Puisque les nouvelles règles draconiennes de La Grosse Radio nous obligent à avoir un petit quota d'originalité dans nos chroniques, je vais dès lors m'adresser à vous en roumain : Astazi, va prezint Clandestine, un quator care ne vine din SUA. Vous êtes épatés, n'est-ce pas ? Mais, puisque je me doute bien que vous n'avez pas du comprendre grand chose, je vous présente aujourd'hui Clandestine, un quatuor en provenance des États-Unis ! Rappelez-vous quelques semaines plus tôt, Benedictum, de la même origine, fut la victime du bistouri sévère de votre chroniqueur favori (modestie quand tu nous tiens). Sauf que, mis à part le fait d'avoir une jolie demoiselle au micro, les deux formations n'ont strictement rien à voir. Ici, point de heavy burné, mais un tout autre style. Voici The Invalid, premier méfait des américains, à paraître le 15 Février 2011 chez Nightmare Records.
Pour accompagner l'ensemble, un petit trailer était diffusé, histoire de présenter un peu la chose : on y décrit une voix puissante, une musique unique et exceptionnelle, un album à posséder absolument dans sa discothèque, bref, tout simplement le renouveau du metal, la Joconde aux riffs, le nouveau messie. Sous des termes pompeux à souhait, il est pourtant facile de dissimuler exactement tout l'inverse de ce qui a été annoncé, un effet pouvait donc se révéler à double-tranchant. Et quoi de plus hargneux qu'un chroniqueur trompé sur la marchandise, courant plein de rage après le groupe, un hachoir en main ? La tension est palpable lorsque l'opus se lance.
En guise de mise en bouche, des sonorités electro. Passons, cela est couramment utilisé de nos jours, et c'est un plaisir de voir arriver les instruments les uns après les autres, débutant une rythmique et instaurant une mélodie agréable. « Fearless » débute réellement lorsque les guitares lâchent des riffs plus acérés, montrent les chros et prouvent qu'elles ne sont pas là pour faire tâche dans le décor. Lorsqu'arrivé le chant plus cristallin de June Park, s'insérant parfaitement dans la composition, nous voici totalement rassurés et convaincus. Musicalement, encore un groupe de metal symphonique ? Que nenni, les sonorités sont résolument progressives, avec d'intéressantes variations dans la partie instrumentale et, si le niveau n'est pas aussi technique que chez Dream Theater, on appréciera tout de même la performance des musiciens.
D'ailleurs, c'est avec une joie certaine que l'auditoire sera comblé par quelques morceaux tubesques qui marquent une montée dans la puissance et l'enthousiasme. Pas le temps de s'attarder dans le petit monde d'Hello Kitty avec « Disappear in You » qui débute par un bon growl bien puissant, de quoi montrer que la jeune femme n'est pas une minette aux capacités vocales réduites. L'ensemble se montre plus rentre-dedans et le refrain est extrêmement accrocheur, avec parfois de légères modulations rythmiques qui aident à diversifier les plaisirs.
Pour contenter les fans de gros riffs, allez faire un tour du côté de « Philistine » qui a véritablement des atouts à faire valoir ! Dans la même lignée tubesque que « Disappear in You », notre jeune vocaliste se tentera là aussi à un chant guttural maîtrisé. Du coup, la voix se remarque beaucoup, de nombreux effets tels des doublages et des distorsions lui étant appliqué et le rendu est plutôt efficace, renforçant les quelques atmosphères. Entre force et passages éthérés, le travail rendu sur chaque partie de la piste semble très conséquent, de telle sorte que rien n'est laissé au hasard. Et n'allez pas penser que ce soit trop prévisible ne serait-ce qu'une seconde, les changements dans le morceau nous rappellerons bien vite que nous avons à faire à du prog, et ce malgré un excellent refrain, catchy et surprenant. Peut-être la bombe du brûlot.
En revanche, on déplorera que Clandestine se jette parfois dans le piège du metal progressif et tombe dans le démonstratif et la longueur. Il faudra du temps au morceau éponyme « The Invalid » pour se mettre en place, trop même, et un morceau de l'intro pourrait être amputé sans regret. De plus, on tombe bien souvent dans un rythme trop saccadé, où seule la prestation de June retiendra l'attention par sa qualité, et même si le titre n'est pas mauvais, il est difficile d'en retenir un passage qui marque vraiment les esprits et donne envie de revenir dessus, l'écouter à nouveau. Dommage.
