Michael Schenker pour Temple of Rock

"Je suis toujours passionné par la guitare"

Après avoir roulé sa bosse au sein de groupes légendaires tels que Scorpions et UFO, Michael Schenker continue sa route avec Michael Schenker's Temple of Rock, groupe avec lequel il se prépare à sortir son deuxième album : Spirit on a Mission. En cette occasion, le guitariste s'est entretenu avec La Grosse Radio pour évoquer le fonctionnement du groupe, revenir sur sa carrière prolifique et clamer sa passion pour la musique.

Bonjour Michael et merci de nous accorder cette interview. Le 26 mars sort le prochain album de Michael Schenker's Temple of Rock. Après une carrière aussi prolifique que la tienne, où trouves-tu l'inspiration pour continuer d'écrire ?

L'inspiration est infinie car je la puise en moi. Les idées arrivent comme un kaleïdoscope, il y a toujours une nouvelle image qui apparaît. Cela fait 40 ans que je fais ça, sans écouter d'autre musique. Bien sûr, j'écoute de la musique en fond, mais je ne me concentre pas dessus et j'ai toujours évité l'approche consommatrice de la musique. De fait, on en arrive à créer quelque chose d'original et d'unique. Je suis toujours passionné par la guitare, je fais des découvertes en jouant. C'est un bonheur de vivre de quelque chose que tu aimes faire. Au début, je m'amusais avec ma guitare sans même m'apercevoir que je créais quelque chose. Plus tard, des gens m'ont dit que je les avais influencé dans leur vie. Je ne le savais même pas parce que je n'attendais rien de ma musique, je prenais juste du plaisir à en faire.

Certains artistes ont peur de se répéter. Est-ce que ça t'arrive ?

Je joue à ma manière, du coup, il peut m'arriver de me répéter parce que je maintiens mon style. Mais parfois, je pars dans une autre direction. De fait, comme je joue et que je fais des découvertes en jouant, je sème toujours des gemmes pour l'album suivant. Tu ne veux pas perdre l'essence de ta personnalité, tu t'y tiens parce que c'est ce que les gens aiment écouter. Mais tu y ajoutes des éléments pour garder une certaine fraicheur et ne pas provoquer de lassitude.

Du coup, quels sont les nouveaux éléments qui ont été ajoutés dans Spirit on a Mission ?

La guitare a sept cordes de Wayne Finlay a joué un grand rôle dans ce disque. Nous avons designé une guitare en forme de trident pour lui, car je le surnomme "Neptune" [rires]. Il a sa propre identité au sein du groupe. Dean avait fait une guitare à sept cordes pour moi en 2004, j'en ai un peu joué, mais je ne voulais pas me perdre, du coup, j'ai demandé à Wayne si ça l'intéressait de se familiariser avec et de développer quelque chose. Depuis ce temps, il n'a pas arrêté d'en jouer et j'ai senti que c'était le moment de mettre cet instrument en avant. Ainsi, on ajoute à notre palette de nouvelles manières d'exprimer nos émotions. L'ajout de  la guitare à sept cordes ajoute une nouvelle dimension à notre musique. Cela permet également à Wayne d'être plus en avant et de ne plus être considéré comme la cinquième roue du carrosse.

Michael Schenker

Est-ce que les parties de guitares à sept cordes ont été utilisées à partir de tes compositions ?

Non, j'ai dit à Wayne dès le départ que je voulais plus de guitare à sept cordes, donc il fallait qu'il écrive des riffs à partir de cet instrument. On n'allait pas reproduire ce que je fais déjà ! C'est bien plus intéressant de combiner nos deux styles. Du coup, j'ai ajouté ma patte aux riffs qu'il a écrits et créé des arrangements uniques pour coller au mieux aux compos.

Qu'en est-il de l'apport des autres membres à la composition ?

Voilà comment cela s'est passé. Après Bridge the Gap (2013), j'avais déjà l'idée en tête de mettre plus de guitare à sept cordes. Je savais que je voulais au moins cinq chansons rapides, quelques mid-tempos comme je faisais dans le temps avec UFO et, enfin, des chansons façon sept cordes. De fait, l'album allait être équilibré et varié à la fois. J'ai briefé Doogie White [chanteur] en lui disant de penser mélodie avant tout et il a fait un super boulot. Les chansons sont très énergiques, mais mélodiques en même temps. Du coup, c'est très difficile de choisir un premier single pour présenter l'album, car il y a plein d'éléments catchy. J'aime beaucoup "Live and let Live", la préférée de Doogie est "Vigilante Man", d'autres diraient "Bulletproof"… C'est difficile de choisir un single, mais c'est bon signe quand c'est le cas !

