Skeptical Minds – Skepticalized

Dans l'univers du metal à chanteuse, aujourd'hui vaste, large, et tellement peuplé, les groupes s'étouffent tant la masse est importante et le talent est désormais facultatif pour sortir du lot. Trop de formations de seconde zone engluent le milieu, le bourrant de clichés et présentant généralement comme seul intérêt le physique avantageux d'une chanteuse mise en avant pour espérer faire décoller leur popularité et les ventes de leurs disques. Dur de percer avec des conditions pareilles, l'ampleur du phénomène a provoqué comme premier réflexe de zapper directement le premier groupe peu connu à voix féminine. Et pourtant, avec un tel geste, le risque de passer à côté de réelles bonnes découvertes (citons Diabulus In Musica, Heonia, Ancient Bards, Ansoticca, Aperion, j'en passe et des meilleurs) est trop important. Or donc, voici les belges de Skeptical Minds, combo ayant déjà 8 années d'expérience derrière eux, et, en cette année 2010, délivrant un nouvel opus, baptisé Skepticalized, Après une demo, un album en 2005 et un EP, comment se porte la musique des bruxellois ? Le mélange entre electro et metal, qui fait leur caractéristique principale, est-il toujours d'actualité, où les sirènes du conformisme ont-elles sonnées aux oreilles de notre quintet du plat pays ?


Rassurez-vous, chers amateurs de moule frite, ici, point d'accès à une facilité qui pourrait mettre en péril deux valeurs essentielles dont nous font preuve nos belges : le talent et la personnalité. Au gré de leur metal teinté d'electro, de nombreuses ambiances, des atmosphères diversifiées et de forts sentiments viendront vous prendre aux tripes, ne vous quitteront plus jusqu'à ce que vous soyez … skepticalizés !


Et dès l'introduction, intitulée « Haman », ce qui est à venir s'annonce ! Introduction ? La question est ici à se poser, car en guise de mise en bouche, c'est d'abord une courte mise en confiance qui s'opère, quelques sons électroniques s'invitant ici et là, pour laisser place à une grosse guitare, bien massive et imposante, riffs puissants à l'appui. Le genre d'intro qui font rêver, n'est-ce pas ? Et c'est l'occasion pour découvrir le timbre de la nouvelle venue, la polonaise Karolina Pacan, avec laquelle le premier contact s'avère très bon. Le tout se fait sur fond d'ambiances orientales, suivies par les lignes de chant dans cette lignée, et se superposent froideur et émotion.


En parlant d'ambiance, voilà un art parfaitement maîtrisé par le quintette, qui sait mettre à profit les éléments d'electro-indus pour plonger l'auditeur dans des univers différents mais toujours savoureux. Dégustez l'exquise « Broken Dolls », un véritable joyau, dont le terme de chef d'œuvre colle presque à la peau tant elle est appréciable à l'écoute. Présentation au commencement des violoncelles d'Arkancelli, qui accomplissent un travail tout à fait remarquable, accompagnés de la violoncelliste du groupe, Cat, une originalité supplémentaire à la musique des bruxellois. Une multitude de paysages musicaux se dessineront au travers de la piste, entre les moments où l'electro se fait dominante, ceux où l'on aperçoit l'apparition d'une belle guitare acoustique, les instants où la belle Karolina se fait plus douce et plus intimiste, ou au contraire, lorsqu'elle puise dans ses ressources pour insuffler de l'énergie, les passages atmosphériques, les bons gros riffs, tout est à foison et il faudrait rédiger une dissertation aussi longue que la constitution des Etats-Unis pour décrire avec le plus de détails possible un morceau aussi beau. Voilà également un signe de l'identité profonde de ce combo, qui ne ressemble vraiment à aucun autre, gagnant encore des points sur la scène metal à chanteuse, les atouts qui permettent à Skeptical Minds de se démarquer du lot sont à chaque instant présents.


Intimité, délicatesse et volupté, trois adjectifs qui sauront peindre le portrait d'« Inertia », moins puissante, certes, mais à la douceur rafraichissante. Des paroles torturées, parlant de psychologie humaine, drôle de coïncidence avec un titre enclin à procurer beaucoup de sensations, de part un rythme plus lent, avec quelques solos intéressants cependant, révélant de surcroît les influences hard rock de Mich, le guitariste. Les parties industrielles sont plus absentes, révélant un peu plus le son des instruments, s'emparant de la part du lion. La demoiselle à la voix suave et angélique chante avec cœur et ajoute au vocabulaire du dictionnaire des esprits sceptiques le mot beauté, qui, ne vous méprenez-pas, n'est nullement absent.


Dans un registre calme et posé, accueillons sous les ovations « Command Me », qui débute doucement, avec une belle mélodie, dénuée de tout metal en revanche, ne voyant pas la guitare pointer le bout de son manche, la place étant faite à la part d'electro et à la voix qui forment un duo qui, pour le coup, est extrêmement réussi. Voici l'assemblée plongée dans un charme profond, qui se prolonge sur une bonne partie du titre. Ce n'est que tardivement que le premier signe d'énergie parviendra à nos oreilles, brisant la coquille de douceur et l'atmosphère paisible Et non, petits malins, ce n'est pas par la violence d'un quelconque riff que la fêlure commencera, mais par la voix, changeant de ton, doublée pour le coup, se faisant plus incisive et beaucoup plus variée, évoluant désormais sur un autre ton. Sans être agressive, elle joue plus d'un aspect sombre, comme si la lumière s'éteignait.


