Retour dans le petit monde étriqué du metal « gothique », étiquette qui est collée à chaque groupe tant qu'au micro, il comporte une chanteuse, d'Eths à Arch Enemy (qui n'ont rien de gothique, il faut bien se le dire !). Et les français ne sont pas exclus de cette scène non plus, bien heureusement, avec quelques petits groupes qui, par-ci par-là, se font une petite base de fans. Penumbra avait trouvé son style dans le beauty & the beast, l'alternance chant féminin/chant masculin sur ambiances sombres, à l'instar des vieux Theatre of Tragedy, avait obtenu sa popularité. D'autres, à l'aide d'un clavier, tendent à diffuser des ambiances très atmosphériques et éthérées, s'appuyant souvent sur un contraste avec la douceur et la force. Akentra est de ces groupes, l'EP IV.IV.IV faisait entrevoir un bien beau potentiel. Et là, avec le visuel de l'album Asleep, paru en fin d'année 2010, on se dit que quelque chose à changé, la différence étant conséquente entre les deux artworks. De plus, le groupe a été délesté de son clavier. Mais après tout, pourquoi pas, la qualité n'en est peut-être pas affectée ! Alors un seul moyen de le savoir, écouter l'opus !
Changement ou non ? C'est la grande interrogation qui se pose avant de se lancer dans l'écoute. Bien sûr, cela peut être tout à fait positif, mais négatif également, c'est un risque à courir. Sans plus de cérémonies, il est temps d'enfoncer ce brûlot dans votre lecteur, de lancer l'écoute et d'apprécier les 12 morceaux qui constituent Asleep.
L'écoute du premier morceau, « Alive », confirme bien l'impression qui s'est tissée après la vue du visuel et le constat de l'absence de claviériste. Fini le metal dit « gothique », place à une musique plus mélodique, assez catchy, où les refrains sont composés sur le modèle du tube et où les guitares sont placées bien en avant, pour insuffler du punch. Le morceau n'est pas des plus originaux, et pourra rappeler Kells dans les riffs, mais il se révèle efficace et prenant. Une bonne pièce au niveau de l'ouverture qui annonce la couleur quant à ce qui va suivre sur le long. Se pose seulement le problème de la lassitude des même plans. Compte-t-on uniquement des réussites ?
Malheureusement, quelques morceaux sont des échecs cuisants alors qu'ils tentent de se faire accrocheurs et de se greffer dans votre esprit pour faire retentir leur refrain. « Daddy » n'obtient pas ce succès, les lignes de chant s'étirent autant que le morceau, sur la durée, lasse rapidement. Arrivé à la moitié du titre, on semble déjà avoir fait le tour de la question et la lassitude pousse à zapper pour passer à la suite le plus vite possible. Dommage car la recette était bien appliquée sur la piste d'ouverture, mais cette fois-ci, la levure a faire gonfler son refrain n'a pas été incorporée. Du coup, ça ne prend pas et on reste sans décollage.
Le constat est plus clément avec l'énergique « Gimme Your Gun » qui permet de prendre son pied sur un titre attachant et, même s'il n'est pas spécialement inventif, possède une bonne dose de fraicheur et de charisme, ce qui redresse la barre. Le refrain ne se démarque pas tant des refrains, les guitares étant plus en retrait, et pourtant ça fonctionne bel et bien, le tourbillon emporte l'auditeur. La voix de Lucia Ferreira est, de ce fait, bien mise en valeur, cette dernière chantant avec justesse et s'imprégnant parfaitement aux ambiances développées sur les morceaux.
La ballade, exercice très classique, n'est pas en reste et voici que se dresse « Alone » pour sa dose de slow musclé aux guitares. Sauf que là encore, on se heurte au mur de l'indifférence. Il aurait été profitable de bénéficier d'un titre moins banal et un peu plus créatif tant ce genre de morceaux étant entendu des milliers de fois. Si la chanteuse s'en tire très bien, on ne peut pas en dire autant de la faible section instrumentale qui ne contribue pas à garder une pointe d'attrait dans l'ensemble. Malgré la présence de riffs à divers endroits, la mayonnaise ne prend pas et le tout manque cruellement de quelque chose d'un peu corsé. Oui, une ballade ça s'agrémente tout de même.
Et cet accompagnement manquant, le quintette va le trouver sur la seconde ballade de la galette, baptisée « My Left Foot ». Et ici, la voix de la frontwoman est accompagnée à la guitare acoustique qui rajoute une touche d'ambiance fort agréable et pardonne immédiatement à Akentra le faux pas commis avec « Alone ». De plus, la vocaliste use bien plus d'émotions et tout passe très bien, son chant donnant une belle saveur à la pièce. Profitez-donc de ce morceau si vous avez besoin d'un peu de légèreté, de vous évader quelques minutes et de vous laisser bercer.
Niveau des solos, ils sont vraiment peu présents. « Do My Best » en est légèrement parsemé, mais pendant une durée courte et pas extrêmement recherché. Mais ce soucis technique passé, il faut bien reconnaître que le morceau a de l'attrait et sait se faire retenir, par son côté pop assez délicat, même si tombant assez facilement dans le mainstream. Mais de bonne facture, néanmoins. Côté refrain, sans être à tomber par terre, ce-dernier reste suffisant pour pouvoir apprécier le moment qui nous est offert.
