The Gentle Storm – The Diary

Sail On...


The Gentle Storm, ainsi est le nom de ce nouveau projet destiné à devenir un véritable groupe créé par le compositeur hollandais Arjen Anthony Lucassen et son égérie, la chanteuse Anneke van Giesbergen (ex-The Gathering). Au menu, un premier album intitulé The Diary (à paraître ce 23 mars chez Inside Out) dans lequel nous est contée une histoire humaine prenant ses racines dans l'âge d'or de la Hollande. Le tout en deux CD, pour deux lectures musicales totalement différentes.

Promis, je vais essayer de faire court. Vous êtes certainement habitués à des romans de ma part lorsque je parle d'un album d'Arjen Lucassen, dignes des moments de bravoure de notre cher ex-chroniqueur Le Boucher Slave, mais essayons de faire digeste pour une fois. Commençons par l'histoire, celle d'un couple hollandais du 17ème siècle séparé par le départ du mari pour une mission maritime de deux ans. Entre temps, son épouse prénommée Susanne aura la joie de mettre au monde leur fils Michiel et le malheur de tomber grièvement malade. L'époux Joseph essaye par tous les moyens de regagner sa terre natale au plus vite mais Susanne décède et laisse donc enfant et mari vivre sans elle. A la fois touchante et puissante, cette épopée romantique sert parfaitement les compositions à la fois épiques et sobres d'un projet à deux facettes.

En effet, fait rarissime, chaque chanson présente sur l'album se voit déclinée en deux version : Gentle et Storm, sur deux disques distincts. Si les structures et paroles ne varient pas, le feeling général diverge de façon brutale entre une lecture plus folk, acoustique et ambiante (Gentle Version) et une vision over-épique, metal et symphonique (Storm Version). De quoi témoigner de la richesse de chacune des compositions et de la voix de Madame Anneke.

Arjen Anneke The Gentle Storm diary review chronique

Galanterie oblige, commençons par cette dernière, tout simplement parfaite d'un bout à l'autre de l'album. Miss van Giesbergen offre à ses auditeurs une prestation magistrale, peut-être le sommet de sa carrière, entre timbre délicat sur les moments intimistes et vibratos poussés à l'extrême sur les envolées plus lyriques. Elle s'installe en déesse capable de contrôler sa voix à la guise du maestro Lucassen, intensifiant ainsi les deux regards différents posés sur chaque morceau. On pourrait citer des tas d'exemples, mais comment ne pas fondre sur l'intensité vocale d'un "The Moment" central et modèle du thème final "Epilogue: The Last Entry" où Anneke nous ferait presque pleurer de frissons notamment sur la version Gentle le temps d'un aigu angélique. Et quelle maîtrise par ailleurs, "Endless Sea" ou encore "Shores of India" où la belle s'amuse de divers arrangements vocaux parfois orientaux. Arjen a évidemment su en jouer, les différentes harmonies étant parfaitement pensées et souvent diaboliquement précises, comme sur "The Storm" par exemple.

Au niveau compositions, on reconnait bien évidemment la patte Lucassen mais pas seulement. Certes, certains moments rappellent les heures de gloire d'Ayreon, j'en veux pour preuve la version Storm de "Eyes of Michiel" ou l'intro de "New Horizons" (toujours côté Storm). C'est d'ailleurs bel et bien sur la version metal que cela se ressent le plus, la partie Gentle étant bien plus inventive - nous y reviendront. Sur cet album, Arjen apparait sous sa meilleure forme d'écriture, chaque mélodie vocale étant parfaitement huilée et totalement adaptée à Anneke, une preuve de l'immense admiration que l'artiste lui voue. Mr. L. se permet même d'écrire ce qui est peut-être à ce jour l'un de ses meilleurs morceaux : "Shores of India", au refrain imparable, totalement tubesque surtout dans sa version Storm qui devrait ravir les fans de l'époque Mandylion de The Gathering. Grosse mention spéciale aussi pour "The Storm", "Eyes of Michiel", "Heart of Amsterdam" qui glorifie l'amour qu'Arjen porte au folk mais aussi "Endless Sea" ou "Brightest Light" et son côté Pierre et le Loup (Prokofiev) que les nostalgiques apprécieront. Pas ou peu de faiblesses, peut-être une légère lassitude sur "The Greatest Love" ou "Cape of Storms" (notamment sur sa version Storm un peu simpliste dans ses riffs), mais il serait très sévère d'employer tel terme tant chaque titre s'imbrique parfaitement dans l'ensemble.

Reste à se concentrer un peu sur la version Gentle. Car si la Storm ne propose qu'assez peu de surprises - si ce n'est l'absence totale de clavier remplacé par cuivres et autres cordes (renforçant la force du projet), les choeurs glorieux (souvent en hollandais) du Epic Rock Choir de la troupe The Theater Equation ou encore les explosions de cor français - la Gentle nous épate par la richesse de ses arrangements et la diversité de ses instruments utilisés. Plus de 30 au total, dont certains qui n'existaient même pas jusque là dans notre esprit, ou alors entendu très rarement dans le milieu (citons Hardingrock au passage, un projet défunt d'Ihsahn dans lequel on pourra noter quelques similitudes ; en particulier sur "Storm of India"). Bluffant, le flûtiste (et bien plus que ça) préféré d'Arjen, le fidèle Jeroen Goossens, nous épate par son jeu et ses sons à la fois exotiques et champêtres. "Heart of Amesterdam" ou "Eyes of Michiel" en sont l'exemple parfait, sans oublier "New Horizons". Quelques duels avec le violon de Ben Mathot nous rappelent de belles choses, sans oublier l'utilisation de la contrebasse (parfois bien jazzy, comme sur "Heart of Amsterdam") ou du violoncelle qui renforcent le côté dramatique de l'ensemble. N'oublions pas non plus le piano subtil au son profondément délicat de Joost van den Broek (sur "Endless Storm" ou la fin de "New Horizons") et... Arjen lui-même, usant de son hammered dulcimer avec grâce et enrichissant le tout de percussions diverses. Après tout, c'est aussi ça le son Lucassen, mais poussé ici à son paroxysme de douceur et d'expression musicale, faisant de la Gentle Version un véritable tour de force pour les oreilles d'un mélomane averti.

Arjen Lucassen et Anneke van Giesbergen réussissent ainsi parfaitement ce premier galop d'essai, faisant de The Gentle Storm un projet doté d'une richesse et intensité sans pareille sur la scène actuelle. Certains reprocheront peut-être la construction en 2 CD qui rend l'écoute de l'ensemble parfois un peu longuet, d'autres le côté pas assez metal de la version dite épique... mais si cette dernière s'avère souvent en retenue niveau gros son, il ne faut pas en oublier la raison : la mise en avant des émotions et d'un côté organique plus que prenant, pour un équilibre parfaitement respecté avec le côté orchestral profond.

Pas loin du chef d'oeuvre, The Diary s'inscrit dans la durée et devrait permettre à The Gentle Storm de s'installer en tant que vrai groupe, promettant ainsi une suite à ses amateurs comme l'espèrent les deux musiciens désormais inséparables. Pour le meilleur... et simplement le meilleur.
 

NOTE DE L'AUTEUR : 9 / 10



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