Si la Finlande n'avait pas tant de mystère, l'aimerions-nous autant ? Si cette contrée du grand Nord ne renfermait pas autant de subtilité poétique à la fois glaciale et violente, serions-nous autant fasciné par cet endroit où le metal y vit ses plus belles heures ? Toute une culture à part entière, bien différente de la notre plus renfermée et moins créative en un sens... du moins sur le plan musical extrême, ne jugeons pas ici toute forme d'art.
Ainsi, ces voisins de la Scandinavie ont su développer un univers riche ayant beaucoup apporté au noyau dur du rock, cette mélopée pour beaucoup sataniste ou simplement bourrine. Qu'ils aillent donc faire un tour dans ce pays, ces gens-là, et peut-être comprendront-ils... Peut-être tomberont-ils sur ce génie qu'est Tuomas Saukkonen, dont nous avons déjà parlé il y a peu à l'occasion du dernier album de Before the Dawn récemment sorti. Une réussite là aussi.
C'est ici l'un de ses projets parallèles que nous allons analyser. Non pas Black Sun Aeon ou Dawn of Solace, mais son dernier né : RoutaSielu. La route du ciel ? Pas du tout, faux ami, même si cela aurait pu... Non, en finnois, ce terme signifie "Frost Soul". L'âme (con)gelée ? L'âme du gel (!) ? Pourquoi pas. Froid et profond, on peut dire que ce projet porte bien son nom... Et voici Pimeys ("obscurité" en finnois) sorti le 16 février dernier chez Spinefarm Records.
Tuomas agit-il seul ? Que nenni, même si c'est bien et évidemment de ses compositions dont il s'agit ici. Le parallèle avec Black Sun Aeon va s'avérer cependant inévitable puisque le maestro est accompagné de son pote Mikko Heikkilä à la guitare et aux voix claires, comme sur BSA donc. Est-ce pour autant une copie de ce projet ? Certains penseront certainement que "oui", ou du moins qu'il s'agirait d'un potentiel 3ème album de Black Sun Aeon sorti sous un autre nom, mais...
... Mais quoi donc ? Ici les paroles sont chantées en finnois et uniquement dans cette langue. A partir de là, cela change tout. Ou presque. Car voici une sonorité bien différente de l'anglais conférant une atmosphère plus sombre, plus locale, à un son déjà mixé plus en "retrait". En d'autres termes, n'attendez pas la production béton du dernier Before the Dawn, le mix étant ici plus cru et presque paradoxalement plus axé sur les ambiances... laissant au passage un son de guitare assez squelettique qui renforce une certaine idée d'obscur mal-être.
Ou lorsque la musique devient ici quasi-thérapeutique, ou extra-musicale en un sens. Ce n'est pas un une écoute que ce RoutaSielu saura vous séduire, cette première approche risquant d'ailleurs d'en laisser plusieurs sur le carreau. Non, il faut se laisser aller, varier les plaisirs et y revenir selon les humeurs, testant si possible ce CD en écoute attentive puis en musique d'accompagnement. Et là, il se passe quelque chose d'indéfinissable, d'assez inexplicable.
Entre voix claires et growls death savamment distillés et équilibrés, c'est sur une noirceur mélancolique certaine alliée à un groove parfois sidérant que l'accroche s'opère. Cette sombre progression musicale prend une ampleur probante sur un titre comme "M.E.V." (support vidéo clip), s'affichant même dans une certaine rythmique rapide en son refrain. Comme pour choquer, ou pour mieux attirer l'auditeur...
Et si vous êtes patients, vous tomberez au coeur de la galette sur la triplette gagnante, un magnifique trio composé de "Pesäpallo", "Kaipus" (qui tourne dans le gros mix metal) et l'éponyme "Pimeys". Clairement irrésistible dans l'entrain mélancolique, un côté dark gothique profond et un rythme toujours bien soutenu. A déguster sans modération. Avant de se laisser aller et mourir de plaisir sur la splendide conclusion "Kehtolaulu", ou la magie instrumentale d'une prouesse minimaliste piano/strings...
Après, restent les quelques longueurs et cet aspect parfois très simpliste (ou déjà entendu) pour tempérer un jugement qui aurait bien pu être dythirambique. Quelques titres passent sans trop laisser de trace, en apesanteur, comme ce "Loppu" peut-être trop technique pour l'ensemble (mais au riff recherché à défaut d'y allier la mélodie) et touchant un quasi indus mécanique peut-être un poil maladroit, sans oublier un "Ystävä" qui se cherche entre calme atmosphétique, approche pseudo progressive ou bourrinage de riffs. Le morceau d'entrée "Enkeli", passant après une très belle intro ("Alkusoitto") plus que prometteuse, aurait lui aussi mérité une noblesse supplémentaire.
Ne boudons cependant pas ce plaisir et classons ce premier opus de RoutaSielu à la quasi hauteur du dernier Before the Dawn. Sans être capable, pour l'instant, de dire lequel serait le meilleur. D'ailleurs, nous y risquerons-nous un jour ? Sûrement à l'heure du bilan 2011, mais d'ici là... Ecoutez donc les deux CD sans a priori particulier, et goûtez leurs différences avec malice.
Note : 8/10
Clip vidéo de la chanson "M.E.V."
RoutaSielu sur La Grosse Radio