Folk metal, chant traditionnel, instruments folkloriques de partout, à première vue, ça n'a pas l'air bien original tout ça. Le tout est déjà bien entendu, très souvent. Ainsi, c'est la première réaction, naturelle d'ailleurs si le genre n'est pas notre favori, qui pourrait survenir à la découverte des hongrois de Dalriada. Sauf que nous n'avons nullement à faire à des débutants et ces fiers guerriers trainent derrière eux une bonne liste de brûlots, et même un changement de nom, se faisant appeler précédemment Echo of Dalriada. Ceci étant dit, le groupe n'avait pas été baigné sous les feux des projecteurs et ne se propageant que dans un petit cercle d'initié qui dégustaient de temps à autre un Kikelet pour sa fraicheur et ses mélodies. Voilà en Février 2011 un nouveau coup d'essai pour les six fougueux conquérants venus de l'Est qui viennent répandre les couleurs de la Hongrie, et, bien sûr, le chant se fait toujours dans la langue natale, une tradition dans ce genre musical, à l'instar de Silent Stream of Godless Elegy chantant en tchèque, Menhir en allemand, Heidevolk en néerlandais ou Skyforger en letton. Toujours emmenés par la belle blonde Laura Binder, les voici maintenant signés sur AFM Records pour la sortie d'Igéret, une petite consécration. Mais qui dit plus gros label dit souvent musique moins harmonieuse et plus grand public.
En effet, le folk metal au rabais, une nouvelle mode, touche de plus en plus de formations qui se laissent aller aux sirènes de la facilité et de la banalité (même si certains, à l'instar de Kivimetsän Druidi, sont naturellement de seconde zone). Quand même, ce serait un comble pour Dalriada d'être tombé dans un piège si grotesque, n'est-ce pas ? Un seul moyen de le savoir, c'est d'écouter avant de juger, en passant la banale « Intro ».
On rentre dans le vif du sujet avec « Hadjutanc » qui peut sembler, aux premiers abords, plutôt easy-listening, légèrement amputée de sa partie metal et tombant dans le niais. Sauf qu'il est indéniable que, même si le titre n'est pas le plus inspiré du monde, il est frais, divertissant et efficace, la valkyrie aux cheveux de blés se livrant même à des growls plutôt réussis, malgré un léger manque de puissance. La partie folk pourrait être cependant un peu plus creusée mais elle parvient néanmoins à capter l'attention et à apporter un fond musical très plaisant. Mais, surtout, le plus captivant, c'est un refrain du tonnerre, qui envoûte l'auditeur par quelques lignes de chant magnifiques. Et si ce n'est pas la vocaliste qui s'en charge, c'est le violon qui le fera.
D'ailleurs, cet instrument est extrêmement présent dans l'univers de Dalriada et l'a toujours été. Et parfois, il prend une place vraiment très importante comme sur le morceau éponyme « Igéret », où il ouvre le bal en fanfare et développe une toile de festivité, donnant envie d'entrer dans cette folle farandole et de danser jusqu'au bout de la nuit avec nos ménestrels hongrois. La guitare est tranchante mais parfois délicate, le chant posé mais sachant se faire plus puissant, le refrain profond donne vraiment fière allure à la piste, tous les ingrédients sont réunis pour permettre de dire qu'il s'agit ici ni plus ni moins d'une bombe.
Et rassurez-vous, chers auditeurs, le violon et ses délicieuses mesures n'enlèvent rien du côté metal que vous affectionnez tant. Les riffs incisifs sont toujours là, prêts à en découdre et à montrer que le combo a plus sa place dans le player de La Grosse Radio Metal que dans Skyrock. Vous demandez une preuve concrète ? Pas de panique, voici « Igazi Tûz », parfaite symbiose entre la douceur et la beauté des violons et la puissance brut de la rythmique véritablement soutenue. Il sera toujours appréciable néanmoins de profiter du sens de la mélodie de la chanteuse et du chanteur, qui s'alternent les lignes de chant, même si quelquefois, on aimerait que la demoiselle vienne reprendre un peu plus rapidement la vedette à son homologue masculin qui parfois s'éternise et dont le timbre peut lasser sur la durée lorsqu'il s'expose seul, mais faisant des merveilles couplé à la voix féminine sur l'excellent refrain, probablement l'un des meilleurs de la galette.
Parfois le côté folk s'éclipse au profit d'une face metal vraiment très affirmée, et « A Hadak Utja » en est le parfait exemple, avec son chant masculin clair et ses grunts. Agrémentés de sympathiques solos qui donnent du relief à l'ensemble, il manque malgré tout un point d'orgue et une ligne vraiment marquante pour permettre à la piste de briller parmi toutes les autres. Sans être mauvaise, tout le contraire même, elle ne brille pas vraiment, ne possédant pas assez d'éclat pour rivaliser avec les vrais tubes du brûlot. Au moins permet-elle de faire une démonstration technique pour les musiciens et d'user de leurs instruments sans la présence de la voix de Laura, qui n'assure que de vagues chœurs sur la fin. Il est vrai qu'entendre une voix différence fait du bien, certes, mais le mâle de la troupe n'a pas autant d'aisance que la jolie demoiselle.
