Liturgy, l'une des formations les plus controversées du metal, est de retour après quatre années d'attente. Pour le plus grand malheur d'une frange de la communauté black metal. Les Américains se sont en effet attirés les foudres de plus d'un puriste, suite à leur musique plutôt atypique et leur look plus untrue tu meurs. De quoi en faire rager plus d'un jusqu'à la sortie du prochain Deafheaven (on ne croirait pas comme ça, mais sous sa carapace, le blackeux est un être sensible). Seulement, les deux premières œuvres du quatuor sont loin d'être inintéressantes, poussant la démarche expérimentale jusqu'à l'extrême et ce The Ark Work ne réconciliera pas les détracteurs avec le combo. Bien au contraire. Et tant mieux.
Dès l'introduction « Fanfare », qui porte son nom à ravir, ceux qui détestent le groupe vont pouvoir sortir les armes. Ce n'est pas tous les jours qu'un combo nous accueille à grand coups de trompettes sur une mélodie martiale, avant d'enchaîner avec « Follow » sur un black expérimental où les musiciens ne se privent d'aucune extravagance. Jusqu'au-boutiste, assurément, Liturgy l'est et assume sa démarche pleinement. Hunter Hunt-Hendrix et sa bande ne sont pas là pour mettre tout le monde dans leur poche, mais avant tout pour se faire plaisir, ce qui se ressent immédiatement. Là où les râleurs de premier ordre pourront esquisser un semblant de sourire, c'est en constatant que les Américains délaissent plus ou moins l'univers du black metal pour aller toucher à tout, jusqu'à oser le mélange avec du rap US sur l'improbable « Vitriol », que ce soit dans l'instru ou la ligne de chant se transformant en véritable flow. Audacieux et réussi.
The Ark Work possède aussi cette admirable faculté d'avoir une durée de vie conséquente, tant son contenu est diversifié. La formation ne se définit aucune convention, ce qui donne un réel patchwork, qui, en plus de cela, parvient à ne pas tomber dans l'incohérence complète. Un réel fil conducteur se tisse de morceaux en morceaux, laissant ainsi à l'auditeur suffisamment d'éléments pour ne pas se perdre dans les méandres d'une œuvre complexe et, en même temps, terriblement accrocheuse. « Quetzalcoatl » et ses nappes électroniques, ou les plus typées metal « Father Vorizen » et « Total War » illustrent ce propos par des mélodies admirablement ficelées et entêtantes. Encore faut-il s'habituer à la voix nasillarde du frontman Hunter Hunt-Hendrix qui, là encore, sera sujet à division, tant sa façon de chanter sort de l'ordinaire, de manière particulièrement nonchalante et insolente. La formation assène le coup de grâce avec « Reign Array », pièce à la longueur conséquente mais inventive et captivante de bout en bout. Le black metal de Liturgy n'aura jamais été si passionnant, d'autant qu'il ne compte pas une trace de chant extrême.
Osé, inventif, novateur, voilà quelques adjectifs appropriés pour décrire The Ark Work. Déjà que ces têtes à claques de Liturgy ne faisaient pas l'unanimité, ce n'est pas avec ce disque qu'ils remporteront tous les suffrages. Et au fond, ce n'est sûrement pas ce qu'ils cherchent. Un disque bien plus intéressant que 95% des productions récentes du genre, dont le plaisir tient aussi bien de sa qualité musicale intrinsèque que du bruit jouissif des grincements de dents des puristes.
Note finale : 8,5/10