Manigance – Récidive

Pratiquement 5 ans après le très bon L'ombre et la lumière, qu'est-ce que les français de Manigance ont bien pu nous manigancer avec ce 5ème opus intitulé Récidive et sorti aujourd'hui même, 31 janvier 2010, chez XIII Bis Records ?

Oh je vous vois frémir, leur musique est peut-être aussi simple et téléphonée que mon misérable jeu de mot en introduction sur le nom du groupe. Ou peut-être pas... Alors évidemment si vous, habitués du combo, vous attendez à du Manigance pur jus, dans le lignée du précédent brûlot ou de l'excellent D'un autre sang, c'est bien vers cette direction qu'il vous faudra chercher. Ceux qui espéraient une franche évolution ou une révolution devront repasser...

La répétition n'est parfois pas la meilleure figure de style musicale, et pourtant Manigance connait les ingrédients qui font la saveur de leur art. Comme un bon repas annuel chez Mamie Yvette, un album du groupe français se déguste au final avec le plus grand des plaisirs, malgré l'appréhension première de retrouver les mêmes convives autour de la grande table.

Le titre de cette galette prend dès lors ici tout son sens : Manigance récidive, avec son lot de mélodies aux traits très tirés vers le FM, ses éléments progressifs légers et subtilement appréhendés, son heavy mélodique aux riffs à la fois accrocheurs et virulants. On croirait certes parfois entendre des mélodies entendues précédemment, comme ce "Dernier allié" qui titille les couplets de "Hors la loi" sur D'un autre sang. Mais ceci nous alerte gentiment, sans nous choquer pour autant, comme si un vague élan de nostalgie venait nous submerger...

Au-delà de l'influence interne, il faut tout de même souligner le grand travail effectué niveau production. Jamais Manigance n'avait eu un son aussi efficace faisant d'autant plus ressortir le côté heavy des guitares. Les riffs sonnent parfois plus acérés que jamais, offrant une envergure supplémentaire à quelques titres comme le sus-nommé "Dernier allié" (quand même fort hymnesque même si la transition intro clavier/couplet souffre d'un léger décalage musical), ce "Larme de l'Univers" en ouverture bien in your face, le quasi martial progressif "Illusion", "Délivrance" et son introduction dévastatrice ou le bien balancé "Déserteur" (qui tourne au refrain mainstream bien huilé).

Le jeu de clavier, souvent associé aux grattes de François Merle et Bruno Ramos, fera le bonheur des vieux de la vieille avec ses tonalités très 80s. L'abus n'est parfois pas loin mais c'est ainsi qu'on a appris à connaître voire à apprécier Manigance, alors pourquoi ceci changerait ? C'est donc sans mal que l'on se laisse naviguer sur les flots du passé, visitant parfois la décénnie suivante et un Stratovarius de la bonne époque sur "Récidiviste" - probablement le morceau le plus typé "power metal" du disque.

Afin d'éviter de se prêter au jeu du traditionnel "bon ça ressemble à quoi, ça a été inspiré par qui tout ça ?", parlons du chant et de ses paroles en français. Car en cela Manigance reste une référence d'originalité dans un metal d'aujourd'hui ou peu de groupes s'essayent à la langue de Molière. Heureusement que Blasphème (récemment de retour), Vulcain (idem) ou les défunts DornFall ont osé, car on se rend compte ici qu'il ne s'agit en rien d'une tare - même si ne pas tomber dans le cliché ou dans le "planplan" relève de l'exploit avec des textes autres qu'en anglais. Ici, comme d'habitude avec ce groupe, cela fonctionne : les thèmes abordés restent inchangés mais une certaine poésie se dégage au fil des vers.

Didier Delsaux reste lui aussi fidèle à sa réputation, distillant sa meilleure voix haut perchée et légèrement éraillée du début à la fin. Les influences "à l'ancienne" ou petits clins d'oeil à Ronnie Atkins de Pretty Maids (référence avouée par le bonhomme) ne déstabilisent pas l'écoute. Cependant, voici typiquement le chant qui irritera les réticents du genre "heavy power mélodique", les aigus frôlant la limite n'étant clairement point fait pour eux.

Alors voilà, que de compliments, que de belles choses sur le papier, même si au final on a du mal à retenir un excellent moment sur un album assez linéaire bien que parfaitement exécuté. Il manque peut-être LE top tube comme "L'ombre et la lumière" ou "Mémoire" sur les précédents essais, même si un "Sentier de la peur" n'est pas loin de s'accorder ce rôle (dommage pour ce refrain un poil décevant). Aucun titre n'est pour autant à jeter, et on retiendrait presque d'autant plus la conclusion acoustique "Sans détour", brillante ballade très émotionnelle où Manigance nous offre une facette plus épurée dotée d'une sensibilité extrême.

Manigance

Le pouvoir des quelques plans acoustiques glissés ici relèvent ainsi l'intérêt général, tant est si bien qu'on en vient à regretter une non-utilisation plus fréquente de ce procédé. Mais ne vous y trompez pas, cette Récidive mérite plusieurs vies et ne se laissera pas dépouiller aussi facilement de son intérêt. Ne vous laissez pas effrayer par sa relative longueur (15 pistes pour près de 70 minutes au total) et donnez donc une chance à ces français qui méritent une longue vie musicale.

Note : 7.5/10

Manigance sur La Grosse Radio

NOTE DE L'AUTEUR : 7 / 10



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