Côté ambiances, le quatuor sait en instaurer plus d'une, comme la très funky « Dead to the World » et sa sympathique intro de batterie ou encore la plus sombre « Fracture ». Mais ces pistes sont-elles de qualité pour autant ? La réponse est oui. La première nommée est vraiment intéressante et fait figure d'un petit OVNI sur la galette, par un tempo différent de ce dont nous avions été nourris précédemment, malgré des touches electro se retrouvant par-ci par-là ailleurs dans le disque. Mais au niveau instrumental, alors là, rien à redire si ce n'est que l'on saluera l'excellente technique de chacun, que ce soit les guitares et la basse toujours bien employés, ou la batterie qui a vraiment un rôle privilégié et contribue à créer une atmosphère. « Fracture » est feutrée, de la tristesse, de la mélancolie se font ressentir, et le refrain est une petite pépite. Un bon morceau qui mérite d'être entendu.
En parlant d'émotion, la ballade « Silent Sin », bien qu'assez commune, n'est pas vilaine. La présence des instruments évite partiellement la copie sur Evanescence, malgré que l'air du morceau a quelque chose qui fait penser à Lacuna Coil. Si du côté du jeu de chacun, il n'y a pas grand chose à retenir, le chant en revanche dévoilera ses premières faiblesses, notamment quelques petites fausses notes, qui viennent entacher le bilan. De plus, le refrain aurait pu être plus creusé et plus intéressant. Au lieu de ça, il devient plutôt insipide.
Clandestine aime mélanger les genres, et créer un mix original entre heavy, prog et le tout avec des touches très modernes, comme sur « Phantom Pain ». Même si le côté technique est excellent, il aurait été meilleur d'insuffler plus de rage et de puissance au titre, et l'envolée en puissance arrivant sur le tard, l'impression que la piste n'est pas terminée laisse une impression particulièrement étrange. Substituer quelques touches de piano inutiles pour des riffs plus acérés n'aurait pas été un mal et l'accroche se serait fait bien plus vite. Au lieu de ça, il reste un morceau qui semble plus avoir l'air d'une ébauche et, même s'il est plutôt bon, aurait pu être bien meilleur. De plus, le sentiment que les américains auraient dû tenter quelque chose de plus audacieux, une pièce un peu plus longue subsiste. Car dans la galette, les titres sont plutôt courts, à la fois techniques et directs, ne dépassant que rarement les 5 minutes.
« Pretend » est probablement le morceau qui, s'il n'est pas le plus puissant, possède le refrain qui s'incruste en vous le plus longtemps. Le chant de la jeune demoiselle donne un côté très attachant, tandis que les ambiances fantomatiques font leur effet et le décor musical planté fait un certain effet. Pas de riffs de folie, d'envolées lyriques, de solo dévastateur, on reste dans la simplicité mais l'accroche est immédiate. Quand les guitares s'énervent, cela ne dure jamais longtemps mais les oreilles sont récompensées de leur attente. Le break instrumental reste réussi, et prouve que le groupe maîtrise son sujet.
Enfin, terminer sur « Comatose » laisse un bon goût une fois l'écoute terminée. Même si ce n'est pas la piste la plus marquante, elle permet de quitter la formation avec plaisir et d'entretenir l'envie de retourner écouter l'opus. Le morceau déploie de ses charmes vocaux et de lignes de guitare séduisantes, sur un refrain qui possède un poil d'influence prog.
Production impeccable, qui plus est. Le son est clair, le mixage bien dosé et, même si le chant est volontairement placé en avant pour souligner les qualités de la chanteuse, il ne sera pas difficile d'apprécier la pierre que chacun apporte à l'édifice.
Au micro, nous retrouvons la chanteuse June Park et son chant cristallin, plutôt aigu mais très agréable, plutôt modulé et rempli d'émotions. Elle ne manque pas de puissance notre vocaliste et sait pousser des hurlements qui font passer Angela Gossow pour un clown. Et très peu de couacs vocaux sont à déplorer, si ce n'est sur « Silent Sin » où, malheureusement, notre jolie demoiselle se vautre sur le refrain. Mais nous avons de la personnalité, de la maîtrise et de la puissance, les caractéristiques sont réunies pour dire qu'il s'agit d'une très bonne chanteuse.
Que devons nous conclure de tout ça ? Et bien, que c'est très positif et que l'élève Clandestine est très appliqué ! Avec The Invalid, la barre est placée haute pour la suite et le second brûlot se fait attendre avec pas mal d'impatience. Cependant, des défauts reste à gommer, et pour se faire une place de choix dans le milieu, du chemin va devoir encore être parcouru. Mais grâce à ses qualités et à sa personnalité, notre quatuor devrait pouvoir arriver à se frayer un chemin, et il est à espérer que leur nom soit plus souvent évoqué dans les années à venir, car visiblement, voici le manifeste d'une formation qui peut vraiment s'élever tel le faucon des cimes enneigées.
Note finale : 8/10