Un samedi soir sur la Terre, ainsi le chantait Francis Cabrel au temps béni où selon lui "c'était mieux avant". Le poète à moustache se serait-il pour autant trompé ? S'il avait pu imaginer qu'un samedi soir de décembre, à Vauréal, dans le Val d'Oise, le groupe français Dagoba se tenait prêt à déchirer les cieux en marge de son Poseidon Tour, aurait-il revu son jugement ? Certainement pas, nous imaginons mal ici le chansonnier s'extasier devant un évènement réunissant le fleuron du metal moderne français, sachant qu'en plus les amis de Zuul FX son présents en première partie.
De quoi affoler les chaumières et les compteurs, puisque c'est un Forum particulièrement bien rempli qui s'ouvre à nous sur le coup de 20h30. La moyenne d'âge à l'entrée doit péniblement dépasser les 18 ans, et c'est en vieux briscards que nous pénétrons les lieux. Trainayant quelque peu au comptoir, nous ratons légèrement les débuts du premier groupe, nouveaux venus sur la scène locale...
Inutile de vous dire qu'il s'agit là d'une découverte. Quatuor formé autour d'un batteur et d'un trio voix (+ guitares et basse), c'est à une prestation assez audacieuse que nous assistons plutôt en retrait au fond de la salle (bien aidés cependant par les écrans géants). Les trois chants ont certes chacun leur personnalité et s'entremêlent avec un certain brio, mais la sauce semble avoir du mal à prendre à ce niveau. Il faut dire que nous sommes ici en présence d'un style post-hardcore/math rock assez difficile d'accès et aux rythmes saccadés parfois hypnotisants... mais aussi rébarbatifs, par défaut ! Même si, quelques moments à la Kylesa viennent tutoyer nos oreilles...
Bien qu'il soit difficile d'entrer dans l'ambiance, nous remarquons tout de même l'aisance technique d'un batteur qui porte les changements de tempo sur ses solides épaules et le chant habité dans les aigus d'un des deux guitaristes. 30 minutes environ de prestation qui s'achèveront sur "New Colours, New Shapes" extrait du dernier EP et qui verra l'apparition en guest d'un autre chanteur sorti de nulle part et s'égosillant jusqu'aux tripes (avec une certaine aisance il faut bien l'avouer).
Difficile d'être conquis en si peu de temps. Branson Hollis est un groupe à revoir avec plus de recul malgré tout, il pourrait bien s'agir là d'une jeune formation à suivre.
Les choses sérieuses commencent avec Zuul FX, combo local (originaire de Pontoise) déjà bien connu y compris au-delà de nos frontières et aux deux premiers albums déjà salués par bon nombre de fans ou de critiques. Passés par la case La Housse à Gratte il y a de cela quelques années, c'est avec plaisir que nous les redécouvrons ici sur scène visiblement en pleine forme et avec un public déjà dans la poche.
Non, le quartet ne vient pas en inconnu, les fans semblent déjà bien connaître leur répertoire et entament sans attendre avec eux le tube "Bring the Light" (ouverture du premier album By the Cross sorti en 2005), véritable tempête en guise d'entrée en matière. Les paroles étant facile à ressortir et à crier sans perte d'influs, les premiers rangs ne se privent pas pour accompagner l'ambiance alors qu'en retrait la folie des pogos ou autres circle pits commencent à s'élever.
La setlist ne se contentera pas de mélanger les titres des deux albums déjà sortis puisque Zuul FX profite de l'occasion pour noud présenter deux morceaux inédit à paraître sur le 3ème opus. Celui-ci, qui sortira d'ailleurs en mars et portera le doux nom de The Torture Never Stops, se voit d'ores et déjà brillamment mis à l'honneur par les titres "Beat the Crap Out" et surtout un "The Maze" qui s'annonce d'ores et déjà comme un incontournable d'accroche et de violence. Le nouveau batteur du groupe, prénommé Clément, sera d'ailleurs présenté à la foule suite à ce morceau.
Vous l'avez compris, Zuul FX ne fait pas dans la poésie, aussi bien au niveau des paroles que dans l'énergie dégagée, à l'image de son chanteur Steeve Petit (alias Zuul) au headbang communicatif et à la bonne humeur inaltérable. Le bassiste Shag, sourire constant aux lèvres, et le guitariste Karim, féroce à souhait sur ses cordes, ne faisant que renforcer cette brillante prestation autour d'un petit nouveau visiblement déjà bien à l'aise derrière ses fûts.
Quelques "Cabal" et "Fuck Them All" remporteront la palme du bon gros bourrin qui fait plaisir jusqu'à l'explosive conclusion "I 8 U", reprise en choeur par la moitié de la salle et ponctuée d'un stage diving de notre frontman. "We love you" s'écrie-t-il après nous avoir déversé toute sa haine (métaphorique)... ça tombe bien, nous aussi, tant est si bien que nous n'avons pas vu passer les quelques 40 minutes du set.
