Quelques 3 semaines avant la sortie du prochain album du groupe allemand prévu le 25 février prochain chez Nuclear Blast, Volkmar Weber alias Volk-Man, bassiste et chanteur extrême de Die Apokalyptischen Reiter, est revenu avec nous sur ce les tenants et aboutissants de ce nouvel opus.
Ju de Melon : Bonsoir Volk-Man et merci de nous accorder cette entrevue. Nous voici un peu moins d'un mois avant la sortie de Moral & Wahnsinn, 8ème album du groupe... comment te sens-tu et vis-tu cette attente ?
Volk-Man : C'est toujours un moment spécial pour le groupe, d'autant plus que l'album est prêt depuis 4 mois et il est dur pour nous d'attendre aussi longtemps avant de le partager avec les fans. Parce que forcément on commence à le connaître par coeur à l'écouter ou le réécouter sans cesse, et lire les commentaires des fans sur Internet ou ailleurs nous rend encore plus impatient. Cependant je suis personnellement très confiant, je suis persuadé que les gens vont aimer l'album...
Ju de Melon : Encore de nouvelles expérimentations sur ce nouvel album, une habitude avec Die Apokalyptischen Reiter... Pour les impatients, comment comparerais-tu ce nouvel essai avec le précédent album Licht par exemple ?
Volk-Man : Je pense que ce nouvel album est beaucoup plus varié, plus coloré, avec des directions musicales assez différentes. Tu ne peux jamais savoir à l'avance à quoi t'attendre de chanson en chanson ! Nous avons mis beaucoup de feeling et de sentiments dans cet opus, pas mal de choses nous étant arrivées ces dernières années... du coup forcément ça nous a inspiré avec plusieurs idées bien différentes qui ont parfaitement su se goupiller et se mélanger entre elles. C'était un gros défi pour nous de bien combiner toutes ces influences et de les incorporer dans un album en conservant une ligne directrice. Pour faire simple, disons que Moral & Wahnsinn est plus "extrême", plus contrebalancé que Licht qui était un album plus "cool" disons...
Ju de Melon : Pourquoi avoir chosi ce titre d'album au passage ?
Volk-Man : On pourrait traduire ce titre en anglais par "Morality & Insanity" (La morale et la folie), l'album est donc plus ou moins basé sur cette dualité. C'est plus ou moins un concept car nous avons essayé de répondre aux questions "Qu'est-ce que la morale ?" et "Qu'est-ce que la folie ?"... Nous ne pensons pas que systématiquement l'un est bon ou que l'autre est une mauvaise chose, il faut plutôt se demander qui définit ces "règles". Qui peut se permettre aujourd'hui de dire ce qui est bon ou pas pour nous ? Après tout il n'y a même pas une seule morale pour toutes les cultures humaines, chaque religion ou communauté peut avoir sa propre définition de la morale. Nous en avons beaucoup parlé dans le groupe et nous avons pensé que cela pourrait être une bonne thématique pour l'album. Rien qu'en regardant la pochette, tu peux voir la dualité s'exercer de manière détournée avec Jésus qui porte une mitraillette et un nazi avec le bâton d'un évêque, c'est volontairement confusant car notre réalité l'est tout autant. Il n'y a rien de plus dangereux que de vouloir imposer à l'humanité un "ordre suprême", qu'il soit religieux ou politique, on a vu les dangers que cela a pu générer... Ne faites confiance à personne et trouvez votre propre voie, personne n'a le droit de vous dire ce qui est bien ou ce qui est mal.
Ju de Melon : Au niveau de la composition et de l'écriture des morceaux, avez-vous gardé les mêmes habitudes ?
Volk-Man : Nous avons eu quelques changements car nous n'avons pas composé cet album d'une traite. Nous avons beaucoup tourné ces derniers temps, on a donc pas mal composé par période entre deux tournées ou parfois même entre deux concerts. Du coup cela a pris plus de temps que prévu, mais nous avons je le pense pris la meilleure décision. A la base nous devions sortir l'album l'été dernier, mais nous avons préféré travailler certaines chansons un peu plus sans nous précipiter. Vers le mois d'août, nous avons par exemple pris plus de deux semaines de pause pour nous régénérer afin de revenir encore plus motivés à l'idée de finaliser ce nouveau disque. Je pense que c'était une bonne idée, certains morceaux ont du coup pas mal été retravaillés et modifiés à peine une semaine avant l'entrée en studio.
Ju de Melon : Moral & Wahnsinn est donc un vrai mélange d'influences, on y entend notamment de grosses orchestrations sur "Dr. Pest" ou encore "Ein Liebes Lied"... Ont-elles été réalisées par un ensemble symphonique ?