Sur « Leszek a Csillag », le clavier et ses notes de piano forment une jolie interlude, entre les lignes de chant et la technicité de guitares qui livrent des solos dignent de formations de power metal, une véritable bataille de cordes. Côté refrain, on repassera sur l'accroche, le tout tombant un peu à plat et ne laissant pas transparaître une grande vigueur. Néanmoins la piste peut compter sur une section instrumentale hors-paire, notamment dans les couplets et les breaks, tous aussi variés qu'inspirés et agréables. La voix, comme d'habitude, fait des miracles, du moins lorsqu'elle est amenée par l'amazone à la crinière de blé, car lorsque notre troubadour masculin vient pousser la chansonnette ou pousser un féroce hurlement, le niveau reste convenable mais pas aussi bon.
Mais cela dit, le cliché n'est pas toujours évité et quand le côté festif et enjoué tourne au ridicule, la recette se fait aigre. « Hozd el, Isten » et « Leszek a Hold » sont plus anecdotiques, voir pour la deuxième nommée franchement dispensable tant elle est clichée et que tout se fait criard et crispant. Même la partie rythmique est pauvre et si le violon et la batterie sont intéressants, le reste ne suit pas, chant y compris. Pas besoin de s'épiloguer sur la shamanique « Outro » qui ne marquera pas les esprits. « Hozd el, Isten » fait pâle figure placée à la suite de la séduisante « Hadjutanc », le refrain peu creusé, et la piste globale restant en surface, sans vraiment aller au bout des idées. Remplissage donc, c'est dommage.
Des changements de rythmes s'opèrent sur « Kinizsi Mulatsaga » et sans aller jusqu'à dire que l'on approche du metal progressif, on retrouve néanmoins une certaine diversité qui donne un côté solide à la piste, et varie les plaisirs. Beaucoup de vocaux et d'instruments se succèdent ou se placent ensemble pour donner vie à la mélodie, et l'ivresse est pleine au moment du refrain. Il est également amusant de prendre plaisir sur la fin du titre où un décalage complet s'opère entre le duo de growls féminins/masculins et les mesures festives du violon. Une belle réussite.
« Mennyei Harang » possède un charme slave qui n'a pas été troqué par le combo, et les fiers hongrois savent le restaurer par une musique au ton plus triste et propice à l'émotion. Cela dit, on retrouve ce côté un brin dansant et festif, qui se manifeste à l'aide des solos communicatifs d'une guitare bien expressive et qui s'est parée de ses plus belles cordes pour les faire vibrer au long de la croisière hongroise. Le refrain est beau, un point d'orgue qui placera la piste dans les meilleures de l'opus.
Gros label oblige, production béton de mise, et sur ce point, Dalriada s'est armé et le son est bien plus clair et limpide que sur les pièces précédentes. Il est ainsi beaucoup plus agréable d'entendre clairement chaque élément d'une musique plutôt complexe à de nombreux points, même si pour les plus trve d'entre vous, cela est une indication que les fougueux hongrois viennent de vendre leur âme à leur maison de disque, les vilains. La guitare est bien placée en avant ce qui confère une sensation de puissance non négligeable et très appréciée du début à la fin.
Derrière le micro, plusieurs types de voix se font entendre, qu'elles s'expriment séparément, ou ensemble. Au chant principal, une petite originalité, il s'agit bien sûr de Laura Binder et de son timbre particulier, typique de l'Est et conférant une part de personnalité non-négligeable au sextette. Parfois de légères faussetés mais force est de constater que les progrès accomplis sont vraiment payants et que sa voix est enchanteresse. Le chant masculin d'Andras Ficzek, en revanche, est parfois pénible et trop envahissant. Les grunts sont réussis, et offrent vigueur et force.
Avec ce Igéret, le combo hongrois signe une excellente œuvre qui devrait se graver dans les sorties les plus convaincantes de l'année et, peut-être, offrir à Dalriada enfin la renommée que la jeune troupe mérite. Malgré un léger remplissage et des clichés peut-être trop franchis de temps à autre (l'anecdotique « Leszek a Hold »), les qualités accumulées sont nombreuses et le poids de l'expérience prouve que cette formation compte, en terme de qualité, parmi les plus grandes du milieu. Ne boudez pas votre plaisir et entrez dans l'univers de cette offrande qui mérite votre attention.
Note finale : 8/10