Trois ans ce seront écoulés depuis The Connection, le dernier album en date des Papa Roach. Trois années passées à tourner intensivement, et à tenter d’établir une connexion, à proprement parler, avec leur public, de par le monde. Longtemps catalogués groupe neo metal (et un peu "à minettes", il faut le dire), nos quatre Californiens auront travaillé dur à échafauder un catalogue cohérent, des live shows dynamités et généreux, et à porter leur propos à maturation.
C’est la grande mode aux US en ce moment, que d’utiliser des mots plus ou moins banals du vocabulaire et de les transformer en acronymes leur conférant un tout autre sens que celui initial. Ainsi, les Papas nous invitent aujourd’hui à reconsidérer le mot « fear » (« la peur », en anglais) pour lui donner une issue bien plus optimiste et constructive : « face everything and rise » (« affrontes tout et élèves-toi »). Si le thème est tristement d’actualité par les temps qui courent, c’est ici à un niveau bien plus personnel qu’il faut le replacer. L’architecture musicale de Papa Roach, c'est : trois individualités qui se décarcassent pour porter haut les vicissitudes de leur frontman, Jacoby Shaddix. Torturé, excessif et paradoxal, le chanteur est, et a toujours été, en proie à une psychomachie permanente.
Désormais sobre, et père d’une famille soudée à nouveau, Jacoby a tiré moult conclusions de ses derniers tours d’ascenseur émotionnel, et F.E.A.R. illustre ce propos. Douze chansons aux allures d’hymnes de bataille, taillées pour exhorter le soldat moderne à se démener au quotidien, dans la jungle de la vie. Hard rock, voire metal, avec des pointes de pop-rock (dans les refrains ultra-accrocheurs), telle est la formule Papa Roach. Fis du phrasé rap-metal, qui avait pourtant marqué ses débuts (exception faite de la chanson « Gravity »), le groupe a quelque peu durcit son ton à cet égard, pour développer une musique bien plus punk rock que neo metal.
Si l’énergie et la hargne sont constamment présentes, certains ne pourront s’empêcher de reprocher néanmoins le côté un peu trop calibré des chansons qui composent F.E.A.R., notamment dans les refrains poppy et dans la courte durée des titres. « Never Have To Say Goodbye », par exemple, trop prévisible et par trop empreinte d’une naïveté typique US pourra agacer.
Au cours de notre entrevue (cf. notre interview, ici), Jerry (guitare) & Tony (batterie) nous évoquaient l’intronisation d’éléments synthétiques dans leur musique, et notamment leur parti-pris de laisser le synthé jouer les harmonisations & superpositions de guitare. Il en résulte un côté texturien dans le mur du son du groupe, et aucun doute que cela enrichisse leur musique de manière significative. Niveau guitare, l’auditeur amateur de 6-cordes se sentira peut-être un peu frustré, car moins de riffs béton constituent cette nouvelle fournée ; moins que de par le passé. La recherche en termes de son est cependant louable, notamment sur « Skeletons » ou encore « Gravity » et son son vintage dirty. Comme nous le disait Tony, la batterie a été composée puis enregistrée en dernier, ce qui inaugure une manière de faire différente : la notion de nuances et d’accents mis sur les hauts-et-bas des émotions de Jacoby prévaut ici, et la musique gagne en intensité. En plus de s'en voir dotée d’une approche plus live, punk, impulsive.
Coup de cœur pour les morceaux : « Devil », son groove redoutable basse-batterie, sa progression harmonique dramaturgique, et où le chant de Jacoby se fait déchirant ; « Broken As Me », véritable tube dans la plus pure tradition Papa Roach ; « Gravity » traitant des infidélités de Jacoby, avec en guest la géniale Maria Brinks des compatriotes d’In This Moment, pour un duo émouvant d’intensité.
F.E.A.R. remplit sa charte de qualité habituelle, en reproduisant son mélange patenté de punk rock à la Greenday du metal, croisé du pathos d’un Him, sans trop de surprises ou de risques pris, ce qui blasera éventuellement certains auditeurs. Calibrée et savamment taillée, la recette est efficace. Mais diantre ! N’y a-t-il que cela dans Papa Roach ? Et la réponse est : bien-sûr que non ! Les titres composant F.E.A.R. se laissent écouter tout seuls, certes, mais il y a une dimension sur laquelle un groupe ne peut décemment pas mentir ou jouer la comédie : la trame lyrique et émotionnelle de sa musique. Chez Papa Roach, l’introspection amène toujours à des conclusions sur la vie, les sentiments, et à cette quête permanente du bien à travers le mal et la souffrance. Nombreux sont ceux qui s’identifieront, une fois de plus, à ce tourbillon d’émotions, et y trouveront une expression honnête de leur psyché. Et rien que pour cela, chapeau.
Liens Utiles :
Le site internet officiel de Papa Roach