Les sorties d’albums chez Enslaved sont réglées comme du papier à musique et arrivent toujours à temps pour annoncer des tournées qui deviennent de plus en plus longues, nous permettant de les voir très régulièrement sur notre territoire que ce soit dans des salles obscures ou sur les scènes de nombreux festivals. Sur In Times, les morceaux sont longs, dépassant les huit minutes et le titre éponyme avoisine les onze minutes.
Et ça commence fort, le pied au plancher avec « Thurisaz Dreaming » où la voix de Grutle Kjellson est bien écorchée jusqu’au premier break qui apporte de la douceur avec celle de Herbrand Larsen caché derrière ses synthés. Première incartade dans le prog, chère aux Norvégiens sur In Times et ce même si le bassiste/chanteur s’en écorche la voix sur les arpèges bien ficelés qui s’ensuivent dans une ambiance guerrière (on pense ici à Primordial) sur des roulements de batterie de Cato Bekkevold tel un Tambour Major en première ligne qui emmènerai ses soldats au combat. Accélération, riff typiquement à la Enslaved, ralentissement, growl « grutlelien », chœur lointain. C’est un titre qui n’étonnera pas les fans de la dernière heure du groupe de Bergen.
« Building With Fire » commence sur un mid-tempo entraînant et simple qui nous laisse penser que le matraquage n’aura pas lieu. En effet, c’est la voix claire de Herbrand Larsen (Keyboards, Mellotron) qui vient nous bercer gentiment sur les premiers accords avant qu’un Grutle Kjellson lâche ses décibels sous forme d’un crachat bien noir. Les nappes de synthés tapissent le fond, apaisant le tout comme un tapis afghan dans un studio d’enregistrement. C’est beau, c’est calme, mais on s’y ennuie ferme. La structure du titre ne nous étonne plus tant Enslaved nous y a habitué depuis ces dernières années nous la recensant sans cesse, sauf peut-être la basse qui nous lance sur une plage musicale progressive et apaisante qui raviront les fans de King Crimson.
La pluie centenaire commence au début de « One Thousand Years of Rain » et ses sonorités hispanisantes avant que la déflagration ne déboule rapidement sur un rythme soutenu ponctué de growl et de voix claires. Le riff d’Ivar Bjørnson est très prenant, mémorisable dès les premières secondes. Personnellement le titre tient largement la route mais ce sont les voix claires et les chœurs masculins qui me gênent car elles prennent désormais trop le dessus sur les growls caractéristiques de Grutle qui donnaient une couleur si particulière à Enslaved. Et même si riffs/section rythmique sont toujours aussi imparables cela m’ennuie fermement désormais.
Il en sera de même dès l’entame de « Nauthir Bleeding » où la sagesse parle en premier. On a même l’impression que l’on doit faire un traitement spécial sur la voix de Grutle en y accentuant le côté écorché pour qu’on puisse la placer dans la structure complexe du morceau avant que le solo d’Arve Isdal arrive d’une façon majestueuse débordant de feeling.
« In Times », morceau le plus long de l’album et peut-être le plus ennuyeux avec ses 10 :45 « prend son temps » en nous passant son riff principal à l’infini dès le début pendant que la deuxième guitare se lance dans une improvisation d’un joli solo assez bluesy. Après la musique accroche, ça devient plus rugueux par des guitares plus agressives et par l’opposition des voix.
« Daylight » est plus hargneux mais assez commun pour le groupe, malgré un break que l’on pourrait classer dans le post-rock à la Isis ou Pelican donnant de l’aération vaporeuse qui ne colle pas obligatoirement à l’image des norvégiens.
In Times est l’album le plus calme (peut-on parler d’expérimental?) d’Enslaved, le plus introspectif ou le plus mûr, peut-être. Il demandera une adaptation pour certains, un rejet pour d’autres (dont je fais parti), mais peut-être une première accroche pour les nouveaux auditeurs qui ont envi de découvrir ce groupe singulier en découvrant la discographie dans le rétroviseur.
Lionel / Born 666
Photos Live : © 2015 Lionel /Born 666
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