Du coup, Michael Schenker's Temple of Rock fonctionne vraiment comme un groupe à part entière plutôt qu'une carrière solo à ton initiative.

Voici comment ça marche : ma maison de disques a utilisé mon nom pour mieux vendre Bridge the Gap, mais je veux que Temple of Rock ait sa propre identité. Mais il faut un support pour cela, c'est pour ça que mon nom apparaît, pour présenter cette nouvelle entité au monde. Le titre Bridge the Gap évoque cela, c'est un pont entre mon nom et cette entité. Spirit on a Mission se rapproche déjà un peu plus de cette idée d'entité, et j'aimerais que Temple of Rock se suffise à lui-même, sans le nom Michael Schenker, même si je pense que la maison de disque mettra quand même mon nom en avant pour vendre les albums. La prochaine étape se fera au prochain album, je veux que Doogie le co-produise. On verra ce que donnera le résultat.

Du coup, qu'est-ce qui vous a motivé à jouer "Vigilante Man" sur les concerts de votre précédente tournée ?

Doogie avait l'air convaincu que c'était celle-ci qu'il fallait présenter en premier, du coup nous l'avons suivi. De toute façon, il n'y a pas de bon ou de mauvais choix. Bien sûr, quand tu es un rockeur, tu as envie de choisir la chanson qui représente le mieux ce que tu fais, pour ne pas perdre le public. En live, la chanson a bien marché, le public a mieux réagi que lorsque nous avions présenté "Horizons" avant la sortie de Bridge the Gap. C'est une chanson groovy, le public rentre dedans vite, du coup, Doogie a sûrement eu raison.

D'ailleurs, lors de cette tournée, vous avez donné onze concerts en France. Comment cela s'est-il passé ?

C'était très bien. Pendant un temps, nous ne sommes pas beaucoup venus en France, je ne sais pas pourquoi, mais maintenant j'y viens bien plus souvent et les concerts marchent bien ! Je distingue trois étapes dans ma vie : d'abord la création musicale, ensuite l'école de la vie, puis le retour à la musique et la célébration de tout cela. Ma carrière est un peu comme la forme d'un T-shirt, avec cette montée du rock n'roll, ce creux au milieu et le retour au rock n'roll, que je compte garder dans ma vie jusqu'à la fin. Je pense que cette idée de T-shirt s'applique à tout le monde. Ils commencent en développant ce qu'ils aiment faire, puis ils ont des enfants, doivent gérer leur vie de famille et faire des expériences diverses, mais une fois que les enfants ont grandi, ils se disent "qu'est-ce que j'aimais faire ?" et ils reviennent à ce qu'ils faisaient avant. Je me suis rendu compte de ce retour en 2008, quand j'ai sorti In the Midst of Beauty avec Gary Barden. Je m'amusais à nouveau sur scène, quelque chose avait changé. J'ai décidé que c'était l'étape de célébration du rock n'roll pour moi. Tôt où tard, cette étape ne sera plus qu'un souvenir, les gens partent, comme Gary Moore, John Bonham, ou Jimi Hendrix, ou plus récemment Johnny Winter et John Lord

En regardant la pochette et le titre de Spirit on a Mission, on peut y voir une référence biblique. Est-ce voulu ?

Il y a quelques temps, on m'a demandé ce que je voulais que les gens retiennent de moi ? Du coup, je me suis posé des questions sur moi-même et j'ai conclu que j'étais un esprit en mission [Spirit on a Mission] qui répandait la joie de la musique à partir de sa propre expression. C'est ce que je suis. Du coup, cette idée est revenue naturellement quand il a fallu choisir un titre à ce disque. La pochette est venue ensuite et, effectivement, on l'a fait un peu ressembler à une bible. C'est une bible musicale. Ma musique vient de l'intérieur, du coup, on peut voir ça comme des saintes écritures musicales. Au lieu d'y voir des mots, on y voit des notes. Bien sûr, c'est un album de rock, donc les guitares y prennent une place importante.