Volk-Man : Oui, tout à fait. Nous ne voulions pas utiliser de samples sur certains morceaux qui méritaient un vrai travail orchestral. Nous avons donc eu l'idée d'incorporer de vrais éléments symphoniques sur quelques titres, mais pas sur la totalité de l'album : nous voulions que cela reste une "plus value". Nous avons la chance de connaître via quelques personnes un quartuor à corde basé à Cologne, nous les avons donc contacté et le "chef d'orchestre" s'est montré très intéressé à l'écoute des démo. Quelques jours après, il est revenu avec ses idées et nous les avons enregistrées ! C'était vraiment une bonne idée. Nous sommes ravis du résultat obtenu, d'ailleurs si nous ne l'avions pas été je pense que nous ne l'aurions pas gardé dans le mix final. Au final cela montre une nouvelle facette du groupe...
Ju de Melon : Parlons de quelques chansons en vrac, en commençant évidemment par "Dr. Pest" qui va en interpeller plus d'un. Dr. Pest est le nom de votre claviériste, est-ce que cette chanson raconte son histoire ?
Volk-Man : Oui bien sûr, c'est en quelque sorte son "hymne", un véritable hommage même. Cela fait 15 ans qu'il est dans le groupe, c'est devenu un personnage incontournable. Partout où nous allons en tournée, les gens sont effrayés ou surpris : il n'est pas courant de voir un homme à moitié dénudé, portant un masque et un fouet, se produire avec un groupe de musique. Mais jusque là personne n'a jamais su pourquoi il était ainsi "vêtu" ! Après tout, chacun dans le groupe est libre de s'habiller comme il veut sur scène... Du coup cette chanson nous aide à cerner un peu plus sa personnalité. A noter ce morceau va faire l'objet d'un single et d'un video clip que nous venons tout juste de finaliser. Je vous promets un grand moment, ne ratez pas ça (rires) !
Ju de Melon : "Heimkehr" est une superbe petite instrumentale très émouvante. Est-ce que son titre fait référence à un film allemand du même nom sorti en 1941 ou à une nouvelle de Franz Kafka ?
Volk-Man : Non pas du tout, aucune référence culturelle ou cinématographique. C'est juste une coïncidence. A la base, le morceau devait s'appeler "Pestrumental", puisqu'elle est l'oeuvre de Dr. Pest. Cela aurait aussi pu être la base d'une "vraie chanson", mais le thème musical proposé est si fort qu'il a été dur d'imaginer une autre mélodie ou du chant par dessus. Ainsi, on l'a laissé tel quel et transformé en interlude sur lequel nous avons rajouté des éléments orchestraux par dessus le piano. Le résultat est véritablement épique, tout le monde dans le groupe a eu la chair de poule une fois le morceau terminé. Quant à son titre, traduit par "Homecoming" (Le retour) en anglais, il fait référence au retour du guerrier dans sa terre natale après un dur combat. L'émotion et le côté filmique justifient ce nom je pense.
Ju de Melon : Quant à la très jolie "Ein Liebes Lied", elle conclut l'album de manière parfaite et douce...
Volk-Man : C'est un peu le but, c'est une chanson dite "gentille" qui contrebalance avec le reste de l'album et qui permet de terminer sur une note positive et de "rêver à un meilleur avenir". Une chanson plein d'amour ("liebe") mais qui n'est pas pour autant une love song, c'est plus général que cela.
Ju de Melon : Cet album est une nouvelle fois intégralement chanté en allemand, comme l'a été Licht...
Volk-Man : Tu sais, en 15 ans de carrière nous avons tenté beaucoup de choses, y compris le chant dans différentes langues. Et puis un jour on a eu une interview en Angleterre où le journaliste nous a dit que nous étions un groupe 100% allemand qui représentait vraiment l'Allemagne de manière parfaite, que notre âme même respirait profondément notre pays... Et du coup j'ai débattu avec lui sur la poésie de notre langue, du fait que par exemple il y ait 10 fois plus de verbes en anglais qu'en allemand. On se rend vite compte que, au niveau de la traduction, on perd forcément certaines nuances, une certaine poésie. C'est pour cette raison que nous nous sommes de plus en plus concentrés sur notre langue maternelle afin de raconter les plus belles histoires possibles, d'autant plus que je ne suis pas persuadé qu'il faille chanter en anglais pour être plus reconnu ou quoi que ce soit...
Ju de Melon : Question compliquée avec laquelle j'adore torturer les artistes que j'interviewe, quelles sont tes chansons préférées sur ce nouveau disque et pour quelles raisons ?
