Après 3 ans d'absence et une période de silence relativement longue, les américains de Benedictum sont enfin de retour ! Il faut dire que le quintette, qui entre 2008 et cette année s'est fait plutôt discret, avait été remarqué avec Seasons of Tragedy, le précédent et second opus du combo des États-Unis, non seulement comme étant un brûlot de heavy de grande qualité, mais également par sa chanteuse à la voix si particulière qu'aux premiers abords, personne n'aurait imaginé trouver une demoiselle à ce poste. Et donc, pour le plus grand bonheur des fans du groupe, du genre et de ceux qui ne connaissent pas encore la formation, voici le come-back des Benedictum. Février 2011, le combo est prêt à en découdre et voici Dominion sur le célèbre label italien Frontiers Records. Cela va de soi, ce genre de sortie est notée sur le calendrier des fans qui cochent chaque jour une case pour qu'enfin le jour tant attendu soit là et qu'ils puissent serrer la nouvelle offrande dans leurs bras, puis, bien sûr, l'écouter. Suspense insoutenable, cœurs qui battent et frémissent, doigts qui tremblent, sueur sur le front, la tension est à son comble : et s'ils avaient loupés le coche, nos amis des États-Unis ? Un seul moyen de le savoir !
L'écoute se lance et l'ouverture se déroule par le morceau éponyme, « Dominion », qui tout de suite installe dans une certaine ambiance. Pas le genre d'introductions auxquelles Benedictum nous a vraiment habitués. Lorsque viennent les instruments accompagnés du chant de Veronica Freeman, les retrouvailles avec le combo que l'on avait laissé en 2008 se font finalement. Sauf que le premier titre, sans être mauvais, manque sérieusement d'un quelque chose qui le ferait décoller. Peut-être un refrain un peu plus accrocheur, des riffs avec une force plus considérable, mais toujours est-il que l'on n'est pas totalement convaincu. Cette piste n'a pas la puissance d'un « Shell Shock » qui ouvrait les hostilités de manière très positive sur Seasons of Tragedy. Du coup, le morceau s'essouffle bien vite, restant bien trop en surface et trop gentillet. L'impression que le quintet a peur de cogner sur ses fûts et de lâcher un riff dévastateur gène, trop de retenue tue le plaisir, et ce malgré que la voix de la chanteuse soit toujours aussi reconnaissable et maîtrisé, ajoutant même de puissants grunts à son registre, trop rapidement étouffés.
Des sons de cloches pour introduire « At the Gates », puis une véritable déferlante qui s'abat. L'intime conviction de posséder une piste bien moins calibrée et qui fera l'effet escompté se profile, et elle sera fort heureusement confirmée tout au long de la piste ! Une fougueuse énergie qui donne envie de se déchainer, un refrain plus calme (pas trop non plus) mais appréciable, voici l'un des tubes qui permet à notre combo américain de faire de véritables ravages ! Retour des growls qui marque un accroissement dans la fureur, les guitares sont plus tranchantes, plus heavy, la peur d'en faire trop a été oubliée, et nul doute que tant d'efficacité vous amèneront à écouter le tube encore et encore. Nul doute que Painkiller de Judas Priest est le disque de chevet de la formation.
Seulement, lorsque les cinq mousquetaires décident de se lancer dans des morceaux plus longs, le succès est parfois mitigé. Deux titres dépassant ici les 8 minutes, et les remplissages ont du mal à être évités.
« Overture/The Temples of Syrinx » est clairement l'un des points noirs de ce brûlot, le dernier titre qui plus est. A vouloir s'aventurer dans des domaines plus progs, le groupe se retrouve à patiner et à offrir une démonstration répétitive et monotone. Peu de moments captivants, un démarrage vraiment trop long, des lignes de chant trop éloignées les unes des autres, on est loin de la réussite, et l'ennui pointe le bout de son nez immédiatement.
Au contraire, l'autre piste plus longue, « Epsilon », s'en tire, à l'instar du morceau éponyme de l'album précédent, avec les honneurs et peut être considéré de convaincant. Un démarrage progressif, tout en douceur, avec des claviers qui évoqueraient presque Nightwish, c'est assez surprenant de la part des heavy metalleux américains. Pas d'inquiétude à avoir, ce détail mis à part, les similitudes avec la sphère du metal symphonique s'arrêtent en ce moment, et voici le retour d'un rythme plus soutenu, gardant malgré tout une certaine légèreté, jusqu'à l'arrivée du chant. En revanche, le passage à vide est lui assez triste, car la piste, si elle avait pu être amputée de ce morceau gênant, aurait été une franche réussite.
Dans un registre différent, « Prodigal Son » réussit à tirer son épingle du jeu et, sans être une piste exceptionnelle, se place dans le haut du panier. Des solos techniques sans être démonstratifs rajoutant une touche agréable à l'ensemble, un chant qui assure sa partition et se révélant même bien plus féminin dans les passages narrés, un refrain qui, sans totalement se démarquer, reste de qualité tout à fait convenable, suffisante en tout cas pour faire headbanger le commun des mortels. On imaginerait bien le morceau porter l'étendard de single. De plus, quelques passages, lorsque les notes s'adoucissent légèrement, pourront évoquer des formations telles Mötley Crüe.