Setlist :
- Bring the Light
- Fight for the Cause
- Hate Me Bastard
- Beat the Crap Out (New Song)
- Cabal
- Fuck Them All
- The Maze (New Song)
- Here Is Pure Hatred
- I 8 U
On ne présente plus la formation marseillaise, désormais fer de lance du metal français aux côtés de Gojira après le succès commercial mais aussi esthétique de leur nouvel album Poseidon paru il y a quelques semaines. C'est devant une salle bouillonante et largement acquise à sa cause que Dagoba s'apprête à distiller ses quelques notes de violence.
Du gros son, très gros son même, jouissant d'un mixage plus que correct dans une salle qui sait décidément nous offrir un très bon confort à ce niveau. Francky Constanza débute ainsi les hostilités derrière sa batterie, apparaissant en premier lors de l'introduction et invectivant les irréductibles du groupe parsemés aux quatre coins du Forum.
La banane : les 4 sudistes ne sont pas ici contraints et forcés, cela se voit du premier coup d'oeil. Izakar à la guitare s'amuse à lancer sourire sur sourire, lui pourtant assez discret et sérieux d'habitude, tandis que Werther le bassiste plaisante même avec quelques fans au premier rang. Esprit de fête et de folie régnant sur Vauréal, le show démarre sur les chapeaux de roue et rien ne pourra arrêter les petits jeux metallesques dans la fosse.
Shawter décide d'envoyer une purée vocale à la fois précise et brutale, assurant les variations en chant clair de manière parfaite du début à la fin : voilà ce qui s'appelle "être en voix". Les morceaux du nouvel album sont ainsi parfaitement mis à l'honneur et passent encore mieux dans les conditions live que sur CD. Le single "Black Smokers" déchaîne les passions, "Degree Zero" surprend par son atmosphère très épurée, "I Sea Red" nous permet un beau chant collectif sur un refrain foncièrement facile, tandis que la très demandée "Waves of Doom" contente la galerie et alimente les mouvements d'un public survolté.
Notre frontman ne se laisse pas dépasser par les évènements et contrôle littéralement son auditoire, menant à la baguette les quelques dizaines (centaines ?) de personnes en circle pits ou autres walls of death dont votre serviteur ira goûter les prémices plus d'une fois dans la soirée. Se sortir indemne de tels moments rend encore et toujours plus fort, d'autant plus que la camaraderie du public local a été à la hauteur de sa brutalité conviviale... bien plus respectueux qu'un concert dans Paris intra-muros, il faut le souligner.
Evidemment, l'attraction numéro un d'un concert de Dagoba reste pour beaucoup le batteur, un Francky toujours aussi puissant et technique qui ne dévie pas un seul instant de son rythme de croisière, tout en se permettant quelques facéties avec ses fans - choses rares pour un batteur. Nous passerons sur le petit solo volontairement "ridicule" car demandé à l'improviste par un motivé du premier rang, le sieur Constanza s'amusant ici avec ironie en effectuant une petite pirouette. Car oui, il aurait pu se lâcher, mais le timing du show semblait réglé au milimètre.
Au final, un spectacle certes sans grande surprise avec une setlist inchangée tout au long de la tournée, même si marquée évidemment par un enchaînement de tubes bien choisis ; entre "The Man You're Not" et le tube ultime "The Things Within", n'oubliant pas de revenir aux bases avec l'excellent "Maniak" sans oublier l'extrêmisme pur et dur d'un "It's All About Time" qui prend une autre dimension en concert. On notera la quasi impasse faite sur l'album Face the Colossus (puisque seule "The Nighfall and All Its Mistake" viendra l'illustrer), semble-t-il quelque peu renié (ou simplement mis de côté) par le groupe, et la part belle faite à ce qui reste probablement leur meilleur album à ce jour : What Hell Is About.
Sans grande fioriture mais avec un professionnalisme et une joie de jouer totamement envoûtante, voilà comment nous pouvons résumer la prestation Dagobesque en cette soirée de décembre. Et ce n'est pas l'accent marseillais de ses membres qui aura choqué un public pourtant bien francilien, comme quoi la France entière du metal sait se réunir et fédérer son énergie devant une valeure sûr de la scène nationale et désormais mondiale.
Setlist :
- Intro
- There's Blood Offshore
- The Man You're Not
- The Nightfall and All Its Mistakes
- Black Smokers (752° Farenheit)
- The Fall of Men
- It's All About Time
- Degree Zero
- Waves of Doom
- Livin' Dead
- I Sea Red
- Maniak
- The Things Within
- The White Guy (Suicide)
Longue vie à Dagoba ! Minuit dépassé allègrement, nous allons braver le froid, et terminer la nuit gaiement au-delà de toute joie. Oh, si j'en fais trop avec ma poésie prosaïque, il faut m'arrêter et vite hein ! Je vous laisse donc avec un petit mot pour la fin :
Metal is the law...
... and thank you for the show!
Dagoba sur La Grosse Radio
Chronique de l'album Poseidon
Interview de Dagoba au Hellfest 2010 (Podcast)