Qu'en est-il des paroles ?

Je laisse toujours le soin au chanteur le soin de les écrire, car il doit les comprendre les vivre… et les chanter ! Je ne prends pas le temps de les analyser. Souvent, quand tu demandes à quelqu'un ce qu'il chante, il ne te répond jamais directement. Quand j'étais plus jeunes, même si je comprenais l'anglais, j'appréciais toujours entendre des chansons dans cette langue, mais je ne comprenais pas ce qui se disait, je ne m'intéressais qu'au son. Pour moi, les mots sont juste là pour que ça sonne différemment. Mais Doogie est un poète, et sait être un bon orateur, cela se ressent dans son attitude et ses textes. "Live and Let Live" et "Bulletproof" me parlent bien d'ailleurs.

On avait entendu parler d'un projet de collaboration entre toi et Don Dokken. Qu'en est-il ?

Don Dokken voulait qu'on fasse quelque chose d'acoustique ensemble. Nous avons joué ensemble en Bulgarie et ça s'est bien passé, je lui ai ensuite proposé de s'inspirer de mes albums solos acoustique Thank you pour qu'il s'en inspire. Il a fait cinq chansons fantastiques, nous avons d'ailleurs mis une de ces chansons en bonus de Bridge the Gap afin de présenter cet éventuel futur projet. Les portes sont toujours ouvertes pour sortir autre-chose, j'ai beaucoup de projets collaboratifs en stand-by, rien n'a été stoppé, plusieurs projets peuvent coexister en même temps.

Michael Schenker

Tu parlais tout à l'heure de l'influence que tu as pu exercer sur d'autre musiciens. Est-ce que le fait de t'en rendre compte de cette influence a changé ta vision de la musique ?

Non ce que je fais est travailler les émotions à la guitare. C'est drôle, je me suis accidentellement rendu compte il y a quelques mois seulement que mon frère [Rudolf Schenker, guitariste de Scorpions] avait le même âge que Robert Plant ! Je ne m'en étais jamais rendu compte parce que j'ai six ans de moins qu'eux. Puisqu'ils ont le même âge, ils sont probablement plus en compétition entre eux. Même quand j'étais plus jeune, je n'imaginais pas mon frère avoir le même âge que Robert Plant, parce que c'était de la musique venant d'Angleterre, qui était bien plus importante que celle de Scorpions à l'époque. Même à cette époque, j'étais le petit gars qui marchait derrière les grands. Du coup, ma vision de la musique était complètement différente, je n'avais pas du tout d'esprit de compétition. Seule la passion pour ma guitare m'a animé musicalement.

Même si tu étais plus jeune, tu étais quand même prêt à jouer avec les Rolling Stones !

Oui, je me souviens, quand on m'avait appeler pour que j'auditionne pour les Rolling Stones [1973], j'avais tout juste rejoint UFO. C'était déjà un grand pas en avant pour moi d'avoir intégré un groupe britannique. J'étais très sensible et timide à l'époque et je suis resté cloué sur place en apprenant la nouvelle. C'était suite à une annonce dans un magazine, ils cherchaient un guitariste de remplacement pour leur tournée. C'était une drôle d'époque, Brian Jones était mort… Je n'ai jamais rappelé et UFO était assez grand pour moi, une grande période dans ma vie, puisque nous avons beaucoup écrit et tourné à cette époque.

Parlant de UFO, quels souvenirs as-tu des albums qui ont suivi ton retour ?

Walk on Water (1995) était un très bon comeback. On a repris les choses là où on les avait arrêtées. Mais à cette époque, j'étais déjà en Amérique, en train de vendre mes albums acoustiques. Quand nous nous sommes à nouveau réunis pour Covenant (2000), nous avions pour accord de vendre cet album sous notre propre entreprise. Mais au milieu du processus, ils ont changé les termes du contrat et l'unité dans le groupe s'est disloquée, tout le monde partait dans une direction différente… A un moment, j'ai estimé que ma place n'était plus dans ce groupe et je leur ai redonné les droits sur le nom du groupe quand ils me l'ont demandé.

Interview réalisée conjointement avec Lionel / Born 666
Photos : © 2014 Lionel / Born 666
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