que la piste ne parvienne pas à animer une once de joie prouve bien qu'il ne suffit pas d'aligner des guitares pour faire un titre satisfaisant. Les solos n'ont pas vraiment leur utilité et auraient pu être amputés de quelques secondes, cela n'aurait pas pu faire de mal. Mais le refrain, sans relief, enfonce encore plus la piste vers une noyade inévitable. Lorsque Gabriel pousse dans la sphère des aigus à la manière de Michele Luppi, c'est un peu le jeu du hasard. Parfois ça passe, parfois ça casse, et ici sera privilégiée la deuxième option.
Dans cet océan où se côtoient le bon et le médiocre, « As Fools We Dance » rejoint le groupe des titres présentant de l'intérêt. Parfait single pour le sextette, par un aspect bien plus direct et punchy qu'une bonne partie de ce qui a été proposé jusque là, mais également par sa durée, relativement intéressante pour avoir le temps d'exprimer une forme d'énergie sans trainer en longueur. Ici, le côté prenant est bien exploité, avec un refrain qui sait se faire remarquer. La guitare suit le chant, qui semble être maître de la mélodie, le clavier intervenant avec parcimonie mais apportant toujours une dose de lumière et de féérie, les instruments cavalant follement, correspondant bien au titre finalement, des passages pouvant nous évoquer les images de cette danse folle que dans laquelle les canadiens nous incitent à entrer. La batterie est cette fois bien audible, se taillant quand même sa part du gâteau.
Commune mais agréable, « Hymn For a Brighter Dawn » vous fera passer un bon moment. Mélangeant power et prog adroitement, en ne gardant du prog que la diversité mais conservant toute la jouissance d'un power metal bien exécuté, on regrettera qu'il n'existe pas de véritable envolée de la piste. Cependant, le manque est en grande partie comblée par un refrain habile et un passage plus atmosphérique avec présence de guitare acoustique, où le reste des instruments est bien plus discret, nous laissant pendant un court moment avec le chanteur.
Enfin, vient le moment d'achever l'assiette et pour cela, quoi de mieux qu'un met très copieux, avec une longue durée ? Le morceau éponyme, « Again Came the Storm », s'ouvre tout en douceur, la guitare acoustique délivrant quelques notes, accompagnée par Gabriel, dont le chant se fait bien plus doux et intimiste. Le constat est plutôt positif, l'homme parvient à s'en sortir dans ce registre qui lui sied bien, même si ses poussées sur les notes plus hautes restent parfois désagréables. Seulement, cette introduction s'étire, encore et encore, et devient trop longue, au point d'ennuyer et de donner la hâte d'entendre la suite, qui ne viendra que bien trop tardivement. Et niveau puissance, on ne franchira pas un gros cran, restant toujours un ton en dessous de la folie des guitares d'un « The Last March (We'll Meet Again) » qui part beaucoup mieux que cette piste éponyme trop longue et trop lassante. On attend le moment où le titre va décoller, s'élever à un niveau plus haut, mais rien n'y fait, l'ennui s'est déjà bien installé, couplé à la lassitude, pour atteindre un point d'orgue bien trop tardif, où des chœurs s'inviteront, camouflant totalement le chant du vocaliste s'égosillant pour se faire entendre. Pour une fin, on restera sur notre … faim, attendant sans jamais apercevoir une pointe de vigueur.
Côté production, son très clair et carré dans l'ensemble, qui met en valeur les différents éléments composant ce Again Came the Storm. Quelques erreurs viendront cependant se glisser dans le mixage, notamment la trop grande relégation de la basse et la batterie en arrière-plan, empêchant ainsi de pleinement profiter de leurs lignes, camouflées. Rattrapage en revanche sur le clavier, qui ne s'impose pas trop et sait se faire entendre lorsqu'il est nécessaire, finement joué.
Gabriel Langelier, tenant du micro de notre combo canadien, possède une voix très proche de celle de Michele Luppi (ex-Vision Divine), tant que ça en devient troublant parfois. Une idole, référence de notre vocaliste ? Probablement tant des similitudes viennent se glisser parfois, que ce soit dans la musique délivrée où dans les lignes de chant. Mais rendons à César ce qui est à César, Gabriel sait utiliser sa voix à bon escient, et exploitant ses vocaux avec intelligence à divers endroits, capable de transmettre de l'émotion, notamment dans les passages plus doux comme sur « Again Came the Storm ». Attention cependant aux montées, parfois douloureuses, pour le chanteur mais également pour les tympans.
Alors Icewind laisse légèrement mi-figue mi-raisin avec ce nouvel album. De bons moments, de bons éléments, voir très bons, qui s'entremêlent avec du fade, du vide et de l'ennui. Certains titres donnent vraiment envie d'aller plus loin, les autres provoquent le désir de s'arrêter immédiatement. Malgré des qualités évidentes, le résultat est en demi-teinte, et des détails vont devoir être travaillés pour l'opus suivant. Mais le potentiel présent de la formation peut donner confiance, la sortie sera guettée et attendue au tournant ! Pour les fans, une offrande qui vaut le coup d'oreille, les autres, eux, pourront aisément s'en passer.
Note finale : 6/10