Volk-Man : Oh ça c'est une question très méchante (rires) ! Je peux déjà dire que la première chanson, "Die Boten", constitue quelque chose de spécial car elle a été la première composée pour cet album et parce qu'elle possède un petit côté death scandinave que j'aime vraiment beaucoup car j'écoute pas mal de metal venant de ce coin-là. Ensuite, je dirais celle qui vient en 2ème sur le CD, "Gib dich hin" avec son intro sifflée (*siffle*) ! Beaucoup de puissance avec une mélodie imparable. Ensuite, je vais t'en citer une troisième, et forcément je vais te dire "Dr. Pest"... C'est une chanson vraiment à part et unique, qu'on n'entendra pas deux fois dans l'histoire du groupe ! Je pense que cela restera un morceau très spécial dans la carrière de Die Apokalyptischen Reiter, et je suis persuadé qu'on en parlera encore dans 10 ans. D'ailleurs, dans toutes les interviews que j'ai pu faire sur l'album, on m'a posé une question à son sujet... Même à la listening session les journalistes présents ont tous été surpris à son écoute, et de notre point de vue c'est quand même quelque chose de "magique".
Ju de Melon : Tiens, encore une méchante question (rires), beaucoup de gens se la posent alors j'en profite... Si tu devais décrire le style de Die Apokalyptischen Reiter aujourd'hui, comment le qualifierais-tu en quelques mots ?
Volk-Man : Je vais peut-être te surprendre mais je vais qualifier notre musique de progressive. Mais vraiment dans le premier sens du mot. Tout simplement car nous voulons et sommes prêts à explorer tout horizon possible dans la musique que nous faisons, nous voulons toujours incorporer de nouvelles choses. Nous ne voulons pas que quiconque nous dise ce qui est faisable ou pas, on veut juste faire ce qui nous plait et à notre guise. Ce qui est amusant, c'est que sur un magazine allemand, ils classent les artistes en mettant le style en avant au dessus ou en dessous du nom... Mais pour nous ça ne marche pas, alors ils mettent un cheval (rires) ! Car le nom de notre groupe signifie "Le chevalier de l'apocalypse" en allemand. Du coup pour eux nous sommes unique, notre style nous appartient. Bien sûr, nous sommes influencés par beaucoup de choses, mais au final il est difficile de dire ce que nous jouons... et finalement c'est tant mieux !
Ju de Melon : J'imagine que le groupe s'apprête à lancer une tournée européenne. Une chance de vous voir en France sous peu ? Il me semble qu'une date avec Turisas était prévue à Paris, mais elle n'a pas été confirmée...
Volk-Man : Oui, c'était prévu qu'on joue avec eux en France mais malheureusement nous n'avons pas reçu les bonnes garanties nécessaires pour ce show. Les négociations ont été assez frustrantes et nous n'avons pas pu trouver un accord. Bien sûr on réfléchit à de nouvelles possibilités probablement pour l'automne prochain, en espérant faire un festival en France d'ici là ! Ce serait génial. D'autant plus que nous avons eu beaucoup de demandes d'interviews de magazines ou webzines français pour ce nouvel opus, c'est certainement un très bon signe... Je pense que nous pouvons attirer pas mal de gens en France avec cet album, et le fait que nous chantions en allemand ne rentre pas en compte je pense. Après tout c'est l'énergie qui importe et je pense que la nôtre est internationalement communicatrice...
Ju de Melon : D'autant plus qu'en France un groupe comme Rammstein est très populaire, comme partout dans le monde, donc le chant en allemand finalement les gens sont habitués...
Volk-Man : Oui, c'est vrai, ce sont de véritables pionniers pour la scène allemande qui veut s'imposer à l'étranger. Ils ont ouvert une voie et de nombreuses possibilités pour nous groupes qui chantons dans notre langue natale...
Ju de Melon : Question bien plu large à présent... Die Apokalyptischen Reiter ne cesse d'évoluer, de surprendre, et nous ne savons jamais jusqu'où vous pourriez aller. Comment vous voyez-vous dans 10 ans ?
Volk-Man : Ta question est très amusante car on a dû me poser la même il y a de cela... 10 ans ! Fou non ? Certains journalistes avaient déjà cette idée en tête. Bien sûr en l'état actuel des choses je ne peux te répondre, car on ne sait jamais ce qui peut se passer... Mais ce qui est sûr c'est que nous voulons continuer à faire de la bonne musique et ce tant que nous en avons l'énergie ! Nous espérons juste garder l'inspiration, pour le reste je ne me fais pas trop de souci... Tout reste possible de toute façon.
Ju de Melon : Quelles sont tes goûts musicaux et artistes/groupes préférées en dehors de Die Apokalyptischen Reiter ?
