"Nightwish a changé ma vie"
Après avoir enregistré son premier album avec Nightwish, groupe qu'elle a intégré dans l'urgence en 2012, Floor Jansen revient sur son rôle, qui est désormais celui de chanteuse permanente du groupe. Elle évoque son arrivée au sein de la formation, son approche du chant dans Endless Forms most Beautiful, ainsi que sur d'autres points-clé de sa carrière, en toute franchise.
Bonjour Floor et merci de nous accorder cette interview. Endless Forms Most Beautiful est ton premier album studio enregistré avec Nightwish. Parle-nous de ton apport dans la musique de cet album.
Je n'ai pas participé à l'écriture et à la composition de cet album. Ma contribution créative se place dans ma manière de raconter l'histoire de ces parties écrites, comment donner à ces lignes de chant la bonne interprétation, chanter les paroles de manière à ce que ça colle à ce qu'elles veulent dire.
Dans tes projets précédents, tu as toujours participé à l'écriture. Qu'est-ce que ça fait de se retrouver dans un groupe où tout est déjà prêt quand tu arrives ?
Tout d'abord, j'aimerais mettre en avant la différence entre les projets musicaux et les groupes. Dans les projets auxquels j'ai été déjà invitée, tels qu'Ayreon, Star One et les autres, j'ai fait l'expérience d'enregistrer des parties déjà écrites. Pour ce qui est des groupes dans lesquels j'ai été, tels que ReVamp et After Forever, je participais effectivement à l'écriture des morceaux ainsi que des paroles. Le fait est que, dans Nightwish, les parties sont tellement bien écrites et me correspondent parfaitement, si bien que je n'ai eu aucun mal à me les approprier.
Nightwish est connu pour entretenir des ambiances sombres. Sur Endless Forms most Beautiful, on retrouve un sentiment plus positif plus exacerbé. Qu'en as-tu pensé ?
C'est vrai qu'on retrouve des ambiances joyeuses, notamment sur "My Walden", "Alpenglow", ainsi que sur "Élan". Mais tu as aussi des chansons comme "Yours is an Empty Hope" ou "Weak Fantasy", qui sont peut-être encore plus sombres et plus agressives que ce qu'a fait Nightwish par le passé. On retrouve également beaucoup de mélancolie à travers l'album, même sur des chansons peuvent être interprétées comme joyeuses dans un premier temps. Je pense notamment à "Our Decades in the Sun", qui est assez mélancolique, malgré le fait que ce soit une chanson positive, puisque c'est une ode aux parents, qui vise à les remercier. Le titre d'ouverture, "Shudder Before the Beautiful", est typique du groupe. Dans le dernier morceau, "The Greatest Show on Earth", plein de choses se passent, c'est un morceau très riche… Du coup, je ne pense pas que la joie traverse tout l'album, mais l'amour pour la vie transparaît, effectivement, mais la musique de Nightwish ne perd pas son aspect sombre.
Comment interprète-t-on ce mélange de sentiments en tant que chanteuse ?
On interprète par parties, je pense. Il est d'abord important de bien comprendre les chansons, sachant que la musique parle déjà d'elle-même. Il faut donc suivre les sentiments qu'elle véhicule, puis se creuser la tête sur le type de voix qu'il faut utiliser : faut-il prendre une voix rock, se faire plus atmosphérique ? C'était un défi pour moi d'utiliser ma voix plus basse et plus douce, car je n'ai pas beaucoup utilisé cet aspect dans ma carrière, pas de cette manière en tout cas. Les répétitions qu'on a faites ensemble ont bien servi, j'ai pu y essayer plusieurs facettes de ma voix, en racontant l'histoire à ma manière.
Pourquoi avoir choisi "Élan" en tant que premier single ?
J'aimerais pouvoir dire que c'est parce qu'il représente l'album, mais c'est difficile dans le cas d'Endless Forms most Beautiful, puisqu'il est très varié. C'est une chanson qui passe bien à la radio, ce qui est la raison principale pour choisir un single, elle est relativement courte et plutôt catchy.
Avec Endless Forms most Beautiful viennent plusieurs changements, notamment au niveau du line-up, puisqu'en plus de toi, on a Troy Donocley [joueur de cornemuse] qui a intégré le groupe de manière permanente et Kai Hahto à la batterie. Comment ont été vus ces changements depuis l'intérieur du groupe ?