Là où Benedictum surprend et dans le mauvais sens du terme, c'est sur « Sanctuary ». Hé oui, les voilà tombés dans le piège insipide de la niaise ballade qui n'a pas sa place et dont la pêche et l'envie ont été amputés. Préparez vos oreillers, car même la performance vocale ne sauvera pas les meubles. D'ailleurs, on sent bien que la vocaliste n'est pas complètement dans son domaine de prédilection, peinant à transmettre l'émotion qui aurait été nécessaire pour éviter partiellement un désastre en règle. Une guitare acoustique, des chœurs plats et trop discrets, un riff qui … coule, pas facile de trouver une once d'intérêt au tout. Dans la ballade de ce type, classique exercice s'il en est, les français d'Akentra avaient au moins le mérite de composer une piste plus entraînante et où l'émotion passait.
Sur « Bang », le combo a voulu se faire plaisir mais également faire plaisir à son auditoire. Mission accomplie, le rythme est presque dansant malgré les guitares très massives, imposantes, et des chœurs masculins tonitruants, mais courts, qui ponctuent le refrain, soutenant le chant de la frontwoman qui assure bien son rôle. Notons même une accélération plus speed très agréable, de quoi faire saliver.
Le duo « Beautiful Pain » (possédant le rôle d'introduire la seconde) et « Dark Heart » se complète bien. L'intro n'est pas des plus classiques, pas d'ambiance ni de calme, mais des guitares inquiétantes et délivrant des riffs acérés qui ouvrent sur un « Dark Heart » au début mélancolique, et créant la surprise par la douceur de la voix de Veronica, plus calme et surtout clairement féminine, dont le timbre dans cette tessiture se situe entre Cristina Scabbia (Lacuna Coil) et Charlotte Wessels (Delain), de quoi éveiller la curiosité donc. Mais les bonnes habitudes ne se perdant pas, le chant rocailleux est de retour lorsque le ton se fait plus puissant, prenant en main le titre et lui donnant un souffle de rage, même si parfois, on aimerait que les instruments suivent le mouvement, l'ensemble étant réussi mais la sauce manquant d'un peu d'épices.
« Grind It » est courte mais efficace. Pas de temps à perdre, tout est mis dans l'efficacité et le résultat prend. Morceau le plus court de l'opus, il permet de se ressourcer et d'obtenir un regain d'énergie. Car « Seer », la piste précédente, manque elle en revanche d'un peu de vigueur et souffre comme « Dominion » d'être un peu trop sage. Refrain qui ne décolle pas, restant plat et sans relief, rien n'est fait pour soutenir la rythmique. Et surtout, les guitares, trop en retrait, sont étouffées et malgré que le chant soit mis en avant, ce dernier étant de qualité, il aurait été préférable de laisser aux guitaristes plus d'espace pour s'exprimer.
En ce qui concerne « Loud Silence », le titre est bon mais ne donnera pas cette touche qui ferait se hisser Benedictum parmi le panthéon. En fait, elle confirme à elle toute seule une impression qui s'était révélée dès le départ : les refrains se sont assagis et la plupart d'entre eux manquent sérieusement d'entrain et d'enthousiasme. Là où Seasons of Tragedy avait fait de cet élément un point fort, cet aspect constitue un défaut de Dominion. Bilan mitigé pour le morceau, dommage.
Le niveau est fortement rehaussé par « The Shadowlands », avec un refrain bien plus mémorisable, où les lignes se gravent dans le marbre de votre esprit. Riffs efficaces, chant modulé et performant, oscillant entre des tons féminins, un chant heavy puissant et une voix s'approchant du thrash. Même si nous avons à faire à un classique dans le genre, la qualité pointe le bout de son nez et il faut bien reconnaître que le tout rend bien.
Niveau production, celle-ci est vraiment correcte, le son étant clair, mais des erreurs commises dans le mixage des éléments se dénotent à quelques endroits. Premièrement, les guitares sont parfois bien trop éloignées et ne disposent pas de l'espace qui devrait leur être donné pour pouvoir pleinement montrer leur talent et donner une touche avec plus de puissance à l'auditeur. Ensuite, le chant, bien que très satisfaisant, est placé trop en avant et prime sur le reste, pas toujours judicieux. Il faut admettre que la demoiselle est un atout (et pas que physique) plus que remarquable pour les américains mais quand même … Enfin, la batterie, certes audible, est parfois trop en retrait.
La spécificité du quintet d'Outre-Atlantique, c'est bien sûr sa vocaliste, Veronica Freeman, à la voix qui forge une identité au combo. D'ailleurs, si toutes les autres chanteuses du milieu (exception faite de Dani Nolden de Shadowside, qui se révèle d'une qualité équivalente) possèdent des voix dont on identifie le timbre féminin, la frontwoman ne le laisse que peu deviner, s'amusant à jouer cette ambiguïté avec ce côté masculin. Et là vient un doute : qu'adviendrait-il de Benedictum sans sa si caractéristique chanteuse, et si elle était remplacée par un homme ? Car la seule originalité du combo réside donc dans sa chanteuse, de talent s'il en est, modulant sa voix à merveille.
L'heure du constat à sonnée. Dominion est un album de heavy metal classique et intéressant dans le genre, malheureusement, les refrains manquent cruellement de dynamisme et d'énergie, ce qui ne leur permet pas d'assurer une quelconque emprise sur l'auditeur. Les couplets sont généralement suffisamment rythmés pour ne pas plonger dans l'ennui mais il manque quelque chose pour se démarquer, hormis l'excellente prestation de la demoiselle. Il va falloir pour Benedictum pimenter un peu plus la sauce et se relâcher davantage, car trop de sagesse tue le riff. Mais « At the Gates » ou « The Shadowlands » valent bien leur écoute, tout comme l'offrande en elle-même, et cette nouvelle galette, si elle ne fait pas partie des incontournables, mérite aisément que l'on s'arrête dessus. Une recette agréable mais nécessitant d'être plus relevée, donc.
Note finale : 7/10