Mystérieuses sont les pistes « Don't Wake Up » et « Skepticalized ». La première a surtout une fonction, c'est celle d'introduire la seconde, en nous installant bien confortablement dans le petit monde concentré par ces deux titres. Malheureusement, c'est là que les choses se gâtent. Non pas que nos deux morceaux soient mauvais, loin de là, mais ils manquent d'une mélodie particulièrement marquante, qui attire, et que l'on retiendra de longues heures durant. Du coup, ils s'écoutent sans vraiment y prêter attention, les entendre mais simplement d'une oreille distraite, quel dommage ! D'autant plus que sans le minuteur sous les yeux, il n'est pas aisé de constater que l'on est passé d'un titre à l'autre. Ils s'emboîtent certes bien, mais peut-être un peu trop bien, tant qu'il est dur de les différencier.


Si vous privilégiez plutôt les morceaux possédant des lignes de chant exquises, ayant la capacité de se faufiler dans un creux de votre mémoire pour ne plus en déloger, point de panique, la solution est déjà toute trouvée. Laquelle ? Elle se nomme « No Way Out », et possède une parure à l'allure de single potentiel, tant elle est tubesque ! Puissance, riffs, sons éléctros qui se font plus incisifs et tranchants que jamais, mixés à la perfection avec les éléments metal, créant de cette manière une fusion complète et rondement menée entre les deux. De plus, Karolina réussit à s'illustrer avec talent et brio sur moult plans vocaux, entre voix plus douce et fragile et montée dans la force, capable de s'adapter aux différentes situations qui lui sont présentées. Tel un caméléon qui se fond dans le décor, la jeune chanteuse se fond dans chaque moule.


Cependant, « Someone New » possède aussi ses atouts, emmenant vraiment la vocaliste du combo dans des univers différents, comme pour lui permettre de mettre à profit les multiples facettes de sa voix et de nous prouver ses capacités au fur et à mesure des passages qui constitueront la piste. Lorsqu'ils se révèlent plutôt atmosphériques comme au début, le masque de la volupté apparaît, adoucissant l'ambiance. Au contraire, lorsque le morceau se fait plus fort, le chant décolle avec conviction et justesse, sans jamais en faire trop.


Si vous avez envie de vous plonger dans des moments plus sombres et intenses, « Don't Tell » et « My Love » sont appropriés pour jouer ce rôle. Misant beaucoup sur l'ambiance, mise en place très fortement par les touches electro, qui se diffusent avec habileté, les instruments ne sont pas pour autant mis de côté, apportant leur touche également. Et sans oublier, bien évidemment, le chant, qui prend une grande part dans la réussite, la voix s'accordant à merveille. Riffs bien aiguisés à l'appui, surtout sur « My Love », gagnant en énergie, sans pour en oublier, comme pour autant d'autres titres, un passage d'accalmie. Pourtant, impossible de reprocher à Skeptical Minds de répéter sans cesse le même schéma tant les morceaux sont sujets à la diversité, une qualité de plus !


Pour finir l'opus, un titre calme. Rassurez-vous, ce n'est pas une ballade, ou du moins pas vraiment. Plutôt une mid-tempo, on va dire, un titre sur lequel il ne faut pas attendre de grandes envolées et une fanfare tonitruante qui vous fera danser. Ici, optez plus pour le côté émotionnel, très sollicité, notamment par les vocaux. Une bonne conclusion, qui nous fera quitter l'ensemble sur une note très positive.


Au niveau de la production, si le premier album Rent to Kill ne respectait qu'à moitié le cahier des charges sur ce point, les belges se sont bien ressaisis avec Skepticalized qui délivre un son adroitement clair et précis. Surtout que mixer electro et metal n'étant pas spécialement chose aisée, ce dont on se rendait compte sur le brûlot précédent, force est de constater qu'ici, la mixture à été savamment dosée, et la recette suivie scrupuleusement. Une bonne chose, plaçant chaque élément à sa place.


La nouvelle chanteuse, Karolina Pacan, est réellement une recrue de choix. Elle est ce que l'on pourrait qualifier de beauté froide, son chant semblant parfois distant et froid mais insufflant malgré cela une dose d'émotion non-négligeable. Modulant sa voix à de nombreux points, elle sait se faire puissante, fragile, douce, apaisante, inquiétante sans aucun problème. Son étendue vocale la place définitivement comme l'une des meilleures chanteuses du milieu.


Concluons en disant que sans l'ombre d'un doute, Skepticalized est l'un des incontournables de cette année 2010. Des titres excellents, une chanteuse à la voix d'une grande beauté, une production talonnant les plus grands, il n'y a que très peu de points sur lesquels le combo belge peut rougir tant on peut clairement parler de réussite. Et si le quintette vient à gagner encore en qualité dans les années à venir, imaginez la marge de progrès qui s'annonce. Skeptical Minds, un groupe à l'identité affirmée, se démarquant de loin, et à savourer !


 


Note finale
: 9/10

Myspace de Skeptical Minds



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