Dans le milieu restreint des chanteurs de metal, on ne présente plus l’allemand Ralf Scheepers, ex-Gamma Ray et brillant leader de Primal Fear. Profitant d’une pause de ladite formation, l’homme a décidé de se lancer en solo. Et c’est le 18 février que sortira, chez Frontiers Records, son premier album, sous le sobre titre éponyme de Scheepers. On ne peut pourtant pas parler d’une rupture dans sa carrière musicale, étant donné que pour cet album, Magnus Karlsson et Mat Sinner, respectivement guitariste et bassiste de Primal Fear, sont également de la partie. On est donc en droit de s’interroger : Ralf a-t-il su tirer son épingle du jeu, et offrir quelque chose de neuf avec cet album ?
Une chose est claire dès le premier morceau : on est toujours dans du heavy, du bon, du lourd, du chevelu ! « Locked in the Dungeon » constitue une excellente entrée en matière, avec riffs accrocheurs, chant énergique et solo idem, parfaitement conclu par un bon vieux truc-à-deux-guitares si caractéristique du genre (oui, une harmonisation polyphonique pour ceux qui se la racontent). Néanmoins, quelques montées dans aigus de Ralf, un peu scabreuses, ne plairont pas à tout le monde. Mais cette pastille ne part pas mal du tout !
On reste dans le même esprit avec « Remission of Sin », très efficace et au refrain accrocheur, avec la préssence aux chœurs de Tim « Ripper » Owens, chanteur de Judas Priest, ainsi qu’avec « Cyberfreak » et son passage plus atmosphérique. Les geeks de la six-cordes se délecteront de deux excellents solos sur chacun de ces morceaux.
Double changement d’ambiance avec « The Fall » : après une introduction digne d’un morceau de Hans Zimmer, on est surpris d’entendre un morceau aux accents FM, tant dans le riff d’introduction que dans la mélodie du refrain. On aime ou on n’aime pas, mais ce qui est sûr c’est que l’énergie est toujours au rendez-vous. Cependant, l’intensité a subtilement baissé d’un cran, et s’arrête dans les tréfonds de la magnifique introduction de « Doomsday ». A la fois évaporée et oppressante, elle propose aux admirateurs de Ralf une facette encore inconnue de son talent vocal : une vois grave, profonde, rappelant quelque peu Till Lindemann de Rammstein. Mais ce calme n’est que celui qui précède la tempête : des guitares saccadées explosent autour du clavier pour une deuxième phase d’introduction digne de Nightwish, laissant place à un morceau musicalement plus trash, mais dont le chant se révèle – paradoxalement – plus aérien. A mettre au crédit de ce morceau, un autre solo exceptionnel, qui s’achève en de longues notes mélancoliques particulièrement envoûtantes. « Doomsday » est probablement l’un des morceaux les plus surprenants, mais aussi les plus réussis de cette galette qui, jusqu’ici, fait plus que tenir la route. On passera rapidement sur « Saints of The Rock », car tout est dans le titre, et cela se passe de baratin : de retour dans un heavy brut de décoffrage, cet hymne au genre est réalisé sans une bavure. Le petit côté Guns’n’Roses n’échappera aux oreilles attentives.
Inconditionnels du heavy, oyez, oyez ! Le morceau suivant ne vous décevra pas : « Before the Dawn », comme les fans l’auront vu dès le titre, est une reprise d’un morceau peu connu du groupe légendaire Judas Priest. Et que l’on connaisse ou non la version originale, on appréciera forcément cette belle réinterprétation, suffisamment fidèle pour ne pas décevoir les aficionados et pourtant véritablement habitée, et même vécue par Ralf qui, décidément, ne déçoit pas !
… Aurions-nous parlé trop vite ? Y aurait-il un raté ? Presque ! « Back on The Track », morceau plus speed après un démarrage fort calme, passe sans grand intérêt, malgré un bon solo… Mais ce n’est qu’un demi-raté, car l’ensemble reste tout à fait bien ficelé, et on ne peut guère reprocher à un album de ne pas comporter que des chefs-d’œuvre. De plus, « Dynasty », un morceau originalement composé par et pour Primal Fear, rattrape excellemment ce petit impair. Nouvel hymne à la « Heavy Metal Dynasty », son rythme plus lent et lourd colle parfaitement au thème, et, il est vrai, eut parfaitement eu sa place sur un album du groupe allemand.
Voilà à présent qu’une ballade point le bout de son nez : « The Pain of The Accused » démarre très sobrement, avec guitare acoustique et chant mélancolique de Ralf, avant de se lancer, chœurs à l’appui, dans une magnifique grandiloquence qui met le talent vocal de notre héros très à l’honneur. Une véritable démonstration dans un morceau encore une fois pénétré par ce chant, poignant, qui nous raconte une histoire intime, tragique, une souffrance dont on ne peut que s’émouvoir. Seul point noir : un solo trop rapide pour l’ambiance, qui tombe comme un cheveu dans la soupe et… comporte même quelques fausses notes ! Quel dommage, après tant de pièces de virtuosité guitaristique, que celle-ci vienne ternir ce qui aurait pu être un véritable chef d’œuvre… mais demeure néanmoins une très bonne piste.
Regain d’énergie, la fin de l’album approchant, avec un « Play With Fire » qui nous transporte brièvement au pays du power metal. Guitares aiguisées, chant au top de ses capacités, couronné par ce qui s’avèrera être le meilleur solo de l’album ! Un très bon motif musical revenant plusieurs fois dans le morceau, une débauche d’énergie impressionnante… Une bonne claque dans la mouille, en somme !
La très belle ballade « Compassion », dont le titre est ici encore très révélateur de l’ambiance, vient conclure par un atterrissage en douceur ce très plaisant opus. Guitare acoustique, voix poignante pour conclure un Ralf quasiment irréprochable d’un bout à l’autre de l’album, et même banjo et accordéon de Magnus Karlsson… Le tour est joué, et l’aventure est belle. Avec Scheepers, Ralf et ses invités ont su proposer une musique variée, pleine d’émotions sans jamais verser dans l’eau-de-rose, et transportant l’auditeur dans toutes ces ambiances, toujours avec talent. Herzlichen Glückwunsch !