Volk-Man : J'écoute pas mal de musique mais parfois, en studio ou en tournée, tu as besoin de silence ou tu écoutes les chants d'oiseaux pour te ressourcer un peu. Tu en as besoin à certains moments. Mais sinon j'écoute pas mal de death metal ou du punk rock comme System of a Down, Anti-Flag, Soulfly, Johnny Cash... Quelques musiques de film aussi, bref un peu de tout. Même du reggae parfois ! J'ai une grosse collection de CD donc j'en profite... (rires)
Ju de Melon : Ah le reggae, il y a une chanson de Die Apokalyptischen Reiter dans ce style, "Lazy Day" sur l'album Samurai...
Volk-Man : Oui c'est vrai (rires), c'était peut-être trop loin dans l'expérimentation ça... (rires)
Ju de Melon : Quel regard portes-tu aujourd'hui sur la scène metal ? La trouves-tu en bonne santé ou quelque peu en déclin ?
Volk-Man : C'est une question à la fois difficile et passionnante. On sent bien que quelque chose est en train de changer en ce moment... Si tu prends par exemple ces vieux groupes de légendes que sont Iron Maiden, Metallica, Slayer, Motörhead ou Judas Priest... et bien un jour ils disparaîtront, dans un avenir plus ou moins proche, c'est un fait établi et irréversible. Le souci c'est qu'il est très difficile de savoir ce qui se passera après... car quand tu regardes ces festivals en Europe, chaque tête d'affiche est composée de vieux groupes de légendes ! Rien ne change ! Du coup, que va-t-il se passer quand ils ne seront plus là ? Quelle sera la nouvelle génération qui fera les légendes de demain ? On peut être inquiets car franchement je ne vois personne prêt à les succéder au jour d'aujourd'hui.
Ju de Melon : En effet, vu comme cela tu as raison...
Volk-Man : Oui... Bon, cela peut changer mais ça va être dur. En ce moment, il y a pas mal de jeunes groupes populaires qui cherchent à élargir leur base de fans, mais le problème c'est que l'originalité se perd et que pas mal de formations se copient entre elles aujourd'hui. Un exemple : le metalcore ou le nu metal, avec plein de groupes qui explosent mais ne peuvent "durer" dans de telles conditions... Après voilà, je ne suis pas devin et je peux me tromper. Un groupe, pour réussir, doit se faire une image et une personnalité propre, le public n'est pas trop intéressé par des "clones". Un groupe comme Rammstein par exemple a un vrai succès, pour moi ils ont encore une très grande carrière devant eux s'ils s'en donnent les moyens. Ils peuvent donc "remplacer" les légendes qui vont peu à peu s'éteindre. Parmi les groupes plus jeunes, je ne suis pas certain par exemple qu'un Bullet for My Valentine pourra s'inscrire dans la durée, aussi bons et connus soient-ils actuellement. Je ne suis pas sûr que dans 10 ans on parlera encore beaucoup d'eux, mais là encore je peux faire erreur... Et donc voilà, le constat est clair, parmi les "groupes des années 2000", je ne vois aucune légende potentielle pour dans 10-20-30 ans.
Ju de Melon : Belle analyse, j'espère que ça déchaînera les débats parmi nos lecteurs et auditeurs, ce sera très intéressant d'avoir leur avis...
Volk-Man : En effet, j'adore ça les débats en plus (rires) !
Ju de Melon : Merci beaucoup en tout cas pour tes réponses Volk-Man, as-tu quelques derniers mots à dire aux fans français du groupe ou à ceux qui veulent vous découvrir ?
Volk-Man : Je les remercie pour leur soutien et je leur donne rendez-vous ce vendredi (NDLR : Aujourd'hui) pour la sortie en format digital de notre single "Dr. Pest". Récupérable sur iTunes et autres ! Et on a hâte d'avoir votre avis sur l'album qui sort à la fin du mois... en espérant vous recroiser en tournée bien évidemment, on va tout faire pour.
Ju de Melon : A très vite en tout cas et on espère que Die Apokalyptischein Reiter pourra un jour devenir un groupe légendaire comme Iron Maiden et consorts...
Volk-Man : J'en doute mais disons que je ne serais pas contre (rires), chaque groupe rêve et travaille dur dans cette optique alors bon, on ne cracherait pas dans la soupe...
Vous l'avez compris, ce bassiste-chanteur allemand est également un passionné, un peu comme vous amis lecteurs ! Un débat est ainsi ouvert, rendez-vous sur le forum de La Grosse Radio Metal pour en discuter ou alors ici en réponse via commentaires si vous préférez... En attendant, longue vie à Die Apokalyptischen Reiter, le prochain album risque bien d'être un des incontournables de l'année 2011.