Quelques semaines après la sortie de The Grand Experiment, Neal Morse et son Band sont de retour à Paris. Et c’est du côté de la rue des martyrs, dans ce bon vieux Divan, que les Américains ont élu domicile pour la soirée. L’état de santé de Mike Portnoy, toujours fidèle derrière les fûts, inquiète les fans présents ce soir, puisque quelques jours plus tôt, le concert londonien du Neal Morse Band a été écourté, le batteur ayant du se rendre aux urgences dans l’après-midi. Mais ce soir, Mike Portnoy se sent en meilleure forme et les Américains sont bien décidés à délivrer une prestation haute en couleur et en générosité. Mais pour l’heure, place aux Suédois de Beardfish, dont le rock progressif parfois musclé trouvera preneur auprès du public.
Beardfish
La formation suédoise n’en est pas à son coup d’essai, puisqu’elle enchaine depuis plusieurs années déjà des concerts en première partie d’artistes prog renommés (comme Pain of Salvation ou encore Flying Colors). Fort d’un nouvel album récemment sorti, les poissons barbus entrent en scène alors qu’une grande partie du public se trouve encore dans la longue file d’attente devant la salle. Beardfish dévoile sa musique aux influences variées, emmené par son leader, Rikard Sjöblom, qui passe aisément de la guitare aux claviers. Avec un chant tout en finesse qui tranche littéralement avec les longues plages instrumentales du combo, il arrive à se mettre le public dans la poche malgré une communication minimaliste. De son côté, le bassiste Robert Hansen est également très à l’aise, malgré sa position étriquée sur la scène causée par la présence de nombreux claviers.
Si la musique développée par Beardfish appelle au calme et à la contemplation, le public n’oublie cependant pas d’applaudir chaleureusement les Suédois entre chaque titres, preuve que la musique de Beardfish arrive à toucher les amateurs de prog.
Il est également fort appréciable de pouvoir bénéficier d’un son aussi bon, qui arrive à mettre en avant le côté chaleureux des instruments vintages et en particulier des claviers de Martin Borgh. Ce son analogique nous plonge d’ailleurs directement dans les années 70, période marquante dans la musique des Suédois (on regrettera toutefois des influences seventies un peu trop évidentes). Mais Beardfish ce n’est pas que du rock progressif typé 70’s, puisque de nombreux riffs plus musclés sortant de la guitare de David Zackrisson viennent ponctuellement enrichir la palette sonore et musicale du combo.
Avec un très bon set d’une quarantaine de minutes, les Suédois arrivent sans peine à convaincre les spectateurs présents ce soir. Beardfish continue donc son ascension et s’impose comme une valeur sûre de la scène progressive, forte de ses nombreuses tournées et de son expérience scénique qui ne fait que croître.
The Neal Morse Band
A peine un an après être passé au Bataclan avec Transatlantic, Neal Morse vient ce soir défendre son nouvel album, le premier sorti sous l’appellation du Neal Morse Band. Et comme pour justifier ce patronyme, c’est bien un groupe à part entière qui prend place sur les planches et qui d’une seule voix entame l’introduction a cappella de "The Call". Derrière les fûts, Mike Portnoy semble avoir récupéré de son passage à vide londonien mais fait tout de même preuve d’un peu moins d’exubérance qu’à l’accoutumé.
Neal Morse fait toujours autant preuve de charisme, mais n'oublie pas la musique pour autant. Il est en effet impeccable à la guitare et aux claviers, délivrant en même temps un chant habité.
Mais la révélation de ce Neal Morse Band, qui s’était déjà illustré il y a deux ans, c’est bien Eric Gillette, dont le jeu de guitare rappelle fortement John Petrucci (dont il possède le même modèle de 6 cordes). Faisant preuve de beaucoup d’enthousiasme dans ses soli, il ira même jusqu’à casser une corde à la fin du premier titre. Pour meubler le temps du changement de corde, Neal Morse se lancera dans une improvisation acoustique en jouant "Folsom Prison Blues" de Johnny Cash, un grand sourire aux lèvres.
Après un « Leviathan » qui voit les musiciens se donner à fond, tout en interprétant des passages instrumentaux très techniques de façon bluffante, c'est le premier single du dernier opus qui est joué. « The Grand Experiment » est ainsi préféré à « Agenda » et passe très bien le cap de la scène avec son refrain fédérateur repris en chœur par le public.
Bien que Bill Hubauer (claviers) soit légèrement effacé en raison de sa position en fond de scène, il peut néanmoins s'illustrer lors d'un solo fort bien exécuté avant que le leader de la formation dévoile une ambiance intimiste avec un interlude acoustique. Désirant interpréter un titre différent chaque soir, Paris se voit gratifié de « Heaven in my Heart » par un Neal Morse visiblement très ému, qui joue ce titre pour la première fois depuis sa composition. Et la séquence émotion va se poursuivre puisque la très belle ballade « Waterfall » sera ensuite jouée par tout le groupe assis sur des tabourets. Mike Portnoy y interprète de bons chœurs et on remarque immédiatement ses progrès dans ce domaine. Le public est visiblement sous le charme et apprécie également les parties de chant lead qu’Eric Gillette chante avec conviction.
Mais c'est vraiment la fin du show qui va se révéler excellente, d'abord avec « In the Fire » tiré de Question Mark, puis avec la pièce épique du dernier album, « Alive Again ». Sur cet excellent titre de presque une demi heure, les musiciens ne cachent pas leur joie d’être sur scène, tout sourires, échangeant énormément avec leur public et se donnant à fond. Neal Morse ne tient pas en place et s'en ira faire un tour au milieu du public, guitare en main, tandis que tous les musiciens s’échangent leurs instruments, montrant si besoin est leur maitrise de la musique. Mike Portnoy en profite pour s'emparer d'une basse et en jouer sur le devant de la scène avec une bonne humeur communicative.
Avec un medley constitué de One et Testimony en guise de rappel, le Neal Morse Band termine un excellent concert aussi bon que celui donné il y a deux ans au Trabendo. On a ainsi pu apprécier une setlist totalement différente de celle jouée précédemment à Paris et surtout une bonne humeur qui s'est transmise à l'ensemble des spectateurs. Neal Morse et ses compères ont bien compris que pour faire un concert réussi, il faut avant tout que les musiciens s'éclatent sur scène. Avec une telle énergie et une telle générosité, c'est une audience sous le charme qui ressort du Divan du Monde en espérant revoir très rapidement la formation.
Setlist Neal Morse Band
The Call
Folsom Prison Blues (Johnny Cash cover, improvisation)
Leviathan
The Grand Experiment
Harm’s Way/ Go the Way you Go (Spock’s beard cover)
Keyboard Solo
The Creation
Heaven in my Heart (acoustic song)
Waterfall
Guitar solo
In the Fire
Alive Again
Rappel :
Medley One/Testimony
(Rejoice/Oh Lord My God/Jet/Reunion/King Jesus)
Merci à Garmonbozia
Photographies : © 2015 Marjorie Coulin
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