Troy tournait avec Nightwish depuis l'époque de Dark Passion Play (2007), du coup, il n'était pas vraiment nouveau, son statut de membre permanent était plus une formalité qu'autre chose. Maintenant, il n'est plus que dans la musique, mais aussi dans les photos promo [rires]. Kai a enregistré la batterie pour cet album, il fera également la tournée, mais Jukka est toujours un membre du groupe à part entière, Kai le remplace jusqu'à ce qu'il soit complètement rétabli. Sa plus grande peur s'est réalisé et il a pris une décision très courageuse de s'écarter du groupe, pour que nous puissions continuer. Kai connaissait déjà tout le groupe, il a été technicien pour Jukka, c'est quelqu'un de très professionnel et n'a pas tenté de jouer différemment.
Est-ce que le fait d'intégrer Nightwish a changé ton approche du chant ?
Oui et non. J'ai toujours été intéressée dans la recherche de nouveaux sons à faire avec ma voix, briser mes frontières et explorer de nouveaux territoires. Donc ce n'était pas nouveau pour moi d'essayer de nouvelles choses. Mais, du coup, il y a quand même de nouvelles choses, comme cette voix plus basse, comme je viens de le dire, ainsi que des parties plus douces, plus éthérées. Cela ne serait probablement pas arrivé si je n'avais pas intégré Nightwish.
Tu connaissais déjà le groupe suite à la tournée que tu as assurée avec eux en 2013, qu'est-ce que ça t'a fait de travailler en studio avec eux ?
Cela t'intègre plus profondément dans le groupe. Cela permet de mieux connaître les autres musiciens, aussi bien au niveau personnel qu'au niveau musical, quand on se retrouve tous ensemble pour jouer et échanger ses idées. C'était une belle expérience. C'était plus facile puisque j'avais déjà tourné avec eux, c'est important de savoir quel sentiment donner aux chansons, comment les faire vivre. Nous avions déjà établi de bons liens, mais plus on passe de temps ensemble et mieux on s'entend.
Du coup, tu es prête pour t'embarquer dans une nouvelle tournée avec les gars ?
Plus que prête ! J'ai vraiment hâte qu'on se bouge pour se retrouver à nouveau sur scène ! Ça me manque déjà.
Avez-vous déjà parlé de la setlist entre vous, comptez-vous jouer beaucoup de nouvelles chansons ?
Nous avons déjà discuté de l'ensemble des possibilités qui s'offrent à nous, mais nous en saurons plus quand nous aurons répété les nouveaux morceaux ensemble. Mais avec Nightwish, nous avons des problèmes de riches, à savoir que nous disposons d'un répertoire très fourni et nous savons que les fans veulent aussi entendre des chansons des albums précédents. Du coup, nous allons devoir trouver le bon équilibre.
Nightwish va d'ailleurs donner son premier concert au Hellfest l'été prochain, qu'est-ce que ça fait ?
Je suis très curieuse de savoir ce que ça va donner. J'y ai été il y a longtemps avec After Forever (2007), mais nous avions un temps de jeu relativement court et le festival était plus petit. Si je me souviens bien, il n'y avait pas énormément de monde devant nous [rires] mais le concert s'est bien passé. La France a toujours été un bon pays pour After Forever, de même pour ReVamp d'ailleurs. Je me souviens d'ailleurs qu'on avait rejoint Nightwish en tournée et qu'on avait fait ce fameux concert à l'Élysée Montmartre en 2002. Du coup, avec toutes ces expériences positives, j'ai hâte de revenir dans ce festival qui a tant grandi, en tête d'affiche en plus !
Nous allons reculer de deux ans. Étais-tu anxieuse à l'idée de devenir chanteuse de Nightwish à plein temps, étant donné que tu as commencé en étant un membre de remplacement ?
Les choses sont arrivées progressivement. Au début, on ne savait pas trop comment l'avenir allait être, le début de la tournée était plus une affaire de survie du groupe qu'autre chose, il fallait qu'on finisse la tournée ensemble. Puis les gars se sont demandés s'il fallait continuer l'aventure avec Troy et moi. J'ai fait en sorte de ne pas trop y penser, le mieux à faire était de profiter du moment et de donner le meilleur de moi-même, en prenant les choses comme elles viennent. Je sentais que les choses allaient très bien, que l'alchimie fonctionnait entre nous, mais je ne voulais pas trop y réfléchir. Je n'ai d'ailleurs pas eu à réfléchir quand ils m'ont demandé de rester ! [rires] L'expérience était géniale et c'est un honneur de chanter pour Nightwish.
Tu as déjà de l'expérience en tant que chanteuse, qu'est-ce que ça fait d'être la nouvelle venue au sein d'un groupe ?