Mais dans le côté tubesque, nos français s'y connaissent et savent nous offrir des titres au goût sucré. Un fort côté pop/rock se dégage de « Just Close Your Eyes » qui reste toujours dans la sphère du metal, de quoi rassurer ceux qui seraient effrayés par cette proximité. On retrouve dans la piste des faux airs de … Superbus, rien que ça ! Le refrain a des petits relents et pourtant, l'effet est immédiat ! Le chant de Lucia se fait à la fois cristallin et plonge dans l'émotion, avec une touche aérienne qui est fort bien amenée. Des sonorités electro discrètes mais appréciables sont audibles également, et la rythmique est assez dansante, les guitares sachant également s'affuter lorsqu'elles doivent le faire. Probablement l'un des morceaux qui marquera le plus dans l'opus, par ses lignes cadrées pour ne pas s'oublier et ce penchant agréable qui domine totalement. Un succès, assurément, dont vous conserverez la mélodie encore quelques temps.
Il en va de même avec « New Game » et son refrain outrageusement percutant, qui en fera s'agiter plus d'un(e)s ! Le couplet est déjà une introduction préalable au point d'orgue, qui se révèle intéressante avec sa structure et son rythme assez mécanique sans paraître froid. Le chant de Lucia vient s'occuper du reste pour conquérir la foule, succès garanti. Un exemple type d'un morceau qui, sans remuer les carcans du genre, sait se faire sa place par une bonne dose d'énergie et de bons ingrédients savamment dosés !
Au moment où Akentra fait des tentatives pour aller vers un côté plus sombre, plus mystérieux, le résultat se transforme en « Make Up ». Morceau beaucoup moins catchy et calibré que le reste de l'opus, il tente de faire rentrer dans l'ambiance se qui est partiellement réussi. Si la piste commence bien avec des couplets sympathiques et donnant envie de continuer, une fois arrivé au refrain, le décollage tant escompté n'attends pas et le coche est manqué. D'autant plus que les distorsions sur la voix de la jeune femme ne sont pas des plus utiles, bien qu'offrant une petite variation. Mais bon, le constat est loin d'être mauvais et si l'on ne détient pas une perle, le titre reste correct.
Même constat avec « Asleep » qui n'a pas une mélodie très simple à mémoriser, le passage plus calme arrivant comme un chien dans un jeu de quille et tranchant de ce fait avec la dynamique amorcée. La variation aurait pu être bienvenue si elle s'était trouvée moins tranchante et tempérant aussi vite les ardeurs. La première partie de la piste se révèle convenable, avec un refrain aux riffs neo qui, sans tout mettre par terre, s'offre l'avantage de pimenter un peu la sauce et de venir soutenir le refrain qui décolle et emporte l'adhésion.
« Twelve » et « Follow Me » sont plutôt bons, mais restent dans la moyenne du genre. Le passage instrumental sur « Follow Me » n'est pas particulièrement attrayant et ne donne pas une véritable idée du potentiel de la formation. Mais le refrain est une jolie réussite. Court mais efficace, avec une pointe d'enthousiasme qui donne un sourire jusqu'aux lèvres. En ce qui concerne « Twelve », les paroles qui semblent tirées du journal intime d'une adolescente plairont très certainement au grand public, et le refrain lui convaincra les sceptiques, tant on l'imagine bien le morceau joué sur scène et faire réagir positivement son auditoire. Terminer l'opus par une petite note de gaieté ne fait pas de mal, Akentra l'a bien compris.
Niveau production, les moyens ont été placés et voilà un son très clean et professionnel, pour des conditions optimales. Cependant, il aurait été plus judicieux de placer les guitares plus en avant dans le mixage pour insuffler une dose de vivacité. Résultat, il manque un poil de mordant. Mais l'efficacité des morceaux se charge de combler au mieux ce défaut mineur.
Lucia Ferreira, la vocaliste du groupe, a réellement une belle voix. Son timbre est très agréable et sait s'adapter aux multiples situations et atmosphères proposées tout au long de l'opus, sachant allier force, émotion et technique, évitant de ce fait de tomber dans le piège de la chanteuse démonstrative qui en oublie d'apporter quelque chose à l'auditeur. Pour le timbre, on pourra le rapprocher de chanteuses comme Cristina Scabbia (Lacuna Coil). Dommage cependant qu'il subsiste un léger manque de variation dans le chant de la vocaliste, mais ses nombreuses qualités font qu'elle livre une prestation globale rondement menée.
Un opus globalement en dent de scie, comportant de très bons moments, mais aussi d'autres qui ne resteront pas dans l'histoire du metal. Cependant, Asleep est un brûlot de bonne facture qui plaira à un grand nombre, et qui possède des qualités qui valent le coup d'être vues. Akentra confirme donc son talent, mais plus de recherche et d'originalité seraient les bienvenus pour pouvoir espérer à se démarquer du reste de la scène, et vu le nombre important de formations, il va falloir trouver le petit truc en plus ! Mais avec du temps et un peu plus de maturité, nul doute que notre quintette français le trouvera. Asleep, une galette qui vaut le coup d'être goûtée !
Note finale : 7/10