La variété française n’est donc pas si obsolète qu’on le pensait ! Ou en tout cas, si nous, Français, avons abandonné depuis longtemps à lui reconnaitre de la valeur, elle n’est jamais vraiment tombée dans l’oreille d’un sourd à l’étranger puisqu’elle semble avoir décidée les Allemandes d’Eklipse à lui consacrer leur dernier EP.
Les 4 jeunes femmes, toujours dans leur logique de ne sortir que des albums de reprises acoustiques de standards internationaux, s’arrêtent cette fois en France avec leur nouvel EP Liberté, Égalité, Sensualité qui va piocher pêle-mêle dans le riche passé musical de notre pays. 4 chansons, de Serge Gainsbourg à Claude Debussy en passant par Noir Désir et les Rita Mitsouko, le panorama est vaste et a au moins le mérite d’attirer l’attention de n’importe quel auditeur familier à l’un ou l’autre de ces titres.
Car Eklipse appelle à redécouvrir ces chansons sous le signe de la mélancolie. Composé de deux violons, un violoncelle et un alto, sans chant ni batterie, le quatuor s’est rendu visible dans le milieu du metal en tournant en première partie de Nightwish il y a deux ans et bien entendu, en exploitant un concept déjà bien balisé par Apocalyptica. C’est cette similitude avec la démarche des Finlandais qui leur a déjà valu nombre de critiques, mais qui n’a semble-t-il pas altéré leurs ardeurs.
Qu’en est-il au final de ces reprises destinées presque exclusivement au public français (et qui fera peut-être découvrir les originaux à l’international) ? Malheureusement, c’est assez inégal. La plus grande réussite reste au final cette version de « Le vent nous portera » qui réussit à transcrire l’atmosphère triste de la chanson de Noir Désir dans une version épurée et propice à la contemplation. En revanche, dès que les Allemandes s’essayent à des compositions plus joyeuses sur « Poupée de cire, poupée de son » ou « Marcia Baila », on est moins accroché, comme si l’atmosphère mise en place par les quatre instrumentistes prenait moins aux tripes que sur leurs morceaux plus tristes.
Le tout est quand même interprété avec grande classe par tous les membres du groupe, chacune apportant sa pierre à l’édifice. Mention spéciale à Helena qui construit avec son violoncelle l’ossature rythmique sur laquelle viennent s’appuyer ses camarades pour développer leurs mélodies, et qui représente véritablement le ciment des chansons arrangées par Eklipse. Sur le fameux « Clair de Lune » de Debussy, les violons prennent tout l’espace pour une interprétation feutrée mais de grande qualité, prouvant que le groupe sait aussi bien puiser dans le répertoire classique que dans celui de la pop moderne.
Pour conclure, même s’il est toujours bon pour l’ego de constater que notre scène musicale inspire autant l’étranger, on ne peut pas dire que les filles d’Eklipse aient complètement réussi leur coup avec cet EP, malgré des choix audacieux mais qui manquent sans doute un peu de cohérence. La chanson française est de toute façon tellement vaste qu’en réduisant son choix à 4 chansons, les Allemandes feront forcément des déçus. Elles maitrisent en tout cas parfaitement leurs instruments et on aura sûrement plaisir à les retrouver bientôt pour un album entier.