Mais que mettent donc nos voisins belges dans leur houblon pour accoucher d’albums de cette trempe ? Après avoir été très agréablement surpris par le dernier album de Pestifer l’année dernière, c’est une autre formation du Plat Pays qui retient notre attention à l’écoute de cet opus (leur deuxième). Dehuman, dont la formation remonte à 2006, évolue dans un death metal racé qui, s’il se veut old school sur le papier, rend plus hommage à la scène québécoise qu’à celle de Tampa.
On pense en effet immédiatement à Gorguts, période Obscura (1998), notamment par ses ambiances avant-gardistes, dissonantes et malsaines qui parsèment l’ensemble des compositions du quatuor. Les musiciens ne s’encombrent pas de la vitesse pour la vitesse et si les blast sont présents, ce n’est que pour asséner un grand coup de massue à l’auditeur et pour mieux l’entraîner ensuite dans leur univers.
Les choses commencent à merveille avec « Sepulcher of Malevolence » sur lequel la voix d’Andrea se fond parfaitement dans une ambiance torturée où la dissonance est la pièce maîtresse. Les musiciens maîtrisent leurs instruments à la perfection, ce qui leur permet de laisser libre cours à leur créativité dans un style d’une exigence rare. Les atmosphères glaciales nous font voyager tout au long des huit titres de l’album dans un univers déshumanisé fait de violence et d’intensité. La production de l’album résolument moderne (sans être fade) renforce cette sensation et l’on a l’impression que Dehuman a su garder les passages les plus intenses des albums de Deathspell Omega ou d’Ulcerate, tout en sachant inclure de façon subtile leur propre patte (« Obedience to Pestilence »).
La violence des compositions n’appelle cependant pas l’auditeur à se lancer dans un moshpit frénétique, privilégiant l’introspection. Certains titres peuvent d’ailleurs parfaitement revendiquer le terme de progressif, tant le travail sur les ambiances dévoile la richesse de l’album au fur et à mesure des écoutes. D’un point de vue technique, les guitaristes Rafaël et Mathias sont aussi à l’aise en rythmique (« Temple of Lust and Fire ») qu'en solo (« Invocation of Sublime Death »), tandis que Laye, le batteur, sait faire preuve de finesse autant que d'endurance.
Il est cependant certain qu’un nombre limité d’écoutes ne suffit pas pour cerner toutes les subtilités de la musique des Belges. En effet, la complexité des thèmes et des riffs rend difficile l’apprivoisement immédiat des compositions (« Invocation of sublime Death »). Toutefois, la richesse des harmonies, des vocaux et les cassures rythmiques viendront empêcher tout sentiment de redondance et d’ennui et devraient dévoiler tout leur potentiel en live (« Goddess of Sins » pourrait bien être l’arme secrète du groupe sur scène).
Avec un album de la trempe de Graveyard of Eden, Dehuman a désormais toutes les cartes en main pour sortir du lot et s’impose comme l’une des révélations marquantes de la scène death metal européenne. On a hâte de découvrir cette formation sur les planches puisque l’épreuve du studio est franchie haut la main.
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