L'élégance faite metal
Europe revient avec un nouvel album sous le bras. Moins blues rock que le précédent, War of Kings lorgne plus vers l'influence de Deep Purple et Uriah Heep, avec notamment une présence accrue de claviers, sans rapport avec ceux de The Final Countdown. Suivant son propre chemin et n'écoutant que lui, Europe s'éclate à naviguer dans les méandres du metal sans perdre de vue la pertinence de son propos. Un album mûr et intelligent.
La classe n'a pas toujours été une donnée obligatoire dans le monde du metal, voire du rock en général. L'attitude décadente a souvent permis à des artistes de briller, comme Iggy Pop ou Axl Rose. Cependant, des groupes tels que Thin Lizzy ou Deep Purple ont réussi à nuancer leur propos et inclure dans leur tornade sonore une certaine élégance dans leur démarche. Ils sont ainsi sortis du lot à leur manière, sans sentir nécessaire de tout pousser à fond.
Europe s'inspire de l'attitude et de la musique de ces artistes pour donner naissance à War of Kings, son dixième album et cinquième depuis sa renaissance salutaire. Difficile de croire qu'on peut passer d'un album comme Out of this World, dégoulinant de rimel et plein à craquer de singles datés, à War of Kings, à la fois majestueux et nuancé.
Pourtant, Europe n'a cessé de changer depuis sa reformation. Passant du hard rock mélodique de Secret Society au heavy metal épique de Last Look at Eden pour ensuite virer au blues rock sur Bag of Bones, les Suédois n'en font qu'à leur tête. Mais ils le font bien. Dès "War of Kings", qui ouvre ce nouvel album, le tableau est dressé : riff simple et massif, orgue hammond en avant, rythmique mid-tempo bien sentie et envolées vocales en retenue, le groupe aurait pu en rester là et jouer la sécurité.
Mais Europe a décidé de varier son propos. Il s'énerve sur "Hole in my Pocket", ressort son feeling blues sur "Praise You", fait voyager l'auditeur outre-Atlantique sur "California 405" ou vers des contrées inconnues sur "Rainbow Bridge" et s'exerce même au boogie à sa sauce sur "Days of Rock n'Roll". Ces ambiances sont liées par l'élégance qui parcourt l'ensemble de War of Kings. Le groupe arrive même à rester classe sur la ballade mélancolique "Angels with Broken Hearts", interprétée avec pudeur et retenue.
Sur l'interprétation, justement, les musiciens s'éclatent. La rythmique de Ian Haugland et John Levén est solide comme un rock et permet à Mic Micheli de s'éclater avec son hammond, plus en avant que sur les autres albums du groupe depuis la reformation. John Norum ne perd pas son feeling à la guitare et s'éclate avec des riffs efficaces et des solos où la mélodie prime et ne se perd jamais dans la démonstration, même dans l'instrumental final "Vasastan". Au chant, Joey Tempest brille toujours autant dans les médiums et module à merveille pour interpréter au mieux ses paroles.
Résultat d'un travail de groupe mûr et réfléchi, War of Kings montre un groupe toujours aussi inspiré et plus que jamais décidé à suivre son propre chemin. Avec un disque à la fois riche et cohérent, Europe montre qu'il sait ce qu'il fait, en suivant son idée et se pare d'un son qui ne fait qu'amplifier le propos. Un disque classe et spontané à la fois, comme on n'en fait plus.