Un joyeux bordel
Celui-ci se faisait quelque peu attendre. Un temps annoncé pour fin 2014, c'est finalement en ce mois de janvier 2015 que le second opus de Subterranean Masquerade voit le jour sous le nom de The Grand Bazaar, presque dix ans après le déjà prometteur Suspended Animation Dreams. C'est le label Taklit Music qui permet cette sortie offerte par un groupe quelque peu remanié et enrichi dans son line-up depuis sa première livrée...
Subterranean Masquerade est en effet un véritable groupe international réunissant en son sein israéliens, américain et norvégien. Chapeauté par son guitariste fondateur et compositeur Tomer Pink, c'est désormais sept membres qui forment ce groupe avec comme seul acolyte des bases du combo l'américain Paul Kuhr (Novembers Doom) au chant extrême. Tomer s'entoure ainsi de trois de ses compatriotes, dont Matan Shmuely batteur de Orphaned Land, mais aussi du dernier arrivé (et pas encore sur les photos promos) chanteur clean masculain de Tristania, Kjettil Nordhus, offrant ainsi une perspective encore plus mélodique à une formation qui savait déjà auparavant jouer avec ses nuances.
Ce line-up cosmopolite et renforcé permet à la musique de Subterranean Masquerade de gagner en profondeur et d'aller plus loin dans ses influences toujours aussi progressives, jazz, psychédéliques et avant-gardistes ; celles-ci en effet se folklorisent et orientalisent un peu plus. Parfois même le tout s'imbrique parfaitement, comme le prouvent l'entame "Early Morning Mantra" (forcément très Orphaned Land mais allant jusqu'à des délires rappelant nos formations nationales que sont Carnival in Coal ou 6:33 pour ne citer que celles-ci) et la conclusion très alambiquée "Father and Son". Or, si ce dernier morceau s'avère assez complexe et parfois un peu tiré par les cheveux, le reste de l'album se veut assez facile d'écoute malgré ses richesses et sa diversité.
La force de ce The Great Bazaar résidant très certainement en la puissance de ses mélodies, Kjettil amenant de sa voix posée une subtilité quasi pop à certains morceaux, avec en tête ce "Blanket of Longing" aux reflets Coldplay par instants. Et comment résister au single "Reliving the Feeling" et son refrain accrocheur à la douceur incarnée ? Il en va de même avec ce "Tour Diary" émotionnel qui reste en tête, très calme certes mais pourtant les vocaux death de Paul sont là et s'inscrivent presque naturellement comme une certitude à un ensemble fort bien construit.
Très peu de choses à reprocher à ce disque donc, si ce n'est ses quelques largesses qui peuvent parfois amener à une très légère lassitude. L'instrumentale plutôt jazz folk "Nigen" est bien écrite mais semble quelque peu de trop, cassant le rythme d'une entame assez savoureuse. La conclusion "Father and Son", sur laquelle apparait Kobi Farhi (chanteur d'Orphaned Land), offre son lot de bons moments mais parait parfois un poil bancale dans sa structure très prog rock mais manquant d'un petit je-ne-sais quoi pour décoller jusqu'à sa fin assez brutale amenant une outro piano qui aurait pu être mieux intégrée. Quant à "Specter", elle est très accrocheuse malgré sa fin un peu étirée, le problème étant plus ici une référence un peu trop marquante à Orphaned Land certes (décidément !) mais aussi et surtout à Therion, certains passages rappelant grossièrement la période Theli du groupe phare de la scène gothique suédoise. Rien de bien important mais des détails à relever tout de même, tout en les minimisant tant l'ensemble est de très haut niveau.
Ainsi Subterranean Masquerade conquiert notre âme avec se second LP des plus réussi, au son des plus soigné (merci Dan Swanö). Nous ne sommes pas loin d'un chef d'oeuvre du genre, ces quelques légers moments moins avenants nous empêchent de l'élever en tant que tel mais l'essentiel est assuré : le combo international porte haut les couleurs d'une musique riche et sans frontières qui devrait ainsi toucher un public assez large malgré la complexité de son approche. Pas si bordélique que celà, ce grand bazar !