Vu le rythme intense qui nous a été imposé, je n'ai pas eu le temps de penser à tout ça et d'être anxieuse. Je me souviens de mon arrivée à l'aéroport de Salt Lake City [États-Unis]. Je vois qu'ils m'ont appelée, je rappelle : “Voici la situation. Tu peux venir ?” Je réserve un vol, je prends les paroles, et je m'envole. Du coup, la seule chose sur laquelle j'ai pu me concentrer dans l'avion était d'apprendre ces fameuses chansons. En attendant qu'on vienne me chercher à l'aéroport, j'ai commecé à me demander si je connaissais vraiment bien ces gars. Nous avions tourné ensemble en 2002, ça s'était bien passé et nous avions gardé contact, mais là, c'était quelque chose de complètement nouveau. Qu'allait-il se passer si nous ne nous entendions pas ? Ce sont des Finnois qui s'entendent déjà très bien entre eux et je ne savais pas si j'allais être à la hauteur. Mais à l'instant où je suis montée dans leur bus, j'ai su que je n'avais rien à craindre. La priorité était d'assurer les concerts à venir et de maintenir ce groupe en vie.
Qu'en est-il des fans ? On sait qu'il peuvent être très durs quand une nouvelle chanteuse arrive, Anette en avait fait les frais.
J'avais quelques inquiétudes, car nous n'avions pas eu beaucoup de temps pour prépare les premiers concerts dans lesquels j'ai chanté, ce qui est d'autant plus stressant quand tu intègres un groupe aussi gros que Nightwish. Surtout le premier concert, nous avons répété pendant le soundcheck, j'avais les paroles devant moi sur scène... C'était un sacré départ ! Mais les gens était tout de même contents que le concert ait lieu malgré tout. L'intéraction avec le public était unique et ils m'ont accueillie très chaleureusement. De plus, les fans étaient enthousiastes à l'idée qu'on enregistre un album ensemble, ce qui m'a conforté dans cette confiance avec eux, d'autant que les fans peuvent être brutaux sur internet. Les trolls sont toujours présents, mais la majorité des retours sont positifs.
Qu'est-ce que Nightwish t'a apporté ?
Je peux dire sans exagération que Nightwish a changé ma vie. Pour le meilleur. Je fais de la musique depuis que je suis adolescente et mon but est de m'épanouir dans mon groupe, ce qui est le cas à présent. J'en suis très heureuse.
Comment voyais-tu Nightwish avant d'en faire partie ?
J'écoute ce groupe depuis le début, j'ai toujours pris du plaisir à écouter les chansons, elles ont une certaines magie qui les rend vivantes. Les chanter moi-même alors que je les écoute depuis un moment est une drôle d'expérience. L'approche est différente, mais très appréciable.
Qu'en est-il de ReVamp ? Penses-tu que tu auras le temps de t'en occuper ?
Je ne sais pas. Quand j'ai rejoint Nighwish, Wild Card était déjà écrit et le studio était déjà réservé. Du coup, entre les tournées, j'ai écrit, enregistré et préparé la sortie de l'album. Quand la tournée s'est achevée, j'ai dû enchaîner avec la sortie du disque. C'était très intense. Un peu trop d'ailleurs et je ne voudrais pas recommencer. Chacun de mes groupes mérite une attention complète et je ne peux pas m'occuper de deux à la fois. Du coup, en ce moment, je ne fais rien avec ReVamp et je ne pourrai toujours pas quand je tournerai avec Nightwish. Après la prochaine tournée, on verra comment on se porte, il en est de même pour les autres membres, car on a tous notre vie. J'aimerais pouvoir continuer l'aventure avec ReVamp, je suis fière des deux albums que nous avons sortis, mais je ne peux pas répondre catégoriquement maintenant.
Comme tu le disais au début, tu as participé à l'écriture dans chacun de tes groupes avant Nightwish, du coup, as-tu pensé à d'autres moyens d'exprimer tes idées ?
Oui, j'ai un esprit créatif, du coup, je pense toujours à des idées musicales, plus ou moins intensément, ça dépend des activités que j'entreprends en même temps. Vu que je n'ai rien à écrire en ce moment, c'est plutôt moindre. Mais, plus tard, quand j'aurai plus de temps devant moi, je trouverai un moyen de les exprimer. Cependant, comme j'ai dit, il faut que je puisse m'y consacrer à 100 %. Mais je suis contente d'être encore inspirée, je sais que j'ai encore la possibilité de créer.
Photo live : © 2013 Olivier GESTIN / INTO The